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conjointement avec la Porte , les mesures propres à faire cesser les
actes arbitraires et tyranniques des beys à leur égard.
En effet, Monrad et Ibrahim, gouverneurs de l’Egypte, s’étaient
portés, envers les négocians , à des excès que la France ne pouvait
tolérer pins long-tems ; et si elle n ’eut recours alors qu’à des voies
de conciliation, si elle crut que la présence d’un agent extraordinaire
(1) pourrait ramener les beys à une conduite plus conforme
à nos capitulations et au droit des gens., le châtiment aussi rigoureux
que mérité qu’ils provoquèrent ensuite, exige, par les grands
résultats qui ont eu h eu , et par ceux qui sont à la veille de s’opérer
dans tout l ’Orient, que nous entrions dans quelques détails à cet
égard.
(1) Six mois après notre départ d’Egypte, le cit. Thainville fut envoyé auprès
„des beys. Sa mission n’obtint aucun succès.
V O Y A G E 'EN É G Y P T Ë . l o t
C H A P I T R E I X . .
E ta t moral e t p o litiq u e de VEgypte.
S i l’état moral d’un pays est toujours subordonné à son état politique
et c iv il, ou à son gouvernement, là où il n’y a pas de gouvernement
proprement dit (car il n’en existe pas plus dans le despotisme
que dans l’anarchie), le moral des habitons doit êtrë bientôt
jugé.
Bassesse et insolence, misère et faste, asservissement et tyrannie ,
voilà l’Egypte ; et si elle a été de tout tems courbée sous un joug
étranger, elle le doit autant à sa position géographique, à son
état physique et à la-fertilité de son so l , qu’à la sombre et pusillanime
superstition à laquelle ses habitons ont été livrés dès l ’antiquité
la plus reculée. On ne doit pas être, d’après cela, plus étonné
du Uombre de ses conquérons, que de la facilité de sa conquête.
L ’É gypte peut-elle être conquise, demande un de ses califes ? Elle
est conquise, fait répondre un poète arabe.
Et telle devait être la fatalité attachée à cette contrée, aussi malheureuse
que célèbre, que, parmi tant de conquérans qui depuis
près de vingt siècles y ont successivement établi leur domination,
aucun n ’a eu même l’intention de régulariser sa puissance pour la
cimenter, d’établir des barrières propres à garantir de ses propres
attentats la domination même, de fonder un gouvernement sur la
seule base qui doit le rendre immuable, le bonheur des gouvernés.
Partout où l ’ignorance est universelle, le despotisme est toujours
en activité : il n’y a que les despotes qui changent. Là., celui
qui fonde une dynastie nouvelle, ne pense qu’à se mettre à l’abri de
la vengeance de ceux dont il a renversé l ’autorité, en les exterminant
jusque dans leurs plus faibles rejetons, et en se formant un