l ’autre partie, beaucoup plus considérable, est envoyée à Alexandrie
, d’où on l’embarque pour Marseille et pour Livourne.
A peine eûmes-nous mis pied à terre, que des Juifs vinrent nous
offrir un grand nombre de médailles en cuivre, récemment trouvées
aux environs de la ville. La plupart d’entre elles étaient fo r tement
oxidées : on lisait bien, dans les autres, les noms des empereurs
Probus, Aurélien et Carinus.
On sait que la ville moderne est bâtie à peu près sur les rüines
de l’ancienne Térénuthis.
Le vent de nord renforça ce jour-là, et accéléra notre marche.
Nous découvrîmes dans la soirée les deux grandes pyramides dé
Gizéh, et nous dépassâmes avant la nuit la pointe du Delta, qué
les Arabes nomment B a tn -el-R à ka ra , le ventre de la biche. C’est
ici que le Nil se sépare en deux branches à peu près égales, et
ç ’est ici peut-être que devrait être placée la capitale de l’Égypte.
Cette position offrirait une infinité d’avantages que l ’on ne
trouve point au Caire. En effet, on est surpris de voir la capitale
de Î’Égypte à plus de demi-lieue du N il, et à l’entrée d’un désert;
de la voir très-voisine du Mokatan, montagne blanche, dénuée de
verdure, qui intercepte le v en t, réfléchit les rayons du soleil, et
augmente par-là considérablement la chaleur de l’air ; montagne
qui domine la ville et le château, et qu’il faudrait entièrement fortifier
pour mettre le Caire en état de soutenir un siège.
Une ville serait ici entourée d’eau et de terres cultivées ; elle
serait à la tête du Delta, à la tête de cette partie de l’É gypte, qui
sera toujours la plus peuplée et la plus productive : le vent rafraîchissant
n ’y trouverait aucun obstacle ; la chaleur y serait moins
forte, l’air plus p u r , le coup d’oeil plus agréable.
Défendue par les deux branches du Nil et par un fossé large et
profond que l’on creuserait à sa partie nord, elle serait à l’abri de
toute insulte de la part des Arabes. Elle résisterait de même à une
armée qui en ferait le siège : elle pourrait être secourue de la haute
Égypte par le N il; de la basse, par ses deux branches ; de l ’intérieur,
par une infinité de canaux. Le commercé pourrait y être
aussiétendu que les circonstances e t l’état de prospérité l ’exigeraient,
et
et l ’on y épargnerait les frais de transport qu’il en coûte aujourd’hui
pour aller de Boulac au Caire. Un autre avantagé qui en
résulterait, c’est que les eaux pourraient toujours être également
distribuées dans les deux branches, et porter également la fertilité
à l ’orient et à l’occident de la basse Égypte.
Si les Arabes, sous les Fatimites, choisirent une position aussi
défavorable que le Caire pour y bâtir la capitale de l’É gypte, c ’est
que Fostat venait d’être incendié pour qu’il ne tombât pas entre
les mains des croisés, qui en 564 de l ’hégire s’avançaient pour en
faire le siège. Fostat ou le vieux Caire avait été construit par Am.
rou, général d’Omar., pour remplacer Memphis ; et Memphis,
comme on sa it, était à quatre lieues au sud-ouest sur la riye occidentale
du fleuve.
La position de cette ville était favorable aux anciens Égyptiens.
Elle était près du coteau où se trouvent les "pyramides, sépulture
des rois, et où tous les habitarts avaient la faculté de creuser leurs
tombeaux. Elle était placée entre la haute et la basse Égypte, non
loin du Fayoum, province riche et peuplée. D ’ailleurs, les Égyptiens
avaient occupé la haute Égypte avant de s'être répandus
dans la basse : Thèbes fut pendant long-tems leur capitale. Ils
choisirent ensuite la position de Memphis comme étant plus centrale
; et si Alexandrie, sous les Grecs et les Romains, prit un
accroissement considérable et devint le chef-lieu de toute l’É gypte,
elle en fut redevable à ses deux ports et aux encouragemens que
ces peuples accordèrent au commerce maritime, .,
. Tant que le jour dura, nos yeux restèrent fixés sur les deux
grandes pyramides de Gizéh, sur les deux plus majestueux inonu-
mens de l ’antiquité. Plus on les considère , plus on est étonné
qu’un peuple ait pu exécuter des travaux si fort au dessus du pouvoir
ordinaire des hommes. Que de bras il fallut arracher à l ’agriculture,
aux arts, au commerce ! Que de trésors il fallut dépenser !.
Mais quel fut le motif qui fit élever les pyramides LA -t-on voulu
se procurer un méridien impérissable F, Une seule eût suffi. Les
a-t-on voulu ériger en l’honneur de l ’astre bienfaisant qui éclaire,
le Monde ? On ne les eût. pas autant mqltipliées. A-t-on voulu,
■ Tome II. j