
 
        
         
		I I ! :  i  
 138  V  o  Y  A  G E  au  L  E  V A N T  
 boivent  point  de vin  ,  &  ceux  qui  
 s'y  laiiTenc  aller  ne font non  plus eftimcz  
 que  ceux  qui  prennent  de  l'O  
 paira  ou  de  femblibles  eiiofes  qui  
 caufent  une  elpece  d'ivreflè  :  Et  
 pour  ce  qui  eil  du  jeu,  quoi  qu'ils  
 en  ayenc  de  plufieurs  fortes,  ils  ne  
 font  point  ce  qu'on  appelle  joueurs,  
 c'eft  à  dire  qu'ils  ne  jouent  que  pour  
 fe  divertir  ,  &  pour  faire  paroitre  
 leur  adreiTê  ,  &  jamais  pour  de  l'argent  
 >  ce  qui  eft  caufe  auffi  qu'il  
 n'en  peut  pas  arriver  de  grandes  
 querelles.  
 Pour  prévenir  aufli  les  déréglcmens  
 &  les  excès  qui  pourroient  ar^  
 river  la  nuit,  chacun  eft  obligé  de  
 l'epaiiTeur  d'un  doigt,  &  ils  lui  en  
 donnent  des  coups  par  compte  jufqu'à  
 la  concurencedecequiluieneft  
 ordonné,  ou  que  celui qui  le fait châtier  
 dife  que  c'eft  aflez.  Ce  châtiment  
 cft  cruel, • &  empêche  de  marcher  
 pendant  quelques  fcmaines,  &  
 même  pendant  quelques mois,  principalement  
 quand  on  en  - a  receu  
 trois  ou  quatre  cens  coups  ,  comme  
 cela  fe  fait  pour  les  grandes  fautes :  
 mais  vingtcinqou  trente  coups,  qui  
 font  la  punition  ordinaire  des  fautes  
 plus  legeres  ,  n'empêchent  pas  de  
 marcher  ,  &  ceux  qu'on  a  ainii  accommodez  
 ,  s'enfuyent  aulli  tôt  qu'- 
 ils en font  quittes,  comme  je l'ai  foufe  
 retirer  des  rues  une  demie  heure,  vent  vû  à  Calata  en  paflant  par  haaprés  
 que  le  Soleil  eft  couché,  au-|zard  dans  les  rues.  C'eft  de  cette  
 trement  il  eft  fujet  à  être  arrêté  par  I même  maniere  que  les  Maîtres  châtient  
 leurs  Efclaves,  &c  parce  moicn  
 ils  les  tiennent  dans  une  crainte  &  
 dans  un  refpeft  qui  ne  font  pas  imaginables. 
   
 Ces  coups  de  bâton  fe  donnent  
 aufli  quelque  fois  fur  le  derricre  ,  
 le  Koloiic  qui  eft  une  cfpece  de  
 Ronde,  s'il  eft  trouvé  fans  lanterne,  
 &  on  le  met  en  prifon  jufqu'au  lendemain  
 matin,  qu'on  l'interroge,  &  
 félon  qu'il  fe  trouve  innocent  ou  
 coupable  ,  on  le  punit  ou  on  le  relafche  
 ,  mais  il  en  coûte  toujours'mais  couvert  d'un  caleçon  mince,  
 quelque  chofe.  Cet  ordre  s'obferve, O n  corrige  même  les  femmes  de  
 auiTi  bien  lors  que  la  Lune  luit  que  cette  forte,  quand  elles ont  manqué  
 lors  qu'elle  n'eclaire  point,  comme  à  feur  devoir  ,  &  le  châtiment  eft  
 il  les  Turcs  vouloient  donner  à  en-  plus  rude  fur  cette  partie  que  fous  
 tendre  par  là  que  les  honnêtes  gens  la  plante  des  pieds  ,  fur  tout  fi  l'on  
 doivent  toujours  cheminer  à  la  lu-en  donne  cinq  ou  fix  cens  coups,  
 miere.  parce  qu'alors  il  faut  couper  avec  le  
 A  l'égard  de  le  manicre  ordinal-,  rafoir  la  chair  meurtrie  &  morte.  
 Maniéré  re  dont  ils  punifllînt  ceux  qui  font  I de  pair  que la gangrené  ne s'y  mette,  
 de  '"pmh-  fou'^ez  en  faute,^elle  i"e fait à c oups '&  l'on  cft  obligé  de  garder  le  Ikdes  
 lesfautes.  de  bâton  que  l'on  donne  fous  la ' mois  entiers.  Je  n'ai  pas  vû  exercer  
 plante  des  pieds.  Pour  cet  cflït  ils  cette  manière  de  donner  la  Falaque,  
 ont  une  morceau  de  bois  épais qu'ils  parce  qu'elle  eft  plus  rare  ,  &  je  
 appellent  vers  le milieu  du-jn'en  fçai  que  . ce  que  l'on  m'en  a  
 quel  il  y  a  deux  trous  à  la  diftance  dit.  
 d'environ  un  bon  pied  l'un  de  l'autre. 
   Ces  trous  fervent  à  palTer  les  
 Les  fuplices  à  mort  font  pendre  ,  
 couper  la  tête,  étrangler  ,  &  cmpapieds  
 de  celui  qui  doit  être  châtié  ,|ler:  ce  dernier  n'cft  gueres  en  ufage  
 on  le  couche  à  terre  fur  le  dos  ,  Scjqu'a  l'égard  des  voleurs  de  grand  
 on  les  lui  attache  avec  des  cordes,'chemin  ,  &  des  meurtriers  &  aiFafbien  
 ferme  à  la  Falaque.  Alors deux  fins  ,  ainfi  c'cft  le  même  liipplice  
 perfonnes  lèvent  ce  bois  à  une  telle'qu'eft  chez  nous  rompre  vif,  &  
 hauteur  que  le  patient  ne  touche  à; mcttre  fur  la  roué,  
 terre  que  des  épaulés  ,  &  qu'ainfi  il  Aurefte les Janiftairesibur  exempts  
 ne  fçauroit  faire  aucune  rcfiftance ni  de  ces  fortes  de  liippliccs  j  
 aucun  mouvement  violent.  Deux  même  ils  ne  font  jamais  executez  
 autres  cependant  viennent  chacun  a-  publiquement,  quelques  crimes  qu'- 
 vec  un  court  bâcoii  à  la  main  ,  ou  ils  aytnt  commis;  on  iè contente  de  
 plutôt  avec  une  efpece  de  latte  de|lct  mettre  dans  un  fac  &  de  les  jetter  
 c n E G Y P T E .  SYRIE.  &c.  
 ter  dans  la  mer  par  une  des  fenêtres  
 duSerrail,  tirant  en  même temps un  
 coup  de Canon,  pour marquer  l'execution  
 de  la  fentence.  Et  même  le  
 grand  Vizir  n'a  pas le pouvoir  de  punir  
 un Janiflâirc  ,  il  n'y  a  que  leur  
 General  le Janiflâirc  Aga  à  qui  cela  
 foit  permis.  Il  y  a  aufli  parmi  ceux  
 139  
 de  cet  ordre  nne  punition  infamante  
 ,  c'eft  de  leur  couper  un  certain  
 colier  qu'ils  portent  au  haut  de  leur  
 fuftaucorps  pour  marque  qu'ils  font  
 Janiflaires  ,  ceux  que  l'on  punit  de  
 la  forte  ,  font  declarez  par  là  indignes  
 de  cette  charge  honorable,  &  
 chaifez  honteufement.  
 C H A P I T R E X X I V .  
 ^mm  &  yices des Turcs,  cMéprife  de (¡uelqm  voiageurs  
 fur  les  coideurs  qu'il  n'eft  pas  permis  aux  Chrétiens  de porter.  Uefauts  
 o-  beauté  des  Femmes  de  Turquie.  Mépris  &  jaloujie  desTurcsàl'eeard  
 de  leurs femmes,  é-c.  ^  
 Apres  avoir  rapporté  les  principales  
 particularitcz  des  mceurs  
 6c  des  coutumes  des  Turcs,  je  vai  
 réduire  en  abrégé  ce  qui  peut  refter  
 de  cette  matiere,  à  quoi  j'ajouterai  
 quelques  autres  chofes  qui  pourront  
 ne  pas  deplaire  à  ceux  qui  les  liront. 
   
 Les  Turcs  generalement  parlant  
 Rituiel font  fort  honnêtes  gens ;  (  j'entens  
 des 1 m e s . q u i  font  Turcs  originaires,  car  
 pour  les  autres,  qui  ne  le  font  devenus  
 qu'en  abjurant  leur  Religion  
 pour  embralTer  leMahometifme,  ce  
 font  ordinairement  des  fcelerats,  
 qui  ne  font  pas  plus  fidèles  aux  
 hommes  qu'ils  l'ont  été  à  Dieu.)  Ils  
 ne  font  point  trompeurs,  même  à  
 l'égard  des  Chrétiens  ,  car  ils  ne  
 croyent  pas  qu'il  foit  plus  permisdc  
 tromper  un  Chrétien,  ou  de  lui  
 prendre  quelque  chofe  ,  qu'il  n'eft  
 permis  de  le  faire  à  un Turc.  Ainfi  ,  
 s'il  arrive  quelque  fois  que  les Chrétiens  
 foient  pillez  &  rançonnez  par  
 les  Turcs  ,  il  faut  plutôt  l'attribuer  
 à  leur  envie  mutuelle,  ou  à la malignité  
 des  Juifs  qui  les  pouffent  fouvcnt  
 à  maltraitter  les  Chrétiens,  
 qu'a  leur  humeur  naturelle.  Ils  font  
 d'ailleurs  pieux  ,  charitables,  &  
 pleins  de  zele  pour  leur  Religion.  
 Ils  font  très  fideies  à  leur  Prince,  
 pour  lequel  ils  ont  une  obeïflànce  
 aveugle  ,  &  ils  la  portent  fi  loin,  
 qu'ils  ne  font  point  difficulté  de  fe  
 faire  mourir  quand  il  le  leur  commande. 
   Ils  ne  font  point  querelleurs: 
   Ils  font  fobres  au  manger  &  
 au  boire  &c.  Mais  d'autre  côté  ils  
 font  orgueilleux  ,  &  ils  méprifent  
 toutes les autres Nations,  particulièrement  
 celles  qui  ne  font  pas  de  leur  
 Religion,  comme  les  Chrétiens  &  
 les Juifs  ,  les  premiers  defquels  ils  
 appellent  ordinairement  par  mépris  
 Tupei  &  Jouwer,  ou  Chiens,  &  
 Infideles.  Ils  fe  croient  aufli  les  plus  
 vaillans  de  tous  les  hommes;  qualité  
 qui  leur  pourroit  être  conteftée  
 par  bien  du  monde,  à  moins  qu'ils  
 ne  vueillent  faire  pafl"er pour  vaillance  
 une  efpece  de  témérité  &  d'intrépidité  
 qui  leur  eftaflèzordinaire,  &  
 qui  ne  leur  vient  que  d'un  préjugé  
 qu'ils  ont  au  fujet  de  laPredeftination  
 ,  qui  fait  qu'ils  n'apprehendent  
 pas  même  la  Pefte.  A  quoi  
 l'on  peut  ajouter  qu'ils  croyent  que  
 s'il  meurent  en  combattant  contre  
 les  ennemis  de  leur  Religion  ,  1I3  
 vont  auili  tôt  jouir  de  toutes  les  voluptez  
 que  Mahomet  leur  fait  efperer  
 dans  fon  Paradis.  Cette  bonne  
 opinion  qu'ils  ont  d'eux  mêmes  
 n'empêche  pas  pourtant  qu'en  bien  
 des  chofes  ils  n'eftiment  plus  les  Européens  
 qu'ils  ne  s'eftimcnt  eux  mêmes  
 ,  principalement  à Conftantinop! 
 e,  oùlagrande  fréquentation  qu'- 
 ils  ont  avec  eux  les a convaincus  raille  
 fois  de  leur  habileté.  Mais  pour  
 le  petit  peuple,  ce  font  gens  fortincivils, 
   &  dont  il  fautfouvent  endu- 
 S  ï  rer  
 ' I l i  II  
 iU  i l  ! tihi  1 •  
 •Si  ffl  
 .  lit