bien précise. Les uns les avaient regardés comme des cigognes ;
d’autres comme des hérons ; quelques-uns les avaient rapportés à
leur genre, mais n’en avaient pas bien déterminé l’espèce. Le citoyen
Cuvier, dans un Mémoire lu à l’Institut, et imprimé dans
le Journal de Physique (1), vient de nous donner la description
et la figure de l ’ibis blanc, parfaitement conforme à ce qu’en a dit
Hérodote. Cet oiseau faisait partie de la belle collection du stat-
houder ; il est ■actuellement au muséum national d’histoire naturelle,
ainsi qu’un autre individu reçu d’Egypte. Son bec est n oir,
long et un peu courbé comme celui du courlis. La tête et les deux
tiers supérieurs du cou sont noirs, dénués de plumes, et revêtus
d’un duvet court et noir. Le plumage du corps, des ailes et dé la
queue est d’un blanc-sale, à l’exception des bouts des grandes
pennes de l’a ile, qui sont noirs, et des plumes du bas du dos, qui
sont aussi noires, longues , effilées, et retombant par-dessus les
bouts des ailes lorsque celles-ci sont pliées. Les pieds sont noirs et
semblables à ceux du courlis.
L ’ibis dont Bruce a donné la description et la figure sous le nom
arabe d’abou-hannès , et qu’il rapporte à l ’ibis blanc des Égyptiens,
nous paraît différer de l ’espèce décrite par le cit. Cuvier : il diffère
aussi de celle d’Hérodote. L ’abou-hannès a la tête et le cou couverts
de plumes, et la partie antérieure du cou blanche ; mais si
l’ibis de Bruce ne peut être regardé comme l’ibis blanc d’Hérodote ,
qui a la tête et le cou noirs et sans plumes, il faut avouer du moins
que le bec de cet oiseau est en tout semblable à la plupart des becs
que l’on trouve dans les momies. L ’abou-hannès a le bec un peu
plus long et un peu plus mince que l ’espèce décrite par le citoyen
Cuvier.
Quant à l’ibis n o ir , il n’est pas encore connu. L ’oiseau que les
naturalistes ont ainsi nommé, a le bec et les pieds rouges, et celui
dont parle Hérodote était noir dans toutes ses parties. Nous ne
connaissons aucun ibis qui soit entièrement’noir; mais nous trouvons
dans les momies de Sakhara le courlis d’Italie ou courlis vert
( i) Mémoire sur l’ibis des Égyptiens. Joum. de P iy s . an 8 , p. >84.
de Buffon , dont les pieds sont d’un noir luisant Un peu bleuâtre,
le bec et le devant de la tête n o ir s , la partie antérieure du corps
et le ventre d’un roux très-brun, le dessus du corps, la queue et
les ailes d’un violet très-foncé, avec un reflet vert. O r , comme cet
oiseau est en général d’une couleur qui approche beaucoup de la
noire, il a pu être ainsi nommé , comparativement à l ’autre ; et
s’il existe réellement en Égypte un ibis qui ait le plumage , le bec
et les pieds entièrement noirs, il ne sera pas moins yrai que celui
dont nous venons de parler aura été également embaumé : nous
avons une momie dont le plumage a assez bien conservé sa couleur
pour ne laisser aucun doute à ce sujet : le bec d’ailleurs et les
pieds de cet oiseau, que l'on trouve dans presque toutes les momies
, s’y rapportent complètement. Nous y avons vu aussi des
becs qui appartiennent évidemment à d’autres espèces ; ce qui nous
a fait soupçonner que les Égyptiens ne se sont pas bornés aux
deux ibis dont parle Hérodote (1).
• Èn effet, si l ’utilité de l’ibis, si les services qu’il rendait à l’Égypte,
en diminuant le nombre des crapauds, des grenouilles, des serpens,
des lézards, des sauterelles même qui l ’infestent, ont pu réclamer
en sa faveur la protection des lois , la sauve-garde de la religion ;
ont pu exciter la reconnaissance du peuple, jusqu’à le porter à
accorder à cet oiseau les honneurs divins, et à punir de mort quiconque
attentait à sa vie, on ne voit pas pourquoi cette reconnaissance
ne s’est pas étendue jusqu’aux autres espècés d’ibis, qui toutes
(1) Voici les espèces d’ibis que l’on trouve en Égypte, et dont on reconnaît les
ossemens et les becs parmi les momies de Sakhara.
Tantalus falcinellus. Linn. — Courlis d’Italie. Buff.
Tantalus niger. Linn. — Ibis noir. Buff.
Tantalus ibis. Linn. — Ibis blanc. Buff.
Numenius oethiopicus. Lath. — Abou-Hannès. Bruce. . . . .
Numenius ibis. Cuvier.
Nous ne parlerons pas du courlis ordinaire ? scolopax arquata Linn. ? et du cor-
lieu ou petit courlis, scolopax phoeopus Linn. , que l’on trouve pareillement en
Égypte. I l n’est pas certain que ceux-ci aient été embaumés.