eaux , qui tend presque toujours à le porter vers la cô te , nous ne
voyons p as, depuis l’arrivée des Grecs en E gypte, que cette contrée
se soit beaucoup agrandie. A peine trouvons-nous deux lieues à
l'embouchure Bolbitine, en supposant que la ville de ce nom lût à
un quart de lieue au sud de Rosette. On dit que le Delta présente
à peu près le même accroissement ; mais il n’est pas d’une lieue a
Peluse , et il cesse à Canope et à Alexandrie. Il est vrai que Peluse
est éloignée aujourd’hui du Delta, et que le Nil avait à rétrécir et
à combler le vaste lac de Menzalé avant de reculer, d’une manière
très-sensible , la côte en cet endroit. Quant à Canope et Alexandrie
, outre que le courant de la mer se dirige de l’ouest à l’est,
sur la côte d’É g yp te , ces villes étaient situées sur un sol un peu
é lev é , sur un sol ancien et qui faisait suite au coteau libyque. En
effe t, nous avons remarqué que ce sol n’était point une terre d’al-
luvion, qu’il était au contraire coquiller, et en tout semblable a
celui des environs des pyramides. Ainsi il lût un tems où cette partie
de la côte formait une île ou une presqu’î l e , derrière laquelle
était un bras de mer, dont les lacs Maréotis et de la Madiéh sont
un reste. Il a donc fallu que ce bras de mer fût comblé avant que
la côte prît de l ’accroissement en deçà d’A b ou tir (1)..
Hérodote a cru que si le Nil versait ses eaux dans le golfe arab
ique, dans l ’espace de dix mille ans le limon qui y serait déposé,
(1) Lorsque Homère fait dire à Ménélas : «Dans la mer orageuse qui baigne
» l ’Égypte , il est une île nommée Pharos, Sa distance du rivage est celle qu un
» vaisseau, poüSsë par un veilt favorable , petit parcourir en un jour. Elle a un bon
y> port dans lequel je fiis retenu » , je crois qu’on ne doit pas supposer, commetl’ft
fait Sav a rv , que la nôte d’Alexandrie n’existait pa s, puisque cette langue de terre
qui s'étend du Marabou aux rochers d'Aboukir, a <lii toujours être aussi élevée ,
ou même plus, élevée en quelques endroits que l ’île de Pharos. On ne pouvait donc
se diriger de cette île vers le fleuve , et arriver à la, côte d’Egypte, qu’après avoir
doublé le cap d’Aboukir. L e port dont parle Ménélas n’était autre chose que l’espace
qu’ il y avait.de l ’Ile Ptaros à la côte voisine, c’est-à-dire , le port vieux et le
■grand port, divisés postérieurement par la chaussée qu’Alexandre fit élever. Cette
-explication, comme on voit, n’ ôte rien à l’ exactitude de la topographie d’Homère,
que j’ ai partout reconnue être très-conforme à la vérité.
suffirait pour le combler entièrement. Ici le calcul d’Hérodote est
très-exagére. Dix mille ans, ni même vingt mille ,■ comme il l’avait
dit d abord, ne pourraient suffire à déplaeer lés eaux de ce golfe.
Il a fallu peut-être trente mille ans pour former le Delta et tout le
terrain qui se trouve depuis le Caire jûsqu’à l a mfer. Nous disons
trente mille ans, parce qu’il y a près de trente lieues dans cet esp
a ce , et que la mer , dans deux mille ans,! ne paraît avoir été
rèculée que de deux lieues y à Bolbitine et an Delta. On pourrait
conjecturer sans doute que le Nil autrefois chariait une plus grande
quantité de limon : on pourrait supposer que ses eaux étaient plus
abondantes ; mais cette supposition , toute vraisemblable qu’elle
est, ne porterait sur aucune preuve. Ce qui est bien plus certain,
c est qu’à mesure que la terre d’Égypte gagne sur la mer , ses
progrès doivent être pins lents , parce que l ’espace à coriibler
s’agrandit.
Sans doute si, dans l’état actuel, la côte, dans mille aiis, peut
gagner une lieue sur la mer, cinq cents ans ont dû suffire lorsque
le Delta n existait pas encore, et ses progrès ont dû être infiniment
plus rapides lorsque la vallée, qui se prolonge au sud du Caire et
de Memphis, se trouvait sous les eaux de la mer ; mais en admettant
qu’il n’ait pas fallu cinq cents ans pour reculer la mer d’une
lieue lorsqu elle venait battre au pied du Mokatan, il ne sera pas
moins évident que la Mer-Rouge, que l ’on sait avoir plus de trois
cents lieues de long, et plus de quarante de largeur moyenne, ne
pourrait être comblée ni dans dix mille ans, ni dans vingt mille,
comme le dit Hérodote,* en supposant même que le Nil y coulât
toute l’année comme au tems de sa crûe.
Mais avant que l ’Égypte s’agrandisse dorénavant d’une manière
un peu sensible, il faut que les lacs Menzalé, Burlos, de la Madiéh
et Maréotis, qui se trouvent près de la côte, soient comblés, et que
le sol se soit mis de niveau avec les terres environnantes. Quelque
lent que paraisse le progrès des dépôts dans ces lac s , on peut prédire
qu’ils n’existeront plus dans deux ou trois mille ans, et qu’à
cette époque il s’en sera formé de nouveaux à quelque distance
d’eu x , ainsi qu’ils ont succédé à d’autres qui ont disparu autrefois,
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