îles habitans. Plusieurs d’entre elles , peu spacieuses, appartenaient '
à des particuliers j. mais il y en eut beaucoup d’autres, très-vastes,
qui vraisemblablement étaient publiques, et appartenaient également
à toutes les classes de citoyens. Celles-ci, qu’un besoin impérieux
oblige de conserver et d’entretenir , sont encore le plus
sûr témoignage de l’étendue et de la population de l’ancienne
Alexandrie-
La forme de ces citernes varie à l’infini : leur ouverture , semblable
à celle d’un puits, présente ordinairement , de chaque cô té , une
suite d’entailles qui donnent le moyen d’y descendre : leur intérieur
ofïre des carrés , surmontés chacun d’une voûte. Elles ont ordinairement
divers compartimens, et deux ou trois rangs de loges
les unes sur les autres , soutenus par des arceaux et des piliers.
Leur paroi est en briques revêtues d’un ciment rougeâtre que le
tems n’a pu altérer, et qui est encore de la plus grande solidité.
L ’ouverture de ces citernes se trouve au dessus du niveau du
canal, lors même de la plus grande élévation de l’eau ; ce qui porte
à croire que l’on employait autrefois , pour les remplir, le même
moyen que l’on met en usage aujourd’hui. Chaque année, vers le
milieu de fructidor, époque de la plus grande crûe du N il, on introduit
l’eau du grand canal dans des canaux particuliers qui se répandent
dans tous les sens, et qui sont, pour la plupart, creusés dans
une roche coquillère tendre. A u moyen de roues à auges que des
boeufs font tourner, l’eau est élevée, et versée ensuite dans des rigoles
qui la conduisent aux citernes. Quoiqu’on ait négligé de conserver
les petites citernes des maisons des particuliers ; quoique la
plupart des grandes soient comblées j quoiqu’un très-grand nombre
serve à l ’arrosement des jardins ; enfin, quoiqu’on ait laissé obstruer
les divers canaux qui se répandaient hors de l ’enceinte de la
ville arabe, Alexandrie reçoit néanmoins l’eau nécessaire à toute
sa consommation. Mais, par une négligence qui n’étonne pas chez,
un peuple dont aucun regard n’est dirigé vers le bien public, la.
plupart des citernes dont l’ouverture est plus basse que le sol environnant
, reçoivent, lors des pluies, une eau qui se charge de sel
marin, de nitre et de beaucoup de saletés en passant sur un terrain
imprégné de ces substances ; ce qui altère ' l ’eau pure et saine du
Nil qu’elles contiennent. Tant pour masquer le goût de l’eau qui
résulte de ces substances étrangères, que celui qui provient des
outres dans lesquelles on la transporte des citernes aux maisons,
les Alexandrins ont coutume de se servir du mastic de Scio ou
d ’amandes pilées ; ce qui déplaît aux étrangers qui n’y sont pas
•encore accoutumés.
Toutes les citernes dont on se sert aujourd’hui sont dans l’èn-
ceinte de la ville arabe. On a négligé celles qui se trouvaient au
dehors, et aucune ne fut construite sur le sol de la ville moderne,
qui n’existait pas anciennement, et qui ne's’est agrandi, autour de
la digue, que par des aterrissemens successifs. Les citernes les plus
éloignées de la ville moderne servent à l’arrosement des jardins. Il
n’est pas rare qu’on en découvre de nouvelles parmi les fouilles
que l’on fait. Cette découverte est précieuse, parce qu’elle donne
lieu à la formation d’un nouveau jardin, et qu’elle procure de nouvelles
richesses aux habitans. Mais on a eu l ’attention de réserver
aux besoins de la ville celles qui se trouvaient le plus à sa portée.
Les jardins d’Alexandrie sont plantés de dattiers : on y cultive
en même tems le henné, le sébestier , le citronier et l’oranger. Il
y a quelqües figuiers, quelques mûriers et une grande espèce de
jujubier. Les abricotiers, les pruniers et les grenadiers y sont rares.
Les plantes potagères , telles que le chou , la chicorée , la laitue ,
l’àrtichaut, le céleri, la féve et le pois, y sont assez communes. On
y voit bien plus abondamment l ’aubergine, la ketmie et la mé-
lochie.
Quoique ces jardins ne soient pas aussi beaux que ceux de Da-
miette, de Rosette et du Caire ; quoiqu’ils ne soient pas aussi variés,
aussi ombragés et aussi frais , ils sont néanmoins très-agréables :
ils contrastent singulièrement avec la nudité du sol environnant,
avec l ’aridité du terrain que l’on apperçoit tout autour. Les négo-
cians européens vont souvent s’y délasser de leurs trav au x, et y
goûter des plaisirs qui ne sont vivement sentis que par les habitans
des pays chauds. Là ils ne craignent pas les Arabes pillards, qui
viennent souvent jusqu’aux murs de la v i lle , et qui dépouillent
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