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;,rfi . _ P R E F A C E .
tant de livres ; mais qui ont de la f o i . dn bon fe n s , de l’amour « oui
la vérité ; qui lifent pour apprendre des vcritez u tile s , & en devenir
meilleurs;qiii veulent connoître le chriftianifme grand & folide comme
il cft; & en feparer tour ce que l ’ignorance & la fupcrftirion y ont
voulu mêler de tems en tems. Je vois bien que cetre hiftoire ne p laL .
ra pas aux petits cfprits attachez à leurs préjugez, & toujours prêts à
r. T,m. i . v . ; . 4, condamner ceux qui les veulent défabufcr : détournant leurs oreilles
de la venté pour fe tourner à des fables , cherchant des dofteurs fcu
lo n leurs ddirs. Iis ne trouveront que trop d’autres livres felon leur
goiit. C c f t pour me rendre utile au commun des perfonncs fenfées
que j écris en françois,au hazard de ne pas alTez bien exprimer la force
du latin & du g r e c , Sc de m’écarter de la pureté de ma langue,
rh ^ f • ne compte pour preuves que les témoignages des .auteurs o rL
Liioudes u.ts, gm a iix ;c c ft-à -d ir e de ceux qui o a t écrit dansùe rems m êm e , ou peu
après. C a r la mémoire des faits ne fo peut conferver long-tems fans
écrire : c ’cft beaucoup fi elle s ’é tend à un fie c le , depuis que la vie des
Jiommcs eft bornée à foixante ou quatre-vingr ans. Un fils peut fo
fouvcnir après cinquante a n s , de ce que fon pere ou fon a'ieul lui aua
ron t raconté cinquante ans .après l ’avoir vû. Les faits qui pa(renrp.ar
plufieurs degrez n ’ont plus la même sûreté : chacun y ajoute du fien ,
mcme fans y penfer .C’eftpoiirqiioi les traditions vagues de faits rrès-anc
ciens qui n’ont jamais été écrits ou fo r t tard.ne méritent aucune créanc
ce ; principalement qii.and elles répugnent aux faits prouvez. Et qu’on
ne dife point que les hiftoires peuvent avoir été perdu'ésa car comme
o n le^dir lans p reu v e , je puis dire .auffi qu’il n’y en a jamais en. Il en eft
de même à proportion des auteurs qui onr écrit des faits plus anciens
qii eux de plufieiirs fiecles ; s’ils ne citent leurs auteurs , on a droit de
les foiipçonner d ’avoir crû trop Icgerement des bruits populaires.
Mais quand un auteur grave nomme les auteurs plus anciens , dont il a
tiré ce qu’il raconte, il en doit être ciu.quoiqiic les auteurs plus anciens
foient perdus. Ainfi Eufebe tient lieu d’original pour les trois premiers
fie c le s , parce qu’il avoir quantité d’écrits que nous n’avons p lu s , dont
fouvent il rapporte les propres paroles; & par ceux qui nous reftent ,
nous voïons qu’il cite fidelemenr. Toutefois quand un auteur ancien
en cite un plus ancien que nous a v o n s , il faut toujours confiilter l ’orii-
g in a l;& cette p récaution eft encore plus ncceffàite, quand celui qui cite
cft moderne. Ainfi quoique Baronins non-feulement cite fes auteurs .,
mais en rranfcrivc les padàgcs : je ne voudrois pas me contenter de fon
aiirorité.Quiconque veiir fçavoir sûrement l ’Iiiftoire ecclcfiaftique, doit
coufulterlesfourccs d’où Baronins l ’a tirée;d’autanr plus qu’il a donné
pour autentiques des pieces dont la fuppofiriona étérecomuié depuis ,
& que les vcrfions des auteurs g r e c s , d o n t i ls ’cft fcrvi.iie four pas rot:-
joursfideles. Sou travail nclai/Ièpas d ’êrrc d ’une très-grande utilité à
T ég life ;& je reconnois que c’eft fur ce fonds principalement que j’ai tra*
vailléitâchant d’y jo indre tout ce que les fçavans o.ir découvert depuis
un fiecle;
P R E F A C E . ^ _ f .
t e s aliüeiits même contemporains ne doivent pas être fuivis fins cxa
fn c n , & c ’cftto u t ce tart d'examiner les preuves , que les gens de let-
très nomment critique. Premièrement il faut fça v o ir fi les écrits font
véritablement de ceux dont ils portent les noms. Car on en a ftippofé
plufieurs , principalement pour les premiers fiecles. Quiconque eft un
peu inftruit ne s’arrête plus aujourd'hui aux prétendus aélcs de S,Pierre
par S. Lin , & de S. Jean par P ro ch o re , aux faux Hcgcfippes, aux dé-
crctales attribuées aux premiers papes:on a reconnu entre les ouvrages
d e là plûpart des peres de l ’é g life , des fermons & des autres pieces,
q u ’on avoir fait mal-à-propos palferfous leur nom. Q u a n d l’auteur
cft ce rta in, il faut encore examiner s'il eft digne de fo i ; à peu près
comme on examine des témoins en juftice. C e lu i dont le ft'ilc montre
de la v an ité ,p eu de ju g em en t, de la hain e , de l ’iiite r ê t , ou qucl-
q u ’autre paffion ; mente moins de créance qu’un autre ferietix, moA
d e fte , judic ieux, dont la vertu & la finceritéfoM d’ailleurs connues.
Les hommes trop fins ou trop groffiers font prcfque également fuf-
pcéls ; ceux-ci ne fçavent pas due ce qu’ils v eu len t, ceux-là donnent
fouvent pour v critez leurs penfées & leurs conjeétures. C e lu i qui A
v û eft p us croïablc que celui qui a feulement oiii d ire;& à proportion
on doit préférer l’habitan du pais à l ’é tran g e r , celui qui rapporte fes
propres affaires aux perfounes indiffereiiics. C a r chacun doit être crû
fur fa doiftrine , fur l ’hiftoire de fa f t a c : nul autre n’en eft jamais fi
bien in fo rm é , les étrangers & les ennemis font fufpcils, mais on prend
droit fur ce qu’ils difent de favorable au parti contraire.Ce qui cft contenu
dans les lettres & les autres acTcs du tems, doit être préféré au récit
des hiftoriens. C e f t par ces regies que l ’on doit fe déterminer fur les
contradictions des écrivains contemporains. S ’il n ’y a que la diverfité.il
fau t les concilier; s’il eft impollible, & que le fait foit im po rtan t, il
faut choifir. Je fçai qu’il eft plus commode pour l ’hiftorien de rapporter
les différentes opinions des anciens ;& en laiffcr le jugement aux
k a e u r s . Mais ce n’eft pas le plus agréable pour eux. La plûpart cherchent
des faits certains, ils ne veulent pas é tu d ie r , liiais profiter des
études d'autrui; Si n ’aimenf pas à douter, parce que c’eft toujours ignorer.
C e f t ce qui m’a fait prendre le parti d’omettre la plûpart des faits
douteux , d’aïutant plus que je ne manquois pas de matière.
Mais je n’ ai pas crû devoir rapporter rous les faits qui font bien
prouvez ; j ’ailaifl'é ceux qui m ’ont paru inutiles à môn deffein;c eft-a-
dire, à montrer la doélrine de l ’é g li fe , fa difcipline & fes niaiirs. Il eft
vrai que dans les premiers fiecles tout m’a paru précieux, & j ’ai m ie iiC
aimé en mettre plus que moins. J’ai même paffé les bornes de là fimplé
n ar ration , en inférant des paffages ou des cxtixaits affez longs des auteurs
anciens. Mais j'a i confideré que l ’h iftoiremcme profane ne conR
fifte pas feulement en des faits extérieurs & feiifibles.Elle ne fe contente
sas de raconter les voïages,les batailles, les prifes de v ille s , la mort où
à naiilànce des princesièllc explique leurs dcflcins, leurs confcils.leurS
itiaximc-i cette partie eft d ’ordinaire la plus agréable aux gcnsfenfez.