dans une cupule dont les écailles sont rhomboïdales : leur angle
supérieur est un peu relevé et obtus (1).
Après une heure et demie de marche le paysage changea d’aspect
; il devint rude et rocailleux, et peu différent de celui que nous
avions vu avant d’arriver au vallon. Bientôt nous apperçûmes des
empreintes de poissons sur les pierres dont le chemin était bordé.
Ces empreintes étaient noires, et les pierres blanches , crayeuses
et feuilletées. Nous mîmes pied à terre pour voir ces empreintes de
plus près, et faire choix de celles qui devaient figurer dans nos
collections. Nos recherches furent vaines : aucune n’était entière
et bien reconnaissable. Il est cependant probable que si nous avions
eu des instrumens propres à fendre la pierre, et tout le tems nécessaire
à cette opération, nous aurions été récompensés de nos peines
; mais il était déjà tard : lé soleil allait se coucher, et nous
étions à plus d’une lieue du gîte. Après un quart d’heure de chemin,
nous apperçûmes une vallée étendue , et un village assez considérable,
nommé Abdama, situé vers le bas de la montagne opposée.
Notre moucre nous conduisit au caravansérail que nous trouvâmes
entièrement occupé par une caravane qui venait d’A lep.
Nous fûmes obligés de nous établir dans un coin de l ’écurie, en
attendant que notre janissaire nous eût procuré un meilleur gîte.
Faute de p la c e , nos effets restèrent dehors et furent confiés au
valet du moucre. Quant au maître, il fut passer la nuit chez une de
ses femmes ; car il faut remarquer que cet homme prévoyant, dont
l ’état était de faire continuellement les voyages d’Alep à Latakie,
et de Latakie à A lep , av ait une femme à chacune de ces deux villes
, une autre à Abdama, et la quatrième à Saarmin, village situé
à dix ou douze lieues d’Alep.
Notre janissaire ne tarda pas à revenir pour nous conduire chez
un Arabe de sa connaissance, dont le logement consistait en deux
chambres. Cet homme nous céda pour deux piastres la première,
et se retira dans la seconde avec sa femme et ses enfans. Il n’y avait
( i) Quercus iibani . j'oiils ovato-lanceolatis, serratis j cupuld simplici, squanimis
rhombcidalibus. Tab. 3a.
dans la chambre, pour tout meuble, qû’une natte : les murs étaient
assez propres , et au plancher étaient suspendues des liasses de
tabac, dont l’odeur nous aurait incommodés si nous n’avions eu la
précaution de laisser ouvertes les portes et les fenêtres.
Ainsi qu’à Baloulier, les femmes, à Abdama, ne sont voilées
que pour la forme : celle de notre hôte se montrait sans difficulté
toutes les fois que son service nous était nécessaire. Nous en ap-
percevions aux fenêtres des maisons voisines et sur les terrasses,
qui n’avaient également point de voiles, et celles qui passaient dans
les rues en portaient un qui laissait leur figure à découvert.
Abdama est assez bien bâti, assez populeux ; et seshabitans, presque
tous Musulmans, nous ont paru être dans l’aisance. Ils s’adonnent
à la culture du tabac, du coton et du mûrier : ils récoltent
beaucoup de grains ; ils ont quelques vigne s, et leur territoire
fournit une assez grande quantité de scammonée, qui passe à Alep
ou à Tripoli.
La-plante qui fournit cette drogue, est un liseron bien connu des
botanistes (1), qui croît spontanément aux environs d’A c r e , sur le
Mont-Carmèl, et dans une grande partie de la Syrie et de la Cara-
manie. Il n’exige aucun soin pour sa culture : au printems seulement
on coupe raz de terre la plante, en adaptant à l’incision une
coquille de mer pour recevoir le suc laiteux qui en découle. Ce suc,
d’abord blanc, devient peu à peu gris à l ’intérieur, et noirâtre à
l’extérieur. Lorsque la plante ne fournit plus de suc, et que celui-ci
a pris un peu de consistance, on le retire de la coquille et on en
forme de petits gâteaux. On a l’attention de mouiller les doigts avec
l’huile d’olive ou celle de sésame.
Les habitans de ces contrées, qui passent pour être à cet égard
très-fripons, mêlent assez souvent à la scammonée de la rapure du
bois de la plante , et quelquefois de la farine d’orge et même de la
terre. On reconnaît cette altération en délayant dans un verre
un peu de cette drogue : si elle est frelatée, on voit le bois se
(1) Convolvulus scammonea, fo liis sagittatis , posticè truncatis ; pedunculis
teretibus y subtrijloris. Linn. Mat. med. p. 60.
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