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Jérusalem, et il fonde sa demande sur ce que le blé ne croissait
pas dans l’île qu’il habitait.
Ce qui paraît avoir jeté le plus de confusion dans l ’histoire de ces
deux villes, c’est la prédiction d’Ezéchiel, en 587 avant l ’ère chrétienne
, que les uns attribuent à l’insulaire, et les autres à celle du
continent, et que l’on doit, ce me semble, rapporter à la première,
quant à la position qu’Ézécliiel semble lui assigner, et à la seconde
quant à sa destruction. Au reste, c ’est cette même prédiction et
la contradiction apparente que l’on y v o i t , qui prouvent que les
deux villes existaient alors et n’en faisaient qu’une. Voici à peu
près comment s’exprime le prophète, la onzième année de sa
captivité.
«Ville orgueilleuse , qui te réjouis des malheurs de la cité sainte,
tes murailles seront détruites, tes tours renversées ; tu ne seras
plus qu’un rocher stérile au milieu de la mer, sur lequel les pêcheurs
viendront étendre leurs filets. Les villes qui te sont soumises
sur le continent seront rasées, et les habitans passés au fil
de l ’épée. Nabuchodonosor, roi des Assyriens, viendra avec des
chevaux, des charriots et une armée innombrable. Il élèvera des
fortifications autour de ton enceinte ; il avancera ses machines de
guerre pour détruire tes tours et tes murailles ; tu seras couverte
de poussière par les pieds de ses chevaux. Il tuera tes habitans avec
son ép é e , et renversera les monumens de ta grandeur; tu seras
pillée; les beaux édifices qui te décorent, s’écrouleront, et les matériaux
seront jetés dans la mer ; tu resteras déserte, et ne seras
plus rebâtie. C’est alors qu’on te dira : Comment as-tu p é r i, ville
célèbre, qui étais dans la mer, qui étais fréquentée par des gêna de
mer, qui étais forte par la mer, etc. ?»
Lorsque Salmanazar, roi d’Assyrie, parut en Phénicie en l ’année
720 avant J. C . , T y r l’insulaire existait ; car , selon Josèphe, il
était écrit dans les annales des T yriens, que les villes de Sidon,
A c c é , Palætyr et plusieurs autres, ayant quitté le parti des T y -
riens et s’étant données à ce prince, les Tyriens seuls refusant de
se soumettre, Salmanazar envoya d’abord contre eux une flotte de
soixante vaisseaux, qui furent battus par douze vaisseaux que les
Tyriens
Tyriens avaient dans leur port : il vint ensuite assiéger ou bloquer
cette ville pendant cinq ans, sans pouvoir la réduire.
Il paraîtrait que T y r du continent aurait été détruite complète--
ment en l’année 573 avant l ’ère vulgaire, par Nabuchodonosor,
après treize ans de siège, et ne se serait plus relevée. T y r l ’insulaire
n’ayant pas été attaquée ou s’étant soumise , le roi d’Assyrie lui
donna Baal pour ro i, à la place d’Ithobal, qui avait péri pendant
le siège.
Lorsqu’Hérodote passa à T y r quatre cent cinquante ans avant
l ’ère vulgaire , celle du continent n’existait plus depuis long-
tems.
La fondation de T y r l’insulaire doit être antérieure à la construction
du temple de Jérusalem en l ’an i o i 5 avant Jésus-Christ,
puisque Hiram, qui en avait fourni le bois à Salomon, habitait
l ’île , et y avait élevé des temples et exécuté de très-grands travaux.
Nous ne pousserons pas plus loin nos recherches ; nous laissons
aux antiquaires le soin de faire concorder, s’ils le peuvent,
tous les auteurs, tant anciens que modernes, qui ont écrit sur ce
sujet.
Les connaissances que les Tyriens avaient acquises dans les mathématiques
, dans l’astronomie, dans la géographie, dans la navigation
et dans tous les arts utiles ; une activité que des profits
considérables aiguillonnaient sans cesse ; les rivalités qui régnaient
entre T y r , Sidon, Biblos, Aradus et toutes les villes maritimes de
la Phénicie ; la noble émulation qui en résultait, le désir de se surpasser
mutuellement, tout contribua à donner à ce peuple une
telle supériorité sur tous les autres, que pendant long-tems, et jusqu’à
ce que la Grèce fût lib re , instruite et civilisée, tout le commerce
de l’Orient et du Monde connu resta entre ses mains.
Mais comme il n’est point de bonheur complet pour les hommes,
ni de prospérité durable pour les Etats, lorsque les Tyriens étaient
parvenus au plus haut degré de gloire et d’opulence , l’ambition de
quelque roi ou la cupidité de quelque grand se réveillait tout-à
c o u p , et alors tous les maux de la guerre venaient fondre sur
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