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258 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
plus ou moins prelTez de la faim & de la peur. On
ne voïoit nulle parc des fables dreiïées : ils tiroient
de- deifus le feu la viande à demi crue, ôi fe Tarra-
choient les uns les autres. Ca r ie plus fort Tempor-
t o i t , ôi la faim avoit effacé la honte. La femme
ôtoit le pain de la bouche de fon mari, le fils à fon
pere ; k ce qui eft de plus étrange , la mere à fon
en fant , qui défailloit entre fes bras.
Ils ne pouvoient fe cacher aux féditieux. Une
aorte fermée fignifioic qui ! y avoit des vivres. Ils
enfonço ient , k leur ôtoient prefque les morceaux
, en les prenanr à la gorge. On frappoit les
vieillards qui défendoient leur pain ; on prenoit
aux cheveux les femmes qui cac loient ce qu’elles
tenoient à leurs mains. On cnlevoir k s enfans
avec le morceau où ils s’attachoient, k on les
brifoit contre terre. Leur plus grande rage étoit
contre ceux qui ks avoient prévenus, en avalant
les morceaux avant leur entrée. Les tourmens
qu’ils cmploïoicnt éroicnt également cruels &
honteux à dire ; k ne tendoient fouvent qu’à découvrir
un pain , ou une poignée de farine. Ce
n ’eft pas que ces faélieux fuifent prelTcz de la faim,
c’écoit afin d’amalTer des provifions pour plu-
iieurs jours. Ils arrachoient même aux pauvres
les herbes qu’ils avoient cueillies la nuit hors de
ia v i l le , au peril de leur vie : fans leur en vouloir
laiffer une partie , qu’ils leur demandoient au
nom de Dieu. Bienheureux s’ils ne k s tuoient
pas encore. Quant aux plus riches, ils les accu-
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foient de trahifon ou de défertion, & ks faifoient
mourir. Simon renvoïoit à Jean ceux qu’il avoit
pillez ; k Jean cn rcnvoïoit à Simon. Le feul
crime qu’ils connoiffoienr, étoit l ’injuftice de ne
las partager, entr’eux le butin. Ils maudiffoient yn.é.iz.
eur nation • & témoignoient moins de haine
contre les étrangers.
Cependant il y avoir de ces féditieux armez ,
que la faim contraignoic, comme les autres, à fortir
pour chercher des herbes. Tire commanda de
la cavalerie pour les obferver ; k avec eux on prenoit
aufti des gens du peuple, qui n’ofoient fe rendre
fans combat , de peur que les féditieux ne s’en
\tngeaffent fur leurs femmes k leurs enfans.
Ceux qui étoient ainfi pris les armes à la main ,
Tite les faifoit crucifier fans diftmétion : tant pour
ia difficulté de k s garder , que pour épouvanter
les affiegez. On cn crucifioit jufqu’à c inq cens par
jour ,& quelquefois plus : en forte que l ’on manquoit
, k de croix , & de place pour les dreffer.
Les foldats, par mocquerie, les clouoient en differentes
poftures. Mais les féditieux fe fetvoient
de ce fpeétacle pour animer le peuple ; k traînant
iur la muraille ks parens ôc les amis des patiens ,
ils leur montroient combien il faifoit bon fe rendre
aux Romains. Il y en eut que Ti te leur renvoïa
les mains coupées ; mais rien ne pouvoir, ni
les effraïcr, ni les adoucir.
Pour achever de les affamer, Ti te réfolut de les '’ i.c.t-,.
enfermer enticrement ,&f it bâtir par fes rroupes,
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