L île qui est en face d’A b o u k ir , sera tôt ou tard réunie au continent,
ainsi que celles du Marabou.
Il est certain que le dépôt qui a lieu dans ces lacs, est beaucoup
plus grand què sur les terres cultivées, tant à cause de la plus grande
quantité d eau bourbeuse qui y est versée lors de l ’inondation, qu’à
cause des sables que les vents y amènent, des herbes qui y croissent
et meurent, des poissons, des coquilles, et de tous les animaux
q u i.y laissent leurs dépouillés : l’industrie des habitans pourrait
meme accelerer leur comblement par des travaux dirigés avec intel-
ligence, et tels peut-être qu’ils existaient autrefois ; car ces lacs,
plus profonds alors qu’ils ne le sont aujourd’hui , avaient aussi
moins d étendue, si on en juge par les ruines que l ’oji voit à des
endroits submergés par les eaux.
On se rappelle que la digue de la Madiéh , construite à l’ancienne
bouche canopique, pour empêcher les eaux de la mer de
se répandre dans les terres, ayant été rompue depuis la conquête
d.e 1 Egypte par les T urcs, le lac s’est considérablement agrandi; et
la chaussée sur laquelle était construit le canal d’A lexandrie, ayant
été aussi rompue depuis peu par les Angla is, les eaux de la mer se
sont portées jusqu au lac Maréotis, l’ont élevé de plusieurs pieds ,
et ont inondé près de vingt lieues de terrain.
On vient de voir que le sol de l ’Égypte n’a pu gagner sur la mer
sans que le fond de celle-ci ne se soit élevé par les dépôts qui s’y
font ; mais ces dépôts doivent également avoir lieu sur les terres
lors de 1 inondation. Nous 1 avons évalué à une ligne chaque année $
ainsi, d après la supposition que dans deux mille ans la mer s’est
éloignée de deux lieues, le sol a dû s’élever au moins de douze pieds
dans ces deux lieues, et s’il a fallu trente mille ans pour combler
tout 1 espace compris depuis le Mokatan jusqu’aux rochers d’Abou-
k i r , le sol, au pied de ce mont, s’est élevé de deux cents pieds5 ce
qui était absolument indispensable pour entretenir la pente nécessaire
à l ’écoulement des eaux.
Mais voici un fait rapporté par-Hérodote, et diversement explique
par quelques voyageurs et quelques antiquaires, qui nous,
donnera une nouvelle preuve de l ’accroissement du sol de l ’Égypte.
Cet auteur dit que , sous le règne de Moeris, qui vivait neuf cents
ans avant lui, lorsque le N il, dans sa crûe, s’élevait de huit coudées
au dessous de Mempliis, ses eaux se répandaient en suffisante quantité
sur les terres. Il fallait, du tems d’H érodote, quinze ou seize
coudées, et aujourd’hui il ne faut pas moins de vingt-deux à vingt-
quatre pieds aux environs du Caire.
Il n’est pas douteux que la crûe des eaux a été, dans les tems
recules, ce quelle est aujourd’h u i, c’est-à-dire, d’autant plus
grande qu’on s’éloignait davantage de la mer. On sait qu’elle est de
trente à trente-cinq pieds dans la haute Égypte , de vingt à vingt-
cinq dans la moyenne, de quatre ou cinq dans la basse; elle n’est
que d environ trois pieds à Rosette. O r , les huit coudées d’élévation
au dessous de Memphis, sous le roi Moeris, nous indiquent
une distance, de cette ville à la mer, à peu près égale à celle qu’ont
aujourd’hui Chahour et Tanta; et les quinze ou seize coudées d’élévation
sous Hérodote, nous montrent évidemment que, depuis ce
voyageur , l’Egypte ne s’est presque pas agrandie , puisque les
e a u x , au meme endroit, s’élèvent à peine à vingt-deux ou vingt-
trois pieds, et qu’elles s’élevaient alors à vingt ou vingt-un, si nous
évaluons la coudée à quinze pouces et quelques lignes.
Il nous reste maintenant à examiner si le Nil a pu couler dans
le désert de l’A rabie par le Bahar-bela-mé ou fleuve sans eau ,
ainsi que quelques voyageurs modernes paraissent le croire. Savary,
en altérant le texte d’H érodote, croit que le Nil franchissait jadis le
coteau libyque au midi de Memphis, se répandait dans la Libye
et se jetait dans le golfe des Arabes. Mais Hérodote dit d’une manière
bien précise, que le Nil coulait le long du coteau libyque
avant que Ménés n’en eût détourné le cours, et ne l’eût fait passer
à égale distance des montagnes de l’Afi-ique et.de l ’Arabie. Et en
effet, lorsqu’on a vu le coteau libyque, on, ne peut croire que jamais
le fleuve ait pu le franchir; car à une époque très-reculée,, et lorsque
le Delta n’existait pas encore, le lit du fleuve devait être plus
bas qu’il ne l’est aujourd’hui. Or, s’il avait coulé à travers le coteau
libyque, on verrait quelque part un déchirement, un écartement
profond qui eût permis, aux eaux de passer. Si le fleuve avait coulé