n’était point à portée du continent ; qu’il était bien fermé, -et placé
sous les murs même de la ville ; qu’il était, en un m o t, tel à peu
près que nous le voyons aujourd’hui.
Bien plusj je crois que les Tyriens n’eurent jamais d’autre po rt,
soit qu’ils se fussent établis sur le continent, soit-qu’ils se fussent
réfugiés dans l’île ; car il n’en existe aucune trace sur la côte. Le
bras de iner ne pouvait être un port bien sûr, à moins que de chaque
côté on ne l ’eût garanti des vagues par une jetée. Et puisqu’il
en existait un fort bon dans l’île , pourquoi les Tyriens ne s’en
seraient-ils pas servi de préférence ? La distance qu’il y avait de ce
bras de mer au port de l’île n’était pas d’un demi-quart de lieue.
On ne présume pas que les deux rades qui se trouvent, l ’une au
n o rd , l’autre au sud de la presqu’î le , aient jamais pu servir de
port : leur ouverture est trop large , et les rochers qui sont à
l ’ouest, sont trop distans les uns des autres pour empêcher que le
vent ne s’y fasse sentir, et n’y excite des tempêtes auxquelles les
navires des Anciens n’auraient pu résister.
Si nous quittons maintenant la presqu’île de T y r et ses deux
rades, et que nous nous dirigions à l ’est pour nous rendre au
rocher de Machouca, où nous croyons que fut placée l’ancienne
T y r , nous trouvons, sur la jetée même , une tour carrée , qui
paraît être de construction arabe, à en juger par ses arceaux et ses
meurtrières. Il y a dans l’intérieur de cette tour une’ source peu
abondante, assez profonde, et une cloison intermédiaire qu’on
y a élevée afin que les hommes qui y vont faire leurs ablutions,
ne se trouvent pas avec les femmes qui y vont puiser de 1 eau pour
les besoins domestiques.
La distance de la fontaine au rocher de Machouca est de plus
d’un mille, et tout le sol est couvert d’un sable fin que les vagues
de la mer amoncèlent sur le riv age, et que le vent chasse et répand
ensuite aux environs.
On rencontre dans ce trajet quelques restes de l’aqueduc qui fut
continué jusqu’à la mer lorsque la ville ancienne fut abandonnée,
et que les habitans vinrent tous s’établir sur l’île. Arrivés au rocher,
. nous remarquâmes des fondemens épais de vieux murs , quelques
pierres
pierres taillées, des fragmens de briques et de poteries. Nous vîmes
une petite mosquée et le tombeau d’un scheik arabe , bâtis probablement
sur quelque temple ancien, peut-être sur celui d’Hercule ,
protecteur de la ville.
En nous dirigeant ensuite au sud, nous remarquâmes beaucoup
de fragmens de briques , confondus; avec, la terre végétale , et par
fois des restes de maçonnerie, qui saillent au ,dessus du terrain. Nous
vîmes des champs de coton dont la, récolte était .faite, des jardins
potagers assez bien cultivés : nous traversâmes plusieurs fois un
ruisseau d ’arrosement qui serpente dans cette plaine ; nous -prolongeâmes
l ’aqueduc, et nous eûmes,souvent occasion de voir les stalactites
dont Yolney a parlé. Elles sont si considérables, qu’elles
ont revêtu en beaucoup d’endroits les piliers de l’aqueduc, et rempli
en quelques autres des arches entières 5 là même où les arches ont
été démolies, on ne trouve plus maintenant que des masses de stalactites
en forme de pyramides. Nous arrivâmes .aux -sources après
une heure et demie de marche à pied : elles sont au nombre de
trois, et connues vulgairement sous le nom de puits de Salomon.
Ce n’est pas qu’on attribue à ce roi les travaux qui furent faits
pour élever l ’eau et la verser dans un aqueduc, puisqu’il n’a jamais
été maître du pays ; mais on croit qu’il a voulu parler de ces sources
dans le cantique des cantiques (1).
Nous ajouterons fort peu de choses à la description que Maun-
drell et Yolney en .ont faite. II est inutile de répéter ce que les
voyageurs qui nous ont précédés, ont dit avec exactitude. Les réservoirs
, dont l ’élévation est d’environ dix-huit pieds au dessus du
so l, sont formés d’un mur épais, garni intérieurement d’un blocage
calcaire , et revêtu à l ’extérieur de pierres de taille pareillement
cajcaires, d’une assez grande dimension. Ces pierres ont été enlevées
presque partout, excepté vers la face occidentale de la grande
source. On monte à ces réservoirs par un escalier .très-dégradé.
(1) Ces sources sont prises par Guillaume de T y r , pour'le forts hortorum dîl cantique
de Salomon, et par Brocardus et Adrichomius ,. pour le puteus. aquarunt
vivent¿um.
Tome II. H h