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314. V O Y A G E au L E V A N T
C H A P I T R E LXIII.
X>êpart d'Are. %encontre defagreahkde F/iuteurayec l'zJga
de Tfr. Tuits de Salomon. Etat prefent des villes de Tyr & de Sidon.
Retour à Tripoli.
Départ
d'Acre.
Pres que j'eus fait marché avec
Mai
Cabo Bianco.
Tyr.
Rencontre
defagreable
de
l'Auteur
avec TAga
de Tyr.
A le M aitre du vaiiTeau qui devoit
aller à Tripoli, comme je viens
de dire au Chapitre precedent, à
condition qu'il me mettroit à terre
à Tyr & à Sidon nommée aujour
d'hui Saîde, & qu'il m'y attendroit
quelques heures , je me rendis à fon
bord vers le foir. Nous nous mimes
à la voile environ minuit par
un vent de terre. Le lendemain
19. Avril nous paiTàmes avec un affez
bon vent Cabo Bianco , & à
midi nous vinmes devant Sour ou
Tyr, où nous jettâmes l'ancre. J'ai
déjà dit ci devant en parlant de ce
lieu , qu'on y exccrcc une efpece
de violence à l'égard des voiageurs
en exigeant d'eux contre tout droit
& raifon une certaine fomme d'arginti
Comme donc j'avois déjà été
inftruit par les Marchands de cette
côte qu'on n'étoit pas obligé de
rien paier, & que je pouvois librement
me mettre à terre fans qu'il
m'en coûtât rienj je m'y fis aborder,
& je fortis auilî tôt de la barque.
Je trouvai l'Aga qui avoit
là le commandement. Il étoit affis
avec une partie de fes gens fur
le bord de la mer ; il m'aborda
auflîtôt & me demanda le Cafare
ou Peage. Je lui dis que les Francs
ne devoient là aucun peage, à
quoi j'ajoutai que j'y étois venu
plufieurs fois fans avoir jamais rien
payé , comme ce n'étoit pas non
plus à prefent ma penfée de le faire.
L'Aga qui ne vouloir pas fe contenter
de cela commanda la deifus
à fes JaniiTaires de me mener en
prifon au Chateau. Auffitôt ils fe
mirent en devoir d'executer fes ordres
, & comme ils me vouloient
prendre par le bras, je leur dis qu'-
ils n'avoient que faire de fe donner
cette peine, & que j'irois tres
volontiers oii l'.Aga me vouloit l'aire
mener, mais que je l'aflèurois que
je ferois fçavoir au Bafla par le
Confuí de Saïde l'injufticc qu'on
me faifoit ici, car cette place efl:
de la dépendance du BaiTa de Saïde.
Et afin de donner encore plus
à penfer à l'Aga & en obtenir plus
aifément ma liberté, je tâchai de
lui faire accroire que j'étois un
Marchand de Tripoli, & que j'y
avois demeuré quelques années, de
forte que je fçavois fort bien ce
que c'étoit d» Peage en ce licu-ci:
Mais je ne pus fi bien faire avec
toutes mes raifons & mes rufes,
qu'il me laiffât aller fans payer:
Au contraire on me mena au
Chateau 011 l'on me mit dans un
vilain trou tout plein de vermine.
J'y trouvai un vieux Prêtre Grec
qui y avoit été mis pour la même
raifon. Cependant le Patron du
vaiiTeau me vint crier plufieurs fois
en Italien ,que je n'a vois qu'a payer
feulement, & que le Confuí de Saïde
me feroit bien tôt rendre mon
argent, fe plaignant en même temps
qu'il ne pouvoir pas partir fans moi,
à quoi il ajoutoit que fi j'envoiois
un expres au Confuí de Saïde comme
j'avois envie de faire , l'Aga le
feroit retarder là, & que cependant
il ne me feroit nourrir qu'au pain&
à l'eau. Ces confiderations me portèrent
enfin, après avoir demeuré la
deux ou trois heures, à lui payer la
fomme qu'il me demandoit. Enfuite
dcquoi aiant été mené une fécondé
fois devant l'Aga , je lui dis que '
puis qu'il vouloir agir avec moi d'une
maniere fi deraifonnablc, il pouvoir
bien m'ôter tout ce que j'avois:
à quoi il me répondit fans hcliter 6;
d'un grand fans froid qu'il ne dcman