oublier ce qu’elle devait à la dignité nationale, autant qu’à l’intérêt
du commerce ? -• - ; * ’ s . r. . ■ ;
La retraite du consul à Alexandrie n’ayant pas été régardée par
les beys comme une rupture, mais comme une mesure de convenance
et d’économie, il n’était pas douteux que les Français ne pussent
retourner au Caire, et que le consulat ne pût y être rétabli.
Mais convenait-il à la dignité de la République et aux intérêts
de son commerce de rétablir au Caire le consul-général si elle
n’obtenait auparavant le remboursement total des sommes extorquées
par le gouvernement, et si elle ne s’assurait qu’à l ’avenir on
n’exercerait plus, à l’égard des Français, les outrages et les extorsions
que l ’on s’était permis jusqu’alors avec une audace que l ’impunité
ne faisait qu’accroître?
Nous ne pouvions pas nous flàtter que les beys souscrivissent
jamais à de pareilles conditions. PoUvait-on seulement les leur faire
parvenir avec sûreté pour les personnes chargées de les leur transmettre
? et n’avait-on pas tout lieu de s’attendre aux suites les plus
fâcheuses, de la simple ouverture qui aurait pu leur être faite ?
C’eût été les mal connaître, que d’avoir espéré quelque heureuse
issue, soit de notre position auprès de la Porte othomane, soit des
brillans succès qui accompagnaient nos armes. Si le premier motif"
eût été suffisant pour en obtenir quelques égards peu sincères et
passagers, le second était nul pour eux. Leur ignorance était telle,
qu’ils n’avaient aucune idée de la tactique et de la force des puissances
européennes, et qu’ils ne connaissaient même pas les grands
événemens qui se passaient en Europe.
Si la République avait eu l ’intention de rétablir le consulat du
Caire sans exiger le paiement des créances, quelles devaient être
les suites de cette condescendance? Pouvait-elle espérer de recueillir
avec sécurité lès fruits du sacrifice pécuniaire qu’elle aurait fait en
se chargeant elle-même du remboursement des négocians? Enfin,
la propriété des négocians aurait-elle été plus respectée dans la-
suite ? L’expérience avait trop appris que les concessions faites aux
beys n’avaient servi qu’à en faire exiger de nouvelles, qu’une
générosité mal entendue devenait un usage pernicieux, et que le
gouvernement
.gouvernement du Caire, loin d’attribuer au désir de conserver des
liaisons utiles les sacrifices des particuliers, s’était toujours complu
à les regarder comme des devoirs , comme des contributions qu’il
se croyait en droit de prélever sur l ’industrie étrangère.
Mollir dans cette circonstance était donc infiniment dangereux.
Si on ne devait pas obtenir une réparation entière , il était plus
utile d’exister dans la position où nous étions, que de s’exposer à
la rendre pire dans la suite, en condescendant en quelque sorte à
l ’impunité des beys , en reconnaissant, de cette manière indirecte,
le droit qu’ils s’attribuaient sur les propriétés de nos négocians.
Les négocians français, réunis à Alexandrie, pouvaient sans
doute y continuer leur commerce. Les majeurs de Marseille, obligés
d’avoir une maison au Caire et une à Alexandrie, n’en auraient
plus eu qu’une seule dans cette dernière ville ; ils auraient épargne
par-là des frais d’établissemens. La République, de son côté, n’aû-
rait plus eu besoin d’entretenir un consul au Caire ; elle aurait pu
de même se dispenser d’avoir un vice-consul à Rosette. Les négocians
français auraient été plus en sûreté à Alexandrie ,, soit parce
qu’on y craignait les vaisseaux du grand-seigneur, soit parce que,
dans cette ville, on était plus instruit de notre puissance ; soit parce
que les habitans, n’existant que par le commerce , étaient plus
intéressés et plus portés à le protéger. Nos négocians auraient pu
envoyer au Caire les objets de consommation. d’E urope, que les
marchands du pays leur auraient demandés. Ils auraient fait Venir
, moyennant un léger droit de commission, les marchandises
que les vaisseaux arabes débarquent à Suez, celles que les caravanes
apportent de la haute Egypte , de l’A byssinie, de la Nubie
et des autres parties de l’Afrique. Leur commerce aurait donc pu
reprendre une sorte de développement. Les bénéfices, moindres à
la vérité, auraient été plus certains ; et le nom français, plus obsr
c u r , n’aurait pas été aussi manifestement avili.
Mais sans doute les négocians n’auraient pas manqué d’objecter
que les affaires se faisaient plus avantageusement par leur présence
au Caire ; qu’ils achetaient presque toutes les marchandises dé là
première main, et qu’ils vendaient de même ; qu’ils épargnaient le
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