mille deux cents piastres, tant en présens qu’en étrennes forcées,
pour obtenir quelque diminution dans la demande de Mourad et
d’Ibrahim ; 3°. de nouvelles demandes d’argent pour le départ de
la caravane , etc. etc.
Nous dirons seulement que les établissemens français se voyant
à la veille d’être entièrement ruinés , soit par ces demandes réitérées
, soit par la cessation totale de leur commerce, quelques négocians
crurent devoir se défaire à la hâte de toutes les marchandises
qui leur restaient, pour se rendre à Alexandrie, en attendant
que les circonstances leur permissent de passer en France. ;
Mourad ne voulut point encore laisser échapper sa proie : il
craignait d’ailleurs que les Français n’allassent à Constantinople ,
se plaindre de tant de vexations; il les avait même déjà menacés
de leur trancher la tête s’ils osaient écrire et porter leurs plaintes
au sultan.
Les Français ne furent pas plutôt partis , que Mourad expédia
à Rosette son premier serrach et cinquante officiers pour les arrêter.
Ceux-ci se rendirent à la maison consulaire, accompagnes des
chefs de la ville de Rosette, et signifièrent au député gérant le consulat
, l’ordre qu’ils avaient d’arrêter les Français, et de les ramener
au Caire. Dans le même tems les gens de la suite du serrach se
répandirent dans les appartemens du député : quelques-uns furent
dans la maison de madame Warsy, entrèrent dans sa chambre à
coucher , ce qui est contraire aux moeurs et aux lois turques, et
y saisirent plusieurs Français.
Ces officiers, non-seulement se permirent de mauvais traitemens,
d’autant plus Inutiles que personne ne fit aucune résistance, et que
chacun promit de les suivre ; mais üs vomirent contre la nation
même les propos les plus indécens et les plus injurieux. Ils eurent
èn outre la cruauté dë laisser, pendant deux heures que dura leur
dîner , ces mêmes Français exposés en pleine rue aux huées et
insultes d’une populace grossière ,'q u i , malgré . 1 opprobre et la
misère dans lesquels elle croupit, ose cependant mépriser tous les
Européens, et alors se croyait encore plus en droit d’outrager ceux
qui appartenaient à la France.
Le consul, informé de la cause du départ des officiers de Mourad,
obtint que les Français seraient conduits dans leur contrée;
mais il eut bien de la peine à empêcher que leurs malles , transportées
chez le b e y , ne fussent ouvertes , e t , selon toute apparence,
pillées. Il parut alors un ordre de Mourad, qui défendait à
tout Français de quitter le Caire, sous peine de faire trancher la
tête à tous ceux qui resteraient : ordre qui exista plusieurs mois.
Enfin, en l ’an 3 , le consul reçut de la part de Mourad l ’ordre
positif de faire payer treize mille piastres à un émigré, arrêtées
entre les mains d’un négociant d’Alexandrie, quoique le cit. Ma-
gallon représentât que cet argent appartenait à la République,
d’après les lois qu’elle avait faites. Mourad ne persista pas moins à
vouloir que cette somme fut remboursée, et l’émigré est venu se
faire payer à Alexandrie pendant que nous étions dans cette ville.
Tant de vexations excitaient depuis long-tems les plaintes de tous
les Français. Les négocians les avaient portées à leurs majeurs à
Marseille, au ministre de la République à Constantinople, et jusque
dans le sein de la Convention nationale. Ils attendaient âvec
une sorte d’impatience quelques soulagemens à leurs maux, lorsque
le cit. Descorches, envoyé extraordinaire de la République près la
Porte othomane, donna ordre au cit. Magallon, consul-général au
Caire, de se rendre provisoirement à Alexandrie, avec tous les
Français qui pourraient le suivre. Cet ordre était accompagné de
lettres et de firmans de la Porte pour le pacha. On avait pris le prétexte
de la cessation totale de notre conjmerce, et de l’économie qui
résulterait de la translation du consul et des négocians à Alexandrie.
Mourad, brutal, ignorant et fie r , parut regarder avec indifférence
la retraite des Français. Ibrahim, moins ignorant, plus astucieux
, craignant que cette retraite ne fïit l’annonce d’une rupture,
voulait s’y opposer : mais le consul applanit toutes les difficultés,
et emmena avec lu i, quelques jours après , tous les négocians et
presque tous les F’rançais qui se trouvaient au Caire.
Pouvions-nous cependant rester, en Egypte dans une position
aussi humiliante i; et la République française , déjà habituée aux
triomphes,, devâit-élle supporter cette humiliation i Pouvait-elle