maître avec toutes les démonstrations du respect le plus servile :.
trois jours après on apprend la mort d’Ali.
; T e l fut le règne de ce nouvel usurpateur de l ’Égypte, qui a joui
de quelque célébrité en Europe,. et qui ne la méritait pas plus par
lui-même que par lès moyens qu’il a employés. Une sorte de,bienveillance
qu’il témoignait aux Francs devait lui attirer de leur part
n>ne sorte d ’estime. Mais il faut le juger, moins par ¡sa çrédulite.en
astrologie, pour avoir la mesure de son ignorance , que par .l’opinion
qu’il avait de lui-même et de l’étendue de sa puissance ; par
ses prodigues libéralités et les richesses immenses- qu’il âccuinule
sur la tête de quelques favoris, sans prévoir qu’il en fait, les premiers
instrumens de sa perte ; par ses trahisons, ses parjures, et
Passaissinat .de plusieurs, dé ses bienfaiteurs ; par ses dépenses, excessives
pour des guerres sans profit comme sans honneur, ou
même san s motif ; par les contributions énormes qu’il impose , et
perçoit avec la même tyrannie ; par la famine qii’il fait éprouver
aux habitans du Caire et aux Fellahs des villages pendant tout le
cours des années 177Q et 1771 , quoique le blé eût été récolté en
abondance. ;
Mohammed remplace A li en 1778, et règne detix ou trois ans,
pour présenter un brigand sans remords ou un traître sans fo i,
armé du pouvoir de nuire.; Voulant affecter un zèle apparent aux
intérêts de la Porte, mais plutôt satisfaire sa vengeance ou son avarice
, il porte la guerre dans la Syrie , fait éprouver à la ville de
Jafë toutes les horreurs du sac, à celle d’Acre toütes les calamité^
du pillagè -, et est heureusement enlevé par une fièvre maligne, dans
le moment où il se disposait à faire égorger les négociant français.
- Mourad-Bey, ayant acquis un grand crédit par la faveur de Mohammed,,
se hâte de regagner le Caire pour disputer le commandement
à Ibrahim-Bey, -de même affranchi et favori du mort. Les deux
r iv au x, Ise voyant :à peu près égaux en forces, craignent également
de se mesurer ,1 et consentent à partager ensemble, l’ autorité; sein-
leinent le titre de S ch eik -el'-B eled est conservé à Ibrahim.
. Bientôt Hassan-Bey, créature d’A l i , et Ismaël, autre hey , créature
du premier Ibrahim ,«ont à la tête des mecontens, et chassent
du Caire Ibrahim et Mourad. Ceux-ci., retirés au Saïd, se fortifient
en peu de tems,reviennent au Caire, et chassent à leur tour Hassan
et Ismaël, qui repassent également .au Saïd,.asyle ordinaire des
réfugiés ou des fuyards.
En 1783, Mourad veut tenter de les- détruire : il les poursuit en
vain; il revient au Caire, où d’aütres factions se forment contre lui1
et Ibrahim. Celui-ci se charge d’une nouvelle entreprise contre les
ennemis communs; il entre en négociation. Mourad se croit trahi,
sort du Caire, et se rend au Saïd. La guerre semblait être inévfo-
table ; elle est encore suspendue par là crainte ou la faiblesse réciproques.
Ils se réunissent encore en apparence, épiant chacun l’occasion
de sC perdre, et veillant à n’être pas perdu.
En 1784 , Mourad croit devoir quitter le Caire, et cependant
intimide Ibrahim au point de le faire enfüir au Saïd.'»Gèlui-ci revient
au Caire en 1785, et feint avec son rival une ^réconciliation
qui ne peut pas être plus sincère d’une part qüe de l'autre.' •
Que-peut-elle espérer ? .q ue ne doit-elle'pas plutôt craindre, la-
malheureuse Égypte, au milieu de ces deux ambitieux,'qui, sans
talens, sans instruction,, sans aucune sorte de moralité, sont aussi
incapables de faire régner la justice que la bonne foi dans leur ambition
? En signant un traité qui leur fait mettre bas les? armes et
leur donne un pouvoir é g a l, ils ont l ’un et l’autre l ’intention de le
violer à la première occasion favorable. Tout prouve leur méfiance.
Entourés sans cesse de tons les Mameluks qu’ils ont à leur solde ,
toujours leurs entrevues présentent l’appareil de la guerre : jamais
ils n’osent toucher à la pipe ou au café qui leur est présetité par une
main trop suspecte. A chaque instant ils sont sur le point d’en v e nir
aux mains ; à chaque instant ils feignent de se raccommoder ;
n’osant ni l’un ni l ’autre hasarder un combat dont le succès leur
paraît incertain. Là seulement où ils Sont toujours d’accord, c ’est
dans les mesures qu’ils prennent ensemble ou séparément pour appesantir
leur double tyrannie sur le peuple infortuné qui l’endure.
’ Ibrahim et Mourad, Circassiens d’origine, esclaves du même
maître, élevés soùs le même toit ; exercés par les mêmes hommes
au maniement des armes, camarades, amis dès leur enfance, sont