Les Tartares mogols , sous la conduite de Hologou-Khan, petit-
fils de G en g is-K ha n , d’intelligence arec le visir E b y -a l-A lcam i,
fondirent à l ’improviste sur Bagdad, battirqpt la faible armée que
le calife eut à leur opposer, entrèrent dans la v ille , et y commirent,
pendant quarante jours, toutes les hqrreurs auxquelles se livre toujours
une soldatesque indisciplinée, ignorante et féroce. Voici comment
s’exprime à ce sujet un auteur arabe (1) ; on v e rra , à travers
ses expressions très-exagérées, à quel point de population et d’opulence
Bagdad était parvenu à cette époque. « Le calife Al-Mostas-
» sem-Billah, qui avait fort peu d’esprit, et dont la conduite fut
» très-souvent répréhensible, régna dix-sept ans, et fut mis à mort
» par les Tartares. Bagdad vit couler le sang de deux millions d’ha-
» bitans ; ses maisons furent détruites ; ses mosquées changées en
y> églises, et tous les livres saints jetés dans le Tigre., Cette ville
» avait alors dans son enceinte douze mille caravanserais, douze
» mille moulins , vingt-quatre mille bazards ou marchés, soixante
» mille bains, quatre-vingt mille collèges et cent mille mosquées,
» parmi lesquelles était la fameuse mosquée deRisafé, qui contenait
33 cent mille hommes. Il fallait trois jours et trois nuits pour faire
33 le tour des murs de cette'ville, et la largeur de ces murs était
33 telle, que soixante cavaliers pouvaient y marcher de front. »
Bagdad resta au pouvoir des Tartares mogols jusqu’en (1392),
que Tamerland la prit, pour la première fois,, sur le sultan Ahmed,
fils d’A v is , et la seconde fois, en 8a3 , sur le même ¡ sultan, qui y
était rentré. Mais Tamerland la lui ayant rendue, Ahmed la garda
jusqu’à ce qu’il en fiât chassé par Miranchah, fils de Tamerland.
Cara-Youssef, turcoman, l ’enleva à Abukèkre, fils de Miranchah,
et la conserva pour lui et pour ses successeurs, jusqu’à ce, que
Hassan-Usum ou Usum-Assam, autre prince turcoman, s’en rendit
maître en 875 ( 1470 )• Les princes de cette famille.possédèrent
Bagdad jusqu’en 914 ( i 5o8) , que Schah-Ismaël, roi de Perse, la
leur enleva. Les T u r c s , conduits par Soliman I , yinrent se présenter
É (1) Maiy ibn Youssef Alhanbely , dans.- son Histoire des califes et des sultans
qui ont régné en Egypte , dont pai l ’original et la traduction manuscrits.
devant
devant Bagdad en. 941 ( i 534) , et s’en emparèrent sans opposition.
Schah-Abbas, roi de Perse, la reprit sur les Turcs en 1616 ; mais
Amurat IV vint l’attaquer en personne en i 638, et la prit après
trente-six jours de siège : il y fit égorger plus de trente mille Persans,
qui volontairement avaient mis bas les armes à la mort de
leur chef, et à qui il avait solennellement promis qu’on n’attenterait
point à leur vie ni à leur liberté.
-Lorsque Bagdad fut détruit par les Tartares, il était, comme
on a vu , situé sur les deux rives du fleuve. Mais depuis lors, le-
siège du califat ayant été transféré en É g yp te , cette ville ne put
recouvrer qu’une faible partie de son ancienne population. La
partie occidentale ne put se relever, et l’âutre fut restreinte à un
plus petit espace. Cependant cette ville avait repris quelque lustre
sous le règne des Sophis, parce qu’elle était l’entrepôt.du commerce
qui liait la Perse avec la Sy rie, la Babylonie et une partie
de l’A rabie. Bagdad d’ailleurs était le centre des communications
entre la Perse et la Mecque : c’était aussi par Bagdad que passaient
les Persans lorsqu’ils venaient visiter les tombeaux d’A li et de Hos-
sein. Mais depuis que cette ville est au pouvoir des Othomans, depuis
| surtout qu’Amurat y fit égorger trente mille Persans, et qu’il
mit de très-fortes contributions sur tous les .habitans , la population
disparut rapidement, et Bagdad , pendant long-tems, ne fut
qu’une grande bourgade presque déserte. T a ver nier, en 1662, n’y
trouva que quinze mjlle habitans, quoique, par le plan qu’il en
donne, on voie qu’elle était aussi étendue qu’aujourd’hui.
Bagdad, sous les Abassides, s’étendait, d’un côté, jusqu’à Imam-
M ou sa , et de l’autre , jusqu’à Imam-Azem. On-voit encore dans
l’enceinte actuelle, vers le pont de bateaux, un madrassé converti
en caravanserai, bâti l ’an 63o de l ’hégire, et une mosquée bâtie en
633, l ’un et l’autre par le calife Al-Mostansar-Billah-Ahtned, trente-
trois et trente-six ans avant qu’elle ne fut saccagée et détruite par
lés Tartares-A l’extrémité du faubourg situé à l’occident du fleuve,
on voit aussi des ruines, et un édifice sur lequel on lit une inscription
arabe très-endominagée, portant la date de 584- Du même
cô té , à sept,ou huit.cents toises Ru Tig re , on voit une petite tour,
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