placé 1 assertion des Anciens, quoique très-fondée, parmi les erreurs
nombreuses qu ils nous ont transmises, ou parmi les exagérations,
plus nombreuses encore, dans lesquelles se laissait entraîner quel-
quefois le génie brillant des Grecs. Il est tems de leur rendre hommage
à cet égard, et de reconnaître que notre taupe n’est point
l ’animal qu’ils ont voulu désigner lorsqu’ils ont dit que l’aspalax
était aveugle.
Pour nous convaincre de cette vérité, nous n’avons qu’à lire ce
que Aristote a écrit a ce sujet(1). « Tous les vivipares, dit-il, ont
» des y e u x , excepté l ’a spalax, encore pourrait-on en quelque sorte
» ne le point excepter; mais il est plus exact de dire qu’il n’a point
» d’y e u x , puisqu’il ne voit absolument pas et qu’on n’apperçoit
15 point ses yeux au dehors. Il est vrai qu'en enlevant la pe au , on
” voh quelque chose qui tient la place des yeux : on en voit même
» 1 iris dans 1 endroit précisément où les yeux des autres animaux
»percent à l’extérieur. Il semblerait que l’aspalax aurait été
» rendu aveugle au moment même de sa formation. » Liv. i
chap. 9.
Aristote dit ailleurs : « C’est ainsi que les aspalax sont privés de
» la vue : ils n’ont point d’yeux apparens à l’extérieur; mais si on
» soulève la peau qui couvre leur tê te, et qui est assez épaisse, on
» v o i t , à l'endroit où les yeux ont coutume de paraître.dans les
» autres animaux, des yeux qui leur sont inutiles, sans cependant
« manquer d’aucune des parties propres à cet organe. On y distin-
» gue_ fo blanc de l’oeil, l ’i r i s , e t , au milieu de l ’iris, la prunelle :
» seulement ces parties sont plus petites que dans les animaux qui
» ont l’oeil dé cou v e r t,e t rien de tout cela ne paraît au dehors, à
» cause de l ’épaisseur de la peau. L ’aspalax est comme aveuglé dès
» l ’instant de sa formation; car il a d’ailleurs deux conduits forts
» et nerveux , qui partent du point où le nerf se joint au cerveau,
» et passent près des orbites ; mais ils vont aboutir aux deux dents
» saillantes de la mâchoire. » Liv. 4 , chap. 8.
Je me «ers de la traduction de Camus, en substituant au mot taapb qu*ii a
employé,..celui d’aspalax, tçl qu'il est dans le texte grec.
Cette description, comme on v o it , ne convient en aucune manière
à notre taupe. Personne n’ignore à présent que ses y eu x ,
quoique petits et cachés parmi les poils dont la tête est recouverte
, sont néanmoins très-distincts et très-apparens. Ce petit
animal ne se trouve point d’ailleurs dans les lieux qu’habitaient
les Grecs ; et Aristote n ’aurait pas avancé d’une manière si positive
, que les yeux étaient cachés sous la pe au , s’il avait voulu
désigner la taupe européenne. Aristote parle d’ailleurs des deux
dents saillantes de la mâchoire supérieure ; ce qui ne s’applique
point à la taupe, et convient parfaitement à l’animal que i’ai trouvé
à A lep. g
Il n ’est pas douteux que Pline n ’ait copié Aristote, lorsqu’il a
dit quadrupedum.ta.lpis visu s non est .• oculorum effigies inest, s i
quis praetentam detraiiat mernbranam. Li v. i ' i , chap. 7. Si Pline
n’avait pas été l’écho :d’Ari6lote, s’il avait examiné la taupe européenne,
qu’il croyait être le même animal que l ’aspalax des Grecs,
comment aurait-il pu dire qu’on apperçoit la trace des yeux de la
taupe, si on enlève la membrane ou la peau qui les couvre ? N ’aurait
il pas reconnu Lui-mêmè que le talpw des Latins .était bien diffe-
ren t de l ’aspalax des Grecs ?
C’est dans l’Asie mineure, dans la Sy rie, dams la Mésopotamie
et ep Perse, que j’ai trouvé le petit quadrupède dont parle Aristote,
et auquel convient parfaitement la description que je viens
de. rapporter. Pallas l ’a trouvé pareillement dans la Russie méridionale,
entre le Tanaïs et le Volga ; mais ne pouvant soupçonner
qu'un quadrupède, commun au nord de iamer Caspienne, habitât
pareillement les contrées anciennement occupées par les Grecs, et
trompé sanis doute par l ’opinion généralement adoptée l ’identité
de la taupe des Modernes avec çelle des Anciens , ce célèbre naturaliste
n’a point rapporté à l ’aspalax d’Aristote celle qu’il avait
trouvée, et n’a point par conséquent détruit l’erreur qui subsiste
depuis si long-teinsé .
! QuoiqueJ .aie lait un a^set long sejour à Constantirwple et dans
la;plupart des îles de lA r cb jp e l,je . n’ai pas.eu occasion d ’y rencontrer
l’aspalax. Je ne l ’ai point observé non plus dans la Grèce