liaisons commerciales avec l’Arabie , l’Ethiopie et l'intérieur de
l ’Afrique continueraient d’être ce qu’elles étaient sous le gouvernement
des beys.
Le seul respect de la propriété suffirait pour changer entièrement
la face de l ’Egypte. Mais le commerce , en y attirant tous les produits
de l’Europe, ne donnerait aux Français d’autre avantage sur
les nations étrangères, que celui qu’ils pourraient s’y procurer eux-
mêmes par le génie de leur industrie ou la nature de leurs productions.
Le bien qui pourrait eu résulter pour le commerce en
général, serait également partagé entre toutes les nations commerçantes
; et la Porte , quelle que fût sa prédilection pour la
France, se verrait vraisemblablement obligée.à ne pas faire un partage
inégal de ses faveurs : ou plutôt voyons-la, cédant aux suggestions
, aux menées d’une nation rivale et jalouse, oublier ce
qu’elle doit à nos conseils, à nos secours ; nous priver de ce qUi
nous aurait été si légitimement d û , s’associer enfin avec nos plus
irréconciliables ennemis, pour nous punir d’avoir compté sur sa
reconnaissance ou sur notre générosité.
Maintenant cessons de nous livrer à des suppositions trop éloignées
de" la vérité.
Depuis long-tems ébranlé par la cupidité ou l ’ambition de ses
pachas, touchant au dernier terme de sa dissolution, l ’Empire
othoman ne pouvait que faire entrevoir le danger imminent de sa
chute. Ne devait-il pas entrer dans la politique européenne d’arracher
à l’esclavage asiatique cette terre privilégiée, destinée, par sa
position et ses confins, à devenir le centre et le lien du commerce
du Monde? d’opérer, par la conquête et la possession de l’É gypté,
une nouvelle révolution dans le commerce, semblable à celle de
la découverte de l ’Amérique ?
L a puissance qui la première, profitant des circonstances et de
ses moyens, devait faire luire l’espoir d’une délivrance, ne pouvait
qu’être favorablement accueillie, et obtenir bientôt la juste
récompense de ses généreux efforts. Elle aurait acquis, non-seulement
un grenier d’abondance en denrées de première nécessité
et les plus riches produits de l ’Ajnérique, tels que le sucre et
l ’indigo,
l’indigo , mais encore la plus grande et la plus légitime influence
dans le commerce de l’Inde.
Pour ajouter à cette perspective, il suffira de jeter un regard suç
ce que l ’Egypte fut autrefois, sur ce qu’elle n’a pas cessé d’être ,
même sous l ’oppression la plus atroce que les hommes aient jamais
supportée. Etablissons un régime sage et libéral : le canal d’A lexandrie
au Nil devient navigable ; les deux branches principales de ce
fleuve sont tenues en équilibre ; les canaux d’arrosement, entiére-
mentfcomblés ou près de l ’être , sont dés,obstrués ; la te rre, stérile,
depuis des siècles, se couvre de moissons et de productions de tout
genre ; les bras des conquérans la fécondent de concert avec ceux
des indigènes ; deux millions de nouveaux habitans y trouvent
l ’abondance , sans nuire à l’aisance des anciens possesseurs ; Ça-
nope, Héliopolis , Memphis et Thèbes sortent de leurs ruines ; la
Mer-Rouge fournit des ports à la navigation de l’Inde; Alexandrie
redevient le centre du commerce des nations ; les arts et les sciences
s’empressent de retourner sur leur terre natale, pour la décorer et
l’éclairer à l’en vi, pour en faire le plus riche et le plus brillant
séjour du Monde.
■ Quels sont les obstacles auxquels doit s’attendre la nation capable
de concevoir et d’exécuter un pareil projet ? Quels sont.les moyens
qu’elle doit employer.
S’il ne s’agissait que de conquérir l’Egypte, aucune entreprise de
ce genre n’aurait à présenter plus de facilité. Que l ’on y déploie une
force qui puisse en imposer, et il est possible que le sang des hommes
n’y soit pas versé. Mais il s’agit de conserver sa conquête, de
gagner l’esprit du peuple, et de lui faire chérir une nouvelle domination.
Dans les circonstances où l ’Europe se trouvait après la révolution
française, de tous les gouvernemens celui de la France était le
seul qui, non - seulement sans Compromettre sa sûreté, sans affaiblir
on hasarder une partie de ses possessions, sans éveiller ou craindre
la jalousie de ses voisins , mais par des motifs également puisés dans
la politique intérieure et extérieure , devait être engagé à entreprendre
la conquête de l’Egypte.
Tome I I . R