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4 , 1 4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
inutiles: ce qui me ie fit qu itte r, jugeant quï{
n’étoit point du tout philolbphe. Et comme j’é-
tois encore dans le plus grand empreflement d’a-
prendre ce que la philofophie a de propre & de
fingulier : j’allay trouver un Pyragoricieii qui é.
toit en grande réputation , & n’avoit pas lui-
même une moindre opinion de fà fàgelTe. Après
que je lui eus témoigné que je voulois être ibn
difciple: Et bien, me dit-il, avez-vous étudié la
mufique, l’aftronomie, la géométrie? O ü croyez
vous pouvoir entendre quelque chofe de ce qui
mene à la béatitude, fans avoir acquis ces connoiffances
qui dégagent Tame des objets feniibles,
la rendent propre aux intelligibles, ôc la mettent
en état de contempler la beauté & la bonté ef
ièntielle ? Comme j’avoüay que je n’avois point
étudié ces fciences, il me renvoya : car il les tenoit
necefiàires.
On peut juger quelle étoit ma peine, de me
voir fruftré de mon efperance : d’autant plus que
je croyois qu’il fçavoit quelque ch ofe , mais d’ailleurs
voyant le temps qu’il m’auroit falu employer
à ces études, je ne pus fouffrir un fi long
délai : & je me dérerminay à fuivre les Platonf
ciens. Il y en avoit un dans notre ville , homme
de bon fens, & diftingué parmi eux. J ’eus plufieurs
converfations avec luy, & j’y profiray beaucoup.
Je prenois grand plaifir à connoître les cbofes
incorporelles, & la confideration des idées
élevoit mon eiprit comme fur des aîles : en forte
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L i v r e t r o i s i e ’ me . 4 1 3
que je croyois être devenu iàge en peu de temps,
k j’avois conçû la folle eiperance de voir Dieu
bien-rôt ; c’eft le but de la philofophie de Platon.
Cette difpofition d’efprit me faifoit chercher
la folirude. Comme je me promenois au bord de
la mer, je vis en me retournant un vieillard, qui
me fuivoit d’aifez près. Son extérieur n’étoit pas
méprifable, & montroit beaucoup de douceur ôc
de gravité. N ous entrâmes en converfation, Ôc il
me dit : Je vois que vous aimez les diicours, ôc
non pas les oeuvres ôc la vérité ; ôc que vous cherchez
la fcience ôc les paroles, plûtôt que de venir
à la pratique.
S. Juftin rapporte enfuite un grand entretien,
dans lequel ce vieillard lui fit v o ir , que les philofophes
mêmes qu’il eftimoit le p lu s , Platon Ôc
Pytagore, avoient erré dans les principes, ôc n’aboient
bien connu ni D ieu, ni l’ame raifonnable ;
que les véritables fages étoient les prophètes,
que Dieu avoit inlpirez : comme il paroifloir
par leurs prédiftions ôc par leurs miracles. Ce
qui leur avoit donné créance, en forte qu’ils a-
voienr établi la vérité par l’autorité, ôc nonpar
des difputes ôc de longs raifonnemcns, dont peu
de gens font capables. Que ces prophètes faifoient
connoître Dieu le pere ôc l’auteur de toutes
chofes, ôc fon Fils le Chrift qu’il a envoyé :
qu’il falloit prier de nous ouvrir les portes de la
lumiere, ôcnous faire connoître la vérité. Le d ifcours
de ce vieillard donna à S. Juftin un amour
p. 114. Dy-
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