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une ouverture sur une des faces, afin d’enlèver les objets qu’on
savait être enfermés avec le mort.
A peu de distance de ces sarcophages, et sur un escarpement de
rocher, on apperçoit plusieurs ouvertures carrées, qui conduisent
à des catacombes creusées dans la roche. On y trouve aussi une
caverne spacieuse , dont l ’ouverture a été postérieurement fermée
par un mur sur lequel il existe encore une porte et quelques petites
fenêtres. On apperçoit aussi d’autres fenêtres carrées, pratiquées
plus loin sur le prolongement du rocher, que l ’on nous eût communiquer
à de très-grandes cavités taillées à main d’homme, mais
dont notre moucre ne nous permit pas d’approcher, parce qu’elles
servent de refuge aux voleurs qui infestent assez souvent ces contrées.
Tous ces divers restes d’antiquités mériteraient sans doute des
recherches plus détaillées, un examen plus attentif. Il faudrait faire
quelques fouilles sur les ruines de la ville, parcourir toutes les
grottes, et tâcher surtout de découvrir des inscriptions, des médailles
qui indiquassent l’époque où ces monumens ont été élevés ,
et nous fissent connaître la ville à laquelle ils ont appartenu.
Arrivés peu de tems après au gaffar , le moucre paya généreusement
, et nous passâmes sans éprouver aucune difficulté. Il est
bon de remarquer que c’est depuis peu d’années que les Européens
ont été rançonnés aux gaffars et à l’entrée de quelques villes où il y
a garnison turque : autrefois ils passaient partout avec franchise ;
mais la vanité de quelques négocians les ayant mal-à-propqs portés
à donner une marque de' lèur bienveillance aux gardes des gaffars
et aux janissaires des villes, ce qui ne fut d’abord de leur part qu’un
simple bakchis ou étrenne volontaire , fut ensuite regardé comme
un droit à prélever sur tous ; ca r , en Turquie, l’Européen qui
donne une fois, contracte l’engagement de donner toujours; et
çomme ici la cupidité va toujours croissant, les prétentions finissent
par n’avoir plus de bornes lorsque celui qui exige, se croit le
plus fort, Les commissaires des relations commerciales ont eu tort
4e ne pas s’opposer à cet abus dans son principe : il serait peut-
être impossible de le faire à présent ; mais du moins ils devraient
faire
fixer invariablement ce droit, afin d’ôter un prétexte aux vexations
que les Turcs sont toujours disposés à exercer lorsqu’ils espèrent
attraper quelque argent sans courir aucun risque. ^
A deux ou trois milles de là nous guéâmes le Nahr-Tamour ou
le Tamyras des Anciens : ce n’était alors qu’un petit ruisseau; mais
si on calcule la quantité d’eau qui doit y passer pendant la saison
des pluies, par la largeur de son lit et par la quantité d’arbres déracinés
qu’on voit épars sur le sable et sur le rivage de la mer, dans
une grande étendue, cette rivière doit être alors très-considérable
et très-dangereuse à passer. Aussi n’est-il pas rare, nous a-t-on dit,
que les voyageurs y soient arrêtés pendant deux ou trois jours,
et que quelques-uns d’entre eux ne soient victimes de leur imprudence.
Nous nous arrêtâmes pour dîner au milieu d’une touffe de roseaux
: il y en avait trois espèces.; nous crûmes y remarquer celle
dont les Orientaux tirent leurs plumes à écrire. Le bulbul ( i), oiseau
presque de la grosseur d’un merle , dont le chant peut être
comparé à celui du rossignol, nous régala d’un concert mélodieux :
il est très-commun sur la côte de Syrie ; nous l ’avons revu à Bagdad
dans la même saison. Les habitans de ces contrées l’élèvent et le
gardent en cage. Nous observâmes .aussi le martin-pêcheur pie (2) ,
dont le plumage est blanc et noir, et qui est très-commun sur le
Nil, sur l’Euphrate et sur le Tigre. Sa manière de pêcher consiste
à s’élever vingt ou trente pieds au dessus de l’eau, et s’y tenir presque
immobile jusqu’à ce que, appercevant quelque petit poisson,
il plonge subitement, le saisit, et va le manger sur le rivage.
Au-delà du Tamour, et jusqu’aux environs du Nalir-el-Âula, la
roche calcaire s’étend jusqu’à la mer, et ne présente aucune trace
de ville, ni aucun lièu qui y fût propre. Il faut supposer que Por-
phyrion , placé sur cette côte par les géographes, se trouvait à
peu de distance au sud du Tamyras ou fort près de Sidon, à moins
(1) Il appartient. je crois, au genre coucou. Il avait été préparé et renfermé dans
une caisse qui a été perdue.
(2) dlcedo rudis. Lath.
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