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est presque toute employée à la représentation du pacha, au paiement
de ses principaux officiers et à l ’entretien des troupes. En cas
de guerre contre les Curdes ou les Arabes , la portion qui devait
être envoyée à Constantinople est beaucoup réduite : le pacha l ’applique
presque toute au remboursement des frais extraordinaires
qu’il a été obligé de faire.
Ces quatre mille bourses proviennent du miri ou impôt direct
sur les terres ; du karacht ou impôt personnel sur les non-Musul-
mans ; des fermes concédées à des M u ha ssils, qui en versent le produit
dans le trésor du pacha; des contributions exigées des A rabes,
des Jésides et des Curdes : elles proviennent aussi des douanes : ce
dernier article est devenu très-considérable depuis que les marchandises
de l’Inde passent moins par la Perse, et beaucoup plus
par Bassora et Bagdad.
Il y a divers autres droits, tels que celui des successions, celui
des confiscations après l ’exécution d’un employé ; celui résultant
de la vente ou concession d’un ziamet, d’un timar, et de tous les
emplois, charges et offices à la nomination de la Porte : tous doivent
passer directement dans le trésor du sultan.
Si la réunion de tant de forces et d’un si grand revenu a contribu
é, en quelques circonstances , à repousser les attaques des
Persans, elle a donné aussi aux pachas les moyens de se maintenir
dans leur poste malgré la volonté du souverain. Ils n’ont eu pour
cela qu’à capter l’opinion publique, à se faire aimer des janissaires
, et avoir dans tous les officiers de leur garde des hommes
dévoués. Il a bien fallu alors que le sultan envoyât, chaque aimée,
le firman de confirmation s’il ne voulait pas être exposé à voir son
autorité méconnue.
C’est ainsi que, depuis Hassan, qui fut nommé pour la seconde
fois à ce gouvernement en 170a, et qui eut le talent de s’y rendre
utile pendant vingt-deux années de suite, le sultan n’a presque plus
été le maître de nommer à ce pachalik à la mort du possesseur,
encore moins de destituer celui que le voeu du peuple et des militaires
y maintenait. Il aurait fallu pour cela une armée que le
pacha nommé par la Porte n’eût pas pu se procurer, et Celle-ci
n ’était pas disposée à la fournir pour de si faibles intérêts ; car
dans l’état pitoyable où se trouve réduit cet Empire, il suffit au
sultan de conserver une apparence de souveraineté dans ses provinces
éloignées et rebelles, et surtout d’en toucher exactement le
revenu.
Le grand-seigneur fit plusieurs fois des tentatives pour enlever ce
pachalik aux descendans de Hassan; mais il n’en put venir à bout.
Les pachas qu’il nomma, ou n’osèrent pas se présenter à Bagdad,
ou furent tués en route, ou obligés de se retirer peu de tems après
leur installation. La voie des capidgis ne pouvait pas non plus
réussir : ceux que le sultan y expédia, y perdirent la vie ou ne
tentèrent même pas de remplir leur mission.
Ainsi donc Achmed succéda à son père Hassan, et gouverna
vingt-trois ans. Suleiman, après la mort de son beau-père A chmed,
resta treize années dans ce poste. A Suleiman succéda Ali-aga, mut-
selim à Bassora, et ensuite Omar, qui avait épousé la fille cadette
d’Achmed. Ali avait été le protégé de Suleiman ; il fut tué par les
intrigues de A d ile- C hatun, fille aînée d’Achmed, et Omar nommé
par le divan assemblé : il reçut son firman de la Porte peu de tems
après , en 1764. Ce fut pendant le gouvernement d’Oinar , que
Kérim-Khan fit assiéger Bassora en ij'/S . Suleiman, aujourd’hui
pacha de Bagdad, était alors mutselim à Bassora ; il soutint le
siège avec vigueur pendant treize mois. Comme c ’est à la défense
de cette place que Suleiman doit son élévation, nous allons raconter
ic i, en peu de mots, les principaux événemens de ce siège.
Kérim-Khan, l ’un des usurpateurs du trône de Perse, ayant eu
quelques démêlés avec Omar, pacha de Bagdad, à l ’occasion des
pèlerins qui passent par cette ville en allant visiter le tombeau
d’A li, fit demander à la Porte la tête d’Oinar, menaçant d’envoyer
une armée sur les rives du Tigre et de l’Euphrate si on ne lui accordait
sa demande, et si on 11’abolissait en même tems l’impôt que
le pacha prélevait sur chaque pèlerin (1). La Porte, toujours lente
à se décider lorsque ses intérêts sont compromis, ou lorsque son
(1) Il est de quatre piastres.