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 nord-nord-ouest)  qui  soufflent en été sur la côte d’E gypte, peuvent  
 bien élever les  eaux de quelques pouces, mais n’ont pas  le  pouvoir  
 de les  faire  refluer de  quinze  à vingt  coudées,  c’est-à-dire,  de  les  
 élever au  point de  causer  l ’inondation. Ces vents d’ailleurs ne soufflent  
 que  pendant  le jour.  S’ils contribuaient  à  ce  phénomène ,  ce  
 ne  serait  qu’en  poussant  vers  l ’Egypte  supérieure,  et  jusqu’aux  
 montagnes  de  l ’Abyssinie,  les vapeurs  de  la Méditerranée. 
 M.  Bruce  y   fait  concourir  les  vents  d’est  qui  viennent,  sur  ces  
 montagnes,  de  l ’Ocean  indien,  et  ceux  d’ouest  qui  apportent  les  
 vapeurs de  la mer Atlantique ;  mais  c’est  principalement  par  l ’action  
 du soleil, et lorsque cet astre a dépassé la ligne et qu’il s’avance  
 vers  le  tropique  du  cancer,  que  ces  vapeurs  se  résolvent  en  pluie  
 sur cette partie de l ’Abyssinie. Alors les lacs et les marais débordent  
 de  toutes  parts,  alors  toutes  les rivières qui  se  jettent  dans  le  Nil  
 grossissent  considérablement.  Les  pluies  continuent  au  retour  de  
 cet astre vers la ligne, et durent jusqu’en vendémiaire,  c ’est-à-dire ,  
 jusqu à  ce  qu’il  se  soit  éloigné  du  zénith  de ces  contrées. 
 Les sources du N il,  qui furent de tout tems l’objet des recherches  
 des rois  et  des  savans  de la  Grèce  et  de  l’Italie,  se  trouvent,  suivant  
 M.  Bruce ,   au  district  de  Sofala,  dans  le  royaume  de Gojam  
 en Abyssinie,  et sont par les  10 degrés 5p minutes de latitude nord.  
 Leur  élévation  au  dessus  du  niveau  de l a  mer  est  de  deux milles  
 anglais. A   quelques lieues de  là ces eaux  traversent le Tzana ou lac  
 de Dembea,  qui a plus de vingt lieues  d’étendue,  et coulent  à leur  
 sortie  sur  un  lit  assez  spacieux.  Ce  voyageur  nous  fait  connaître  
 aussi  un  grand nombre  de  rivières  qui  versent  leurs  eaux  dans  ce  
 fleuve,  et  dont  les plus  remarquables  sont  le fleuve  blanc (1 ),  qui  
 vient  de  1 ouest,  et  1'Astaboras (a),  qui  coule de  l ’est.  Le  premier  
 se  jette  dans  le  Nil  au  i 5e.  degré  5o  minutes  de  latitude  n o rd ,  
 et  le  second  vers  le  i8<>.  Après  l ’Astaboras,  le  Nil  ne  reçoit  
 plus  d’eau ,  et  ne  traverse  plus  que  des  contrées  naturellement 
 ( i )  L e  Maleg des m issionnaires portugais,  
 (a)  L e  Tascaaé des mêmes m issionnaires. 
 arides,  et  qui  seraient  désertes  s’il  n’y   portait  la  fraîcheur  et  la  
 Yie. 
 Mais  long-tems  avant  Bruce,  les  jésuites  Jeromo  Lobo  et Bal-  
 thasar  Teflez',  ainsi  que  quelques  autres missionnaires ,  ont  attribué  
 la  crûe  du Nil  aux  pluies qui  tombent abondamment en Abyssinie  
 vers les premiers jours de juin,  et continuent les mois  suivans.  
 Ils  ont  aussi  publié  une  carte  des  sources  de  ce  fleuve  et  de  son  
 cours  en  Abyssinie,  qui  diffère  peu  de  celle  que Bruce  a  publiée  
 après  eux.  Ces  sources  sont  placées sur cette  carte  vers le  12e.  degré. 
   Le Nil y   est nommé Abavi  ou le Père  des  eaux  (1). 
 C’est dans  les  premiers  jours  de messidor  que  le Nil  commence  
 à  croître.  Il  est  déjà  très-élevé  à  la fin  de  thermidor,  et l’on  peut  
 ouvrir les  canaux  :  il a  atteint son plus  grand degré  d’élévation  au  
 commencement de  fructidor,  et  il  commence  à diminuer à la fin de  
 ce mois.  Il abandonne  les terres  en vendémiaire,  et permet qu’elles  
 soient  ensemencées.  Le  fleuve  conserve  beaucoup  d’eau  durant  
 l ’automne,  quoiqu’il  aille  toujours  décroissant  jusqu’à   la  fin  de  
 floréal. 
 En h ive r ,  et surtout  au printems,  les eaux -du Nil  sont  sj basses,  
 et leur pente est si peu  sensible,  qu’on n’apperçoit  presque  en  aucune  
 part le  courant des eaux •, mais  ce  courant devient bien apparent  
 lorsque  le  fleuve  a  grossi,  et  qu’il  est  sorti  de  son  lit  et s’est  
 répandu  dans  les  canaux  et  sur  les  champs.  Il  n’empêche pas  cependant  
 les  bateaux de  remonter  le  fleuve  avec  célérité  lorsque le  
 vent  souffle  du nord. 
 Ce  qui  nous  a  paru  remarquable,  et  ce  qui  montre  le  peu  de  
 pente  de  ce fleuve  depuis  qu’il  est  entré  sur  les  terres  d’Egypte  et  
 a  franchi  la  dernière  cataracte,  c’est  qu’il  ne  roule  ni  cailloux  ni 
 ( j)   Histoire de  la  haute Ethiopie  ,   écrite  sur  les  lieux  ,  par  le  révérend  Père  
 Manuel d’Almeida,  jésuite ,  extraite et traduite de  la  copie  portugaise  du  révérend  
 Père  Balthasar  Tellez  ,  dans  le  Recueil des  voyages  curieux ,   publiés  par  The-  
 venot. 
 Relation historique d*Abyssinie,  du  Père Jeromo  L o b o ,  traduite  du  portugais  
 par M . Legrand,  in-4“ .  P a r is ,  1728,  pag.  io 5 .