1790, de quitter le pays. Celui-ci se retira à Jaffa, et quinze jours
après tous les négocians furent obligés d’aller le joindre.
En renvoyant les négocians français, le pacha lés força à lui
remettre les clefs des maisons qu’ils occupaient, 11e leur permettant
d’emporter que les effets les moins volumineux. Il fit abattre, au
même instant, le mât de pavillon de la maison consulaire , et fit
piller et démolir l ’église des Européens de la manière la plus indécente.
C’est à dater de son élévation au commandement de Barut, que
cet homme, né ppur le malheur de la Syrie, a fait ressentir plus
que jamais les effets de son humeur sanguinaire et de son insatiable
cupidité. Il serait peut-être utile de publier, dans tous leurs
détails, les actes de cruauté qu’il a commis : on y verrait jusqu’à
quel point l ’homme à grand caractère , à fortes passions, peut
abuser de l’autorité qu’il a reçue de ses pères, ou qu’il a- su usurper
dans des circonstances favorables. On y verrait aussi que l'homme
ignorant , depuis long-tems façonné à la servitude, peut supporter
le joug-le plus pesant sans essayer de le briser, peut voir traduire
en détail, au supplice ou à la boucherie, ses voisins, ses amis,
ses parens sans oser exposer une vie qu’il sait être menacée sans
cesse.-
Je me contenterai de présenter ici quelques faits qui dévoileront
l’horrible atrocité de D g é za r , et qui suffiront pour lui assigner
dans l’Histoire la place qu’il mérite; j’esquisserai ensuite les p rincipaux
traits du physique et du moral de cet homme extraordinaire.
A u siège de B a ru t, Dgézar ayant fait quelques prisonniers sur
l’ennemi, les fit venir à lu i , les outragea, et les fit ensevelir Vivans
dans des murailles construites à cet effet. Ces infortunés avaient la
tête et les mains hors de leur tombeau, et restaient ainsi exposés à
la risée et aux insultes des soldats. Leurs mains, réunies par un
lien, servaient à attacher les rênes des chevaux.
Un jeune esclave qu’il aimait, avait fait quelque étourderie,
avait commis une de ces fautes auxquelles on ne fait pàs ordinairement
attention. Mais Dgézar së trouvait alors dans un moment
de
de mauvaise humeur : que l ’on fasse, dit-il, approcher à l’instant
le coupable. L ’enfant pa rait, s’excuse, et tremble en voyant le
regard farouche et "terrible de son maître, se promener lentement
sur sa personne et se fixer sur sa figure. Après un moment de
silence, la bouche du tyran prononce l ’arrêt fatal : Qu’on le poignarde
à l ’instant même là sous mes yeux. Les Mameluks
qui l ’entourent, restent immobiles : aucun d’eux n’ose lever la
main, n’ose frapper un enfant, le bien-aimé de leur maître- Lâches
que vous êtes, que tardez-vous à m’obéir ? Frappez ! A ces mots,
l ’épouvante se peint sur tous les visages : personne n ’ose avancer.:
Dgézar, transporté de fu reu r , se lè v e , s’élance sur l’enfant : les
Mameluks tombent tous à genoux. T out à coup Dgézar s’arrête,
paraît se calmer, fixe un instant sa victime, tire son cangeard, et
le lui plonge tput entier dans la poitrine.
Lorsque ce tyran se persuade qu’un habitant de sa province a
de l’argent, il le fait venir dans son palais, et lui demande une
somme plus ou moins forte, suivant les facultés qu’il lui suppose.
Sur le refus cru l’impossibilité de la part de celui-ci de fournir la
somme demandée, Dgézar le fait bâtonner ; et s’il persiste il lui
fait couper les Oreilles, le nez; lui fait arracher les yeux , et souvent
le fait expirer dans des tortures. S’il n’a rien pu apprendre du
mari, il fait appeler l’épouse ; et si elle ne découvre à l ’instant le
lieu où l ’argent a été déposé, Dgézar lui fait presser le sein dans
un étau jusqu’à ce que l ’infortunée expire dans ce supplice affreux
et inoui.
Lorsqu’après la révolte des Mameluks, dont nous avons déjà,
parlé, Dgézar eut appris l ’outrage qu’on lui avait fait en pénétrant
dans son harem,' il eut un moment de jalousie, et ce moment fut
l ’accès de la rage la plus violente. La plupart des victimes qu’il eût
voulu immoler à sa fureur, s’étaient échappées ; mais il lui en restait
encore assez pour assouvir sa vengeance.
Toutes ses femmes furent marquées et désignées pour différens
supplices. Les moins belles et les plus âgées furent entassées pêle-
mêle dans des bateaux, et conduites en pleine mer pour y être
noyées; d’autres, enfermées dans des sacs-de cuir, furent jetées au
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