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84 VOYAGEaLEVANT
faire tort,mais elle les a encore infcnfi- le nombre des prieres. Ils croient que
fccoutumez a ne jurer les Juifs & les Chrétiens „'ai;uu pas
= obeï _S', nom de Dieu par leurs blafphê au. commandement que D L
nies, comme il y en a tant d'autres
qui le font impunément, quoi qu'-
ils ayent des loix bien plus faintes
qu'eux. C'eft par cette raifon que
le plus grand ferment qu'ils ayent à
la bouche quand ils veulent affirmer
quelque chofe , c'cft volta hebilla,
qui iignifie, f>ar le 'Dieu que fattore.
Mais les Turcs, qiii font les plus
éloignez de Conftantinople, & qui
par confequent ont plus de fréquentation
avec les Chrétiens , & fur
tout le petit peuple d'entre eux, fe
fervent des fermens & des jurcmens
des Grecs & des autres, parce qu'-
ils n'en ont point en leur propre
langue , quoique pourtant ils en
ufent plus par maniere de flatterie
& de carefles que par inveiti ve.
Ils ne font pourtant pas toujours
fi modérez, principalement les gens
du commun, & quand ils ont à faire
avec des perfonnes d'une autre
Religion , ils les maltraittent extrêmement,
& au lieu de ces douces
paroles Janum , Ikigufum , Cardache
{mm coeur, mes yeux, mon fiere^
& de quelques autres dont ils
ont accoutumé de fe fervir, on ne
leur entend fortir de la bouche que
celles de Giaour, Kupec, diufis
(infidele, chien, fans FOI^ ¡¡CZMXX&S
femblables malcdiiîions.
Mais ceux qui font un peu devez
au defliis du commun, comme
les Marchands & les Jurisconfultes
, font d'ordinaire traittables &
fort civils , & lors qu'ils ont pris
quelque étranger en aiFedion, ils
lui font autant de carellès&debons
traittemens , que s'il étoit de leur
pais & de leur Religion, principalement
s'il peut s'entretenir avec eux
en leur langue.
Voila pour ce qui regarde le devoir
de pardonner à fes ennemis;
Heures'^'" J P^'îint à la priere & à ce qui
¿e la prieen
depend, il ne faut pas s'etonner
re&c. que les Turcs y reviennent fi fouvent
\/f k Mahomet,, IPprauni/fq ue » A r Te ne »n'eft touCtre^^fondée JÂla^ Religion
icnaroïc ou ils le rrouvenr»
que fur me lors qu'ils voiagent ils fo„robl1
leur avoit fait de prier, il enjoignit
à Mahomet de recommander aux Mufulmans
de lui addrefler leurs prieres
cinquante fois le jour; mais que celui
ci, prevoiant que fes Seftateurs
ne pourroient pas garder ce commodément,
fit tant auprès de Dieu
qu'il fe contenta de la dixième partie,
& que ce grand nombre de cinquante
prieres par jour fût réduit à
cinq.
Or comme ils ne peuvent avoir ni
cloches ni horloges, il afalu établir
des hommes qui les avertiflènt par
leurs cris, du temps qu'ils doivent aller
à la Mofquée, ou au moins
prier à la maifon. Ces Crieurs s'appellent
, de deux mots Arabes
Muaz zin qui fignifient voix
dans l'oreilte. Ils montent aux heures
réglées cinq fois le jour fur
les Minarets des Mofquées, & s'Û
n'y en a point, ils vont fe tenir debout
à la porte, & mettant les pouces
dans leurs oreilles, ils crient à haute
yoii^AtlaHecber, & le refte, félon
que l'occafion du jour l'exige.
On avertit donc cinq fois le jour
de venir à la priere fçavoir au point
du jour, à midi, fur les quatreheures
après midi, au coucher du Soleil
fce que les Italiens & les Turcs
appellent vingt quatre heures 3 &en.
viron minuit. La premiere de ces
prieres s'appelle Salem , ou Sabah
namaff la fécondé Ëujlai namajii
la troifieme Kindi namajii la quamémc
Accham namafi; Scladerniere
Tatip namafi, oupriere du coucher.
Les Turcs ne manquent gueres
ces cinq heures de la prieie, mais
principa ement la premiere & les
deux dernieres, car fi l'ons'apercevoit
que de ces cinq qui leur font
recommandées, ils ne s'acquittaflcnt
pas au moins de ces trois, ils feroient
châtiez feverement & exemplairement.
Auffi n'y a-t-il rienqni
les en pmiTe difpenfer, car s'ils ne
font pas en état d'aller à la Mofquée,
ils font obligez de prier dans
l'endroit où fe trouvent,& mégez
EN E G Y P T E ; S Y R I E ; &C. 8?
gez de defcendre de cheval, comme
je l'ai dit ailleurs. Que s'ils voiagent
dans la compagnie d'une Caravane,
le Caravati-Bachy ou maitre
de la Caravane, s'arrête, & fe
tournant vers le Koblé, c'eft à dire
re du côté de la Mecque, il crie lui
même, ou il fait crier par un autre,
qu'il eft temps de prier, fur quoi
tous les Turcs font obligez de defcendre
& de fuivre fon exemple.
Les Chrétiens qui fe trouvent en
cette Caravane peuvent s'il le jugent
à propos demeurer à cheval ,
mais il ne leur eft pas permis d'àvancer
chemin, pendant quelesautres
prient,fice n'eft qu'ils fuiTent
les plus forts, car en ce cas là les
Turcs fe tirent à quartier pour aller
faire leur priere.
Outre ces cinq prieres que les
Muèfins publient tous les jours de
deflus les Minarets, il y en a encore
deux autres , fçavoir celle du
vendredi qui eft leur jour du repos,
& celle du Ramadan ou Jeûne.
La premiere s'appelle Salah,
& fe fait le matin à neuf heures,
& la feconde Taravié namafi, &
elle fe fait à minuit pendant toute
la Lune du Ramadan fçavoir
le quinzième du mois de Regeb ,
& le même jour du mois de Chaban.
Toutes ces prieres, dont les
principales fe font en langue Arabe
, ne durent pas chacune plus
d'une demie heure, & les ordinaires
pas plus d'un quart d'heure.
Q i ^ d la Salah du vendredi eft
achevée les marchands & les artifans
peuvent ouvrir leurs boutiques,
car ils ne font pas obligez
de chômer leur jour du repos plus
longtemps, & ceux qui en ont befoin
retournent au travail. Mais
les perfonnes de moiens, & [qui peuvent
s'en pafler fans faire tort à
leurs affaires s'en vont chercher
compagnie , & palTent le temps à
ne rien faire.
Le cri des Muëfins n'eft pas
long à Conftantinople. Ils ne difent
rien autre chofe que Alla
Hecber , ce qu'ils repetent pluiieurs
fois, en tournant autour des
galeries ou petites baluftres des
Minarets, de même que leur confeflion
de foi qu'ils concluent en
crant Ahia elfela, c'eft à dire venez
donc à la priere , je vous en
avertis. Quoique ces mots foient
Arabes, ils ne aident pas d'être en
ufage, & entendus de tout le monde
parmi les Turcs.
Les prieres font d'ordinaire fort
fimples , principalement dans les
pentes Mofquées, & aux jours ordinaires
> mais pendant le Ramadan
& aux jours de remarque, elles
font bien plus étudiées.
Les Muëfins & ceux qui les accompagnent
fur les Minarets pour
crier avec eux, font quelque fois
une efpece de concert qui n'eft pas
defagreable aux oreilles des Turcs,
principalement quand ces crieurs s'affemblent
fur |lesminarets de quelque
Mofquée confiderable, comme celle
de Sultan Achmet qui eft bâtis
dans t Hippodrome, ou lieu delà
courfe des chevaux. Cette Mofquée
a fix de ces Minarets, & à
chacun d'eux,trois galeries qui font
remplies aux jours des grandes fêtes
de ces zelez Mufulmans qui
criant tous enfemble fort haut &
de tons diiFerens font une lymphonie
qui eft bien capable de
plaire aux oreilles des Mahometans
, mais que les Chrétiens ne
trouveroient pas agréable.
Monfieur Grelot rapporte fur ce
fujet une avanture ou l'imprudence
ôc la jeunefle eurent la pus grande
part, & dont la fin fut pourtant
fort tragique. Lors, dit-il,
que jétois à Conftantinople il arriva
qu'un jour de Bairam, ou de
Pâque des Ottomans pendant que
les Muëfins faifoient un tel concert
, un jeune Grec Chrétien qui
pouvoir avoir, dix ou douze ans»
paflànt par devant la Mofquée, &
ne prenant aucun plaifir à ce cri
des Turcs, commença à le contre
faire, foit qu'il voulût s'en moquer
ou qu'il ne feût pas en quel danger
il fe mettoit. Quelques Mahometans
qui venoient à la Mofquée entendant
cela le prirent, & comme
c'étoit un enfant, ils tâchèrent de
l'attirer par carefles & par prefens à
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