C H A P I T R E X I V .
Coup - d ’oe il sur la Mésopotamie ; sa division géograp
h iqu e , sa température 3 ses productions. H istoire
naturelle.
E n jetant un coup-d’oeil sur les rives de l’Euphrate et du Tigre,
et sur l ’espace de terre compris entre ces deux fleuves, depuis le
lieu de leur naissance, jusqu’à leur confluent à K o rn a , et même
jusqu’à' leur embouchure dans le golfe Persique, on remarquera
qu’il y a peu de contrées sur le globe , plus dignes de fixer l ’attention
du géographe, de l’historien, du philosophe et de l’homme
<l’État. En est-il, en effet, sur lesquelles on ait vu figurer plus de
villes célèbres, où l ’on ait livré plus de batailles mémorables, où
l ’on ait vu se succéder plus de nations diverses ? Les Assyriens et
les Mèdes, les Babyloniens, les Arméniens et les Perses, les Grecs,
les Parthes et les Romains , les Arabes, les Croisés et les Turcs se
sont successivement établis sur ces riches et fertiles contrées , et
les on t, ou ravagées, ou enrichies ; y ont fait fleurir les arts ou
étouffé l’industrie ; y ont attiré tout le commerce de l ’Orient ou
en ont obstrué tous les çanaux.
Mais, sans nous livrer à des recherches qui ne sont pas l ’objet de
nos travaux, et ne considérant cette vaste contrée que sous le rapport
de la physique générale, de la géoponie et de l’histoire naturelle
, nous la trouverons bien digne aussi de fixer un moment
toute notre attention.
La Mésopotamie ou cette étendue de terre qui se dirige entre les
deux fleuves du nord-ouest au sud-est, dans une longueur de deux
cents lieues, et une largeur très-irrégulière, mais beaucoup moindre
, me paraît devoir être divisée en quatre zônes bien distinctes,
quant à l ’élévation du s o l, la nature des terres, les productions
végétales et la température de l ’air.
, La première zône, ou la plus septentrionale, s’étend des sources
de l’Euphrate et du T ig r e , situées vers le 39e. degré de latitude,
jusqu’au 3ye. deg. et 20 min. ou environ, où se trouvent les villes de
Semisat, sur l’Euphrate; Severek, au pied du mont Taurus; M er-
din , sur le mont MasiuS, et G é zir éh , sur le Tigre. Cette zône faisait
partie autrefois de la grande Arménie, et se nommait Sophena. La
seule ville un peu considérable que l ’on y voie aujourd’hui, indépendamment
dp celles que nous venons de-nommer, c’est Diar-
békir, qui est la résidence d’un pacha de premier rang.
Cette partie de la Mésopotamie est élevée, montagneuse , assez
fertile ; elle abonde en ¿ources. L ’hiver y est froid : il y neige et il
y pleut souvent, depuis vendémiaire jusqu’à la fin de floréal. Le
sommet des plus hautes montagnes seulement y est couvert de
neige toute l ’année. L ’été y est sec , assez doux sur les hauteurs,
assez chaud dans les plaines et les vallées.
Elle produit des pâturages excellens , des grains et des fruits' en
quantité. On y cultive la vigne, le mûrier. On en exporte de la soie,
beaucoup de noix de galles , de la gomme adragant, du poil de
chèvre, de la lainè, du miel, de la cire et un peu de coton. On
voit sur la plupart des montagnes, des forêts de chênes, de pins,
de sapins , d’érables , de frênes, de châtaigniers , de térébinthes.
On fait de l’huile à manger avec les graines de sésame, et l ’huüe
à brûler avec celles de ricin.
Il y a plusieurs mines de cuivre, presque aussi riches que celles
des environs d’Erserum et de Trébisonde. Il y en a quelques-unes
d’orpin ou orpiment. On dit aussi qu’i f y a , près de Kéban et d’Ar-
gana, des mines d’argent, de plomb et même d’or , que l’on exploite
, et dont on envoie le produit à Constantinople : on y trouve
aussi beaucoup de volcans éteints.
, Les villes, bourgs et villages de cette première zône sont peuplés
de Turcs, d’Arméniens et de Curdes qui se livrent à l’agriculture
et au commerce, font quelques marroquins, fabriquent quelques
étoffes de laine ou de co ton , exploitent les mines et travaillent à
divers ustensiles de cuivre. Mais les Curdes sont plus ordinairement
pasteurs : leurs villages sont presque déserts une bonne partie de
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