des emplois, ne fixent pins les regards du public, et restent à jamais
inconnus et ignorés.
Il n’est pas surprenant, au reste, que les Mameluks n’aient jamais
laissé après eux qu’une postérité très-bornée, puisque peu d’entre
eux sont mariés. Il faut occuper les places éminentes, être bey ou
cachëf, ou obtenir quelque emploi lucratif pour avoir des esclaves
et un harem ; et comme ces places et ces emplois sont peu nombreux
, il est évident que peu d’entre eux ont de quoi fournir aux
dépenses que nécessite, parmi eux, le mariage. D ’ailleurs, ceux-là
même qui sont mariés, négligent presque toujours leurs épouses,
pour se livrer avec leurs jeunes esclaves à des plaisirs honteux, qui
les énervent de bonne heure. Le simple Mameluk reste ordinairement
célibataire, attaché à un maître qu’il sert jusqu’à sa mort, et
qu’il imite dans ses goûts dépravés.
Ce qui contribue encore à diminuer le nombre des enfkns des
Mameluks , c’est que leurs femmes, presque toujours délaissées ou
négligées, s’attachent d’autant plus à leurs enfans, que le père s’y
attache moins. Leur tendresse s’épanche toute entière sur ces êtres
faibles et malheureux, repoussés en quelque sorte du sein paternel.
Elles leur prodiguent tout ce que l’attachement le plus v if et le plus
ardent peut leur inspirer. Nées dans des climats rigoureux , ces
mères soignent ordinairement leurs enfans dans des appartemens
où l ’air extérieur ne circule pas assez , les couvrent de langes trop
chauds, leur donnent non-seulement leur lait, mais encore celui
d’une ou de deux nourrices ‘, de sorte qu’il arrive fréquemment
que ces infortunés, victimes d'une tendresse peu raisonnée, périssent
dans des convulsions pendant les premiers mois de leur naissance,
1 oü sont ensuite emportés par la petite vérole ou quelque
fièvre putride; tandis que les habitans de la campagne, nus jusqu’à
l’âgé de puberté, exposés toute l’année aux intempéries de l’afr et
à l’action d’un soleil b rûlant, réduits aux alimens les plus gros-
siérs , sé développent avec la plus grande facilité , se multiplient
considérablement, et acquièrent une santé vigoureuse, qui les dédommage
en quelque sorte, et les venge jusqu’à un certain point de
l ’oppression et de là tyrannie des Mameluks.
C H A P I T R E I I I .
D u N il. Cause de l ’ inondation p ériod iqu e de ce fleu v e.
E ffe ts de ses dépôts. Agrandissement de l ’E gypte. D u
Bahar-Belamé ou fleu v e sans eau. D u la c M oe ris.
L e Nil est à l’Egypte ce que les artères et les veines sont au corps
humain ; ce que l ’agriculture, l’industrie et le commerce sont au
corps social. C’est le Nil qui anime et féconde cetté contrée; c’est
lui qui y porte la fraîcheur, la verdure et l ’abondance. Si les eaux
de ce fleuve étaient dirigées dans le sein de l’A frique, ou si elles
allaient se rendre dans la Mer-Rouge, ainsi qu’Albuquerque en
forma le projet, l’Egypte bientôt ressemblerait aux déserts qui
l’entourent.
Presque tous les fleuves de la Terre sont sujets à des crûes subites,
inattendues; à des débordemens considérables, à des variations
fréquentes dans le volume de leurs eaux : le Nil est peut-être
le seul dont la crûe et le décroissement aient lieu peu à peu et à
des époques fixes, le seul dont les débordemens n’aient jamais
Occasionné de grands ravages. Aussi peut-on dire qu’aucun fleuve
n’est plus utile à la contrée qu’il arrose ; aucun ne mérite autant
que lui d’être appelé le bienfaiteur du pays qu’i f parcourt, le père
nourricier de Ses habitans ; aucun aussi ne se prête autant au merveilleux.
Il est bien certain que le débordement périodique du Nil à une
époque fixe , sa crûe progressive et constante , son décroissement
invariable et régulier , ont dû paraître extraordinaires à l’homme
peu familiarisé avec les lois de la physique générale. Nous ne réfuterons
pas toutes les hypothèses qu’on a hasardées à ce sujet. Personne
ne doute aujourd’hui que les pluies abondantes , qui tombent
régulièrement en Abyssinie depuis floréal jusqu’en fructidor,
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