Seyde, chef-lieu do son pachalik , pour s’établir tl A c re , ville déjà
fortifiée par Daher. Seyde, ouverte de toutes parts, sans murailles,
sans fortifications, ne pouvait convenir à un homme qui songeait
déjà à se maintenir de gré ou de force dans son poste. C’est par
les mêmes vues d’ambition qu’il combla de caresses et de présens
l ’émir Youssef, et qu’il lui offrit même de lui rendre Barut. L ’émir,
qui crut sincères ces protestations d’amitié, vint avec confiance à
Acre. Il y fut d’abord reçu et traité avec tous les témoignages de
respect et de reconnaissance ; mais bientôt D g é za r , sous divers
prétextes, en tira de fortes sommes d’a rg ent, le retint même de
fo r ce , et ne lui permit de quitter Acre que lorsqu’il jugea que le
trésor de l ’émir était totalement épuisé.
Cette leçon aurait dû rendre l ’émir plus circonspect, et l’éloigner
du moins à jamais d’un homme dont la perfidie s’était déjà si souvent
manifestée. Cependant Dgézar, quelques années après , eut
encore l’adresse de l ’attirer à lui. Pour cette fois, après en avoir
exigé tout l ’argent qu’il crut pouvoir en tirer, il finit par le faire
pendre dans son palais , sous le faux prétexte de trahison.
Cette mort inattendue et l ’argent que Dgézar fit passer aux ambitieux
qui pouvaient se faire un parti parmi tous les habitans des
montagnes voisines, excitèrent des troubles parmi e u x , dont
Dgézar sut profiter. En appuyant de ses forces, de son crédit et de
son argent, tantôt un parti et tantôt un autre; en les affaiblissant
réellement tous, en semant partout la méfiance, en produisant de
toutes parts le découragement, il vint à bout de soumettre, en
quelque so r te, les Druses et les Motualis, et d’en tirer un tribut
annuel assez considérable.
La guerre qu’il a faite, pendant plus de vingt ans, à ces malheureux
habitans des montagnes, n’est qu’un tissu de perfidies et de
trahisons, de pillages et de meurtres, dont les détails feraient frémir.
Rarement il a osé exposer ses troupes à un combat incertain,
et jamais il ne s’est présenté en personne. Par les espions et les
traîtres que son or lui procurait, il était toujours informé d’avance
du dessein de l ’ennemi, et celui-ci était toujours en déroute avant
qu’on eût tiré le sabre contre lui.
Après une de ces expéditions commandées par Sélim son kiaya ,
il fut tellement satisfait de la soumission totale des Druses et des
Motualis, et du butin qu’on leur avait enlevé, qu’il demanda, et
obtint pour ce kiaya le titre de pacha à deux queues. Mais comme
Dgézar ne pouvait avoir à son service que des hommes de sa trempe,
Sélim ne fut pas plutôt élevé en dignité par le sultan, qu’il songea
à se faire des protecteurs et des amis à Constantinople, et ourdir
une conspiration qui tendait à s’emparer de la personne de spn
bienfaiteur, le livrer à la P o rte , et obtenir, pour prix de son
crime, le pachalik de la Syrie.
Ce fut en 1789 que cette conspiration éclata. Sélim, campé aux
portes de Seyde avec un corps de troupes que Dgézar lui avait
confié pour soumettre un nouveau parti qui venait de se former
parmi les Druses, traita secrètement avec l’ennemi qu’il allait combattre,
suborna les troupes qu’il commandait, leva l ’étendard de la
rébellion, s’empara de Seyde, où il mit garnison, et marcha vers
A c r e , où il espérait de surprendre Dgézar.
Dans le même tems quelques Mameluks, esclaves de Dgé zar,
se révoltèrent aussi, excitèrent des troubles dans A c re , mirent le
palais en désordre, pénétrèrent dans le harem, menacèrent les jours
de leur maître, et ne consentirent à sortir de la ville que lorsqu’on
leur eut fait compter quatre cents bourses ( 400,000 liv. ). Ces
Mameluks allèrent grossir l’armée de Sélim.
Si celui-ci avait eu les talens de son ch e f, s’il en avait eu l ’audace
, s’il avait eu seulement son activité et son courage, la Syrie
eût été délivrée d’un tyran sans en être plus heureuse ; car un tyran
nouveau se serait mis à la place du premier, ainsi que celui-ci
avait succédé à d’autres ; mais Sélim , tant pour satisfaire sa cupidité
que pour complaire à son armée, livre Sour au pillage, et y
passe plusieurs jours dans la débauche. Arrivé aux portes d’A c re ,
il hésite; il redoute un maître qu’il est accoutumé à respecter; il
n’ose se mesurer avec un homme à qui il reconnaît des talens
supérieurs. Cependant il se rassure peu à peu, fait investir la v ille,
et prépare un assaut général.
Du haut de ses murailles, Dgézar observe tranquillement,