qu’il s’appliqua à s’attacher les soldats, et qu’il écrivit à la Porte
pour bid faire hommage de la ville dont on venait de lui confier
la garde , e t , avant même d’avoir reçu la réponse à ses lettres, il
déclara hautement ne reconnaître d’autre maître que le sultan.
Dans ce tems-là un scheik arabe, nommé Daher, sorti des montagnes
de Saphet, était en révolte contre la Porte. Après s’être
emparé de la Galilée , il avait pu établir , à A c r e , le siège d’une
domination qui le rendait assez puissant pour mépriser , depuis
plusieurs années, les forces des pachas ses voisins et les firmans du
grand-seigneur. Ce fut avec lui que Youssef, dans son indignation,
conclud un traité dont les conditions principales étaient d’attaquer
ensemble Barut, et de l’enlever au traître Dgézar. .
Ce traité ne fut pas plutôt signé, que deux frégates , détachées
de l’escadre du comte O r low , amiral russe, parurent fort à propos
dans Íes mers de Syrie. Les Russes n ’ignoraient pas les troubles
qui agitaient cette malheureuse contrée. Leur intention , en y venant,
était sans doute d’en profiter. Us reçurent une assez forte
somme de Daher et de Youssef pou f attaquer par mer Barut, tandis
qu’ils en feraient le siège par terre.
Les Russes ayant réalisé leur attaque conjointement avec Daher
et Youssef, Dgézar montra tant de courage, déploya tant de talens,
mit t a n t d’activité et tant d’ensemble dans ses moyens de défense ,
que, quoiqu’il fût enfin obligé de capituler, il acquit l’estime de ses
ennemis. Daher lui offrit même son amitié et le commandement de
Jafï’a s’il voulait promettre de défendre cette place contre les forces
de la Porte et de tous ses ennemis, ainsi qu’il venait de défendre
Barut. Dgézar promit sans peine tout ce qu’on exigea de lui.
Dgézar venait de donner des preuves -de sa bravoure et de ses
talens militaires en défendant Barut : c’était assez pour sa glo ire,
mais trop peu pour son ambition. En habile politique, jugeant que
D ah e r , déjà très-vieux (i) , ne pourrait lutter encore long-tems
contre les forces du sultan, et voyant d’ailleurs une escadre prête
à s’avancer vers la Syrie, il sort de J a ffa , passe dans le parti des
(1) I l avait quatre-vingt-quatre ans.
Turcs, et va attendre à Damas l ’arrivée de l ’escadre du capitan
pacha. Dès que celui-ci parut devant Seyde, Dgézar se présente à
lu i, fait valoir les sacrifices qu’il a faits en faveur de la Porte,, gagne
sa confiance, et le suit au siège d’Acre contre Daher.
La mésintelligence qui régnait dans la ville ayant facilité sa reddition
, Dah er, dans sa fu ite, reçut une balle dans les reins, qui
lui fit perdre la v ie , et mit fin à une guerre extrêmement fâcheuse
pour la Syrie.
Depuis long-tems les Druses affectaient une entière indépendance.
A force d’industrie et de travaux ils avaient su tirer parti
de leurs rochers presque nus, mais inaccessibles aux hommes et à
la servitude. Leurs demeures impénétrables les mettaient à l’abri
de toute entreprise extérieure. Leur nombreuse population et leur
ardeur guerrière pouvaient les rendre plus redoutables encore que
les Motualis leurs voisins, habitans les vallées. Il importait donc
de leur arracher Barut, la cle f de leurs montagnes, l’entrepôt des
denrées nécessaires à leur consommation, et le débouché de celles
qu’ils ont à verser dans le commerce.
Le pachalik de Seyde allait dorénavant comprendre, dans des
limites assez étendues, Seyde, Sour , Acre , Caïffe , le pays de
Saphad, et les vastes et fertiles plaines de la Galilée. En y joignant
Césarée au midi, et Barut au n o rd , on donnait au pacha de ce
gouvernement assez de forces et de moyens pour en imposer, et
aux Druses aguerris, et aux Motualis intrépides, et aux Naplou-
sins indociles, et aux Arabes sakres indomptés. Ces considérations
n ’échappèrent' pas à Hassan ; mais il fa lla it, à la tête de ce pachalik
, un homme brave et astucieux, audacieux et souple. Dgézar
avait montré beaucoup de courage et beaucoup d’intelligence au
siège de Barut ; il était devenu l’ennemi de Youssef ; il ne pouvait
se réconcilier avec les fils de Daher , dont il avait trahi le père ; il
paraissait dévoué à la Porte : Dgézar était l’homme qu’on cherchait.
Les trois queues furent demandées et obtenues, et Dgézar,
de simple a g a , devint visir et gouverneur d’une province considérable.
A peine fùt-il élevé dans sa dignité, en 1775, qu’il songea à quitter
K k a