nous paraît une preuve incontestable q u e , dans l’espace de plus de
deux mille ans, le niveau de la mer, sur la côte d’É gypte, ne doit
pas avoir baissé , car il aurait fallu employer la même mécanique
pour dégorger l ’eau, que celle qui était nécessaire pour l’y introduire;
et alors il eût été' inutile d’avoir un canal inférieur, puisqu’il
se serait trouvé au dessous du niveau des eaux si la mer avait
seulement baissé de deux pieds.
Parvenus à la pointe du cap Lochias, en face de la . jetée à l ’extrémité
de laquelle on a bâti, sur divers rochers , le petit château
connu par les marins sous le nom de P h a rillo n , nous remarquâmes
un rocher aplati, sur lequel on a pratiqué plusieurs canaux pour
donner passage à l ’eau de la m e r , et pour l ’introduire dans de
petits bassins où un homme pouvait se placer à son aise. Ces canaux
, entièrement taillés dans la ro ch e , sont très-dégradés : leur
voûte est détruite ; deux seulement ont conservé des parties qui
indiquent la manière dont ils avaient tous été formés. La mer
étant un peu agitée, les canaux étaient remplis lorsque nous les
avons vus; mais dans les tems les plu6 calmes ils reçoivent à peine
six pouces d’eau , et même, à ce qu’on nous a d it, ils sont presque
à sec lorsque le vent est au sud. Ainsi donc,, en supposant que
l’eau eût coulé autrefois dans les bassins à plein c an a l, il n’en
serait pas moins prouvé que l ’abaissement du niveau de la mer ,
depuis une époque de plus de deux mille ans, n’aurait pas excéda
demi-pied; ce qui paraîtrait contradictoire avec nombre d’autres
observations qui portent la mesure de cet abaissement, sur la côte
méridionale de l ’Europe , depuis une pareille époque, à plus de
onze pieds.
Les décombres que l’on apperçoit autour de l’enceinte arabe
indiquent assez la position et la grandeur de l ’ancienne ville. EU«
s’étendait du nord au su d , depuis lé rivage de, la mer jusqu’aux
environs du canal, et depuis les catacombes et les monumens de
Hécropolis jusqu’au-delà du cap Lo ch ias; ce; qui lui donnait plus
de deux mille toises de long, et environ onze cents de large. Dans
ce calcul ne sont point compris ces villes, ces bourgs ; ces villages
qu’on avait construits tout le long de la côt e, depuis Aboukir
jusqu’au Marabou, ni ces maisons de plaisance dont on voit encore
tânt de restes sur les bords du lac.
■ Alexandrie reçoit annuellement du'Nil l ’eau nécessaire aux besoins
des habitans, par un canal qui prend sa source à Râhmaniéh ,
et vient aboutir au pért v ie u x , après avoir traversé l'extrémité
occidentale de la ville arabe. Ce canal était navigable autrefois
pendant toute l’année ; mais il est tellement comblé à présent,
qu'il-ne reçoit l ’eau du fleuve que lors de sa plus grande crûe. Si
nous en Croyons la tradition du pays et les auteurs arabes , il n’y
a pas encore deux cents ans qu’il la recevait pendant toute l’année,
et qu’il servait au transport des marchandises lorsque le bogàs de
Rosette n’était pas praticable ; ce qui arrive fréquemment en hiver
et au printems. On se servait, à cet effet, de petits bateaux plats
nommés cayassesï
La construction de ce canal a été si solide, et sa conservation est
telle, que peu de dépenses suffiraient pour le mettre en é t a t , réparer
les murs intérieurs dont il est revê tu, et le creuser au point
de recevoir quelques pieds d’eau , lors même du plus grand abaissement
du fleuve. Le commerce d ’A lexandrie avec l’intérieur de
1 Egypte se ferait alors avec plus de sûreté et infiniment moins de
dépenses ; il ne serait pas entravé par les difficultés et les dangers
que présente le bogas. Ses bords pourraient, comme autrefois ,
être cultivés , et la ville ne serait pas menacée d’être privée d’e a u ,
ainsi qu’elle l’est depuis que les digues de la Madiéh sont rompues,
et que les eaux de la mer, poussées dans l’intérieur des terres par
les vents impétueux de nord et de nord-ouest, sont venues former
un vaste lac au sud d’Ab ou kir, et se sont avancées jusqu’au pied
du canal.
Le bey, gouverneur de la Bahiréh, province qui s’étend depuis
Gizeli jusqu’à Alexandrie, est chargé de veiller an canal, d’empê-
ther que les Arabes n’y fassent des saignées ,. pour arroser leurs
champs, avant que les citernes de la ville soient remplies. 11 reçoit,
à «et effe t, «¡3 # 5o piastres ou trente-huit bourses de 62.S piastres
chaque , suivant les anciens statuts. Moyennant cette somme il
fournit les roues qui elèyent l’eau et la versent dans les rigoles,