BU VOYAGE au L E VAN T
Mill
Ü , 111 II
en façon de dentelle, comme on le
peut voir dans la figure, depuis lé
bas de la poitrine jufqu'au haut au
côté gauche. Elles font ordinairement
la même chofe aux manches.
L e refte de leur habillement eft
comme celui des femmes de Turquie.
C e que je trouvai d'aiTez extraordinaire
ici, mais qui ne laifloit pas
d'avoir fa beauté , c'etoit de voir
que les paifans avoient d'ordinaire
les cheveux fort courts , mais la
barbe fort longue. Ils fe fervent à
la campagne de chapeaux hauts de
forme & à grand bord, tels qu'on
les portoit ici il y a environ quarante
ans. On ne les fait pourtant pas
dans ce pais là , de forte qu'on auroi:
de la peine à dire fi on les y porte
d'ici ou de quelque autre endroit.
. Tout le circuit de cette lile eft
eftimé à cnuiron fix cens milles d'Italie.
L'air mal fain qu'il y fait
pendant les trois ou quatre mois les
plus chauds de Tanné,incommode
extrêmement les étrangers, & eft
tout à fait contraire à leur temperament.
Cela leur caufe une couleur
livide qui leur dure toyte leur vie,
& c'eft le moindre mal qui leur en
arrire. Car il y en a quelques uns
qui en meurent, & d'autres qui one
de grandes maladies. Si cela ne
m'eût point fait apprehcnder,j'aurois
eu afiez de penchant à y paiTer
quelques moiS) pour y avoir leplaiiir
de la chaffè, mais comme tout le
monde me le dcconfcilloir, je rcfo.
lus de continuer mon voiage.
CHAPIen
E G Y P T E, SYRIE, &c. 387
CHAPITRE LXXIII.
^Départ de l'¡fie de Chypre. Terreur Tanique â l'occajton
d'un yatjleau Çrec. Arrhée à Sattaliaù~c.-
ENfuite de cette retoliition je pris
congé de M', le C o n f u í , & après
lui avoir témoigné ma reconnoiffânce
pour toutes les civilitez que j'en
avois rcceuës, je m'embarquai le foir
du 1 f. Mai fur un petit vaiffeau qui
écoir chargé de Sel, & qui s'en alloit
à Sattalia. Comme le vent étoit
contraire, nous attendimes toute la
iHiic qu'il fc levât un vent de terre.
Nous l'eûmes elïcitivement deux
heures avant le jour , & auflî tôt
nous partîmes cinglant le long de
la côte jufqu'au lendemain à deux
heures après midi, que le vent nous
fut entièrement contraire, ce qui
nous obligea de nous mettre à l'ancre
après avoir avancé environ vingt
milles d'Italie. Environ minuit nous
remimes encore à la voile par un
vent de terre, mais il changea tout
d'un coup, & il prit un li mauvais
cours pour nous, & avec tant de violence
que nous fumes encore obligez
de jetter l'ancre. Je nie fis mettre à
terre pour aller tirer quelque gibier,
parce que j'avois un fort bon chien
de chalTe, dont Monfieur Sovan
Confuí m'avoit fait prefent. Je dînai
dans le champ même où jechaffois
, m'etant mis à l'ombre de quelques
arbres , & le foir je me rembarquai.
Le iS. nous eumesencore
le même vent. Le 15). un peu devant
le jour nous pai times & nous
vînmes environ dix heures à LumiJlumiiTo.
Ji) ou Lijmfol qui eft un Bourg qui
a un petit Château. On y voit encore
es ruines des murailles de l'ancienne
ville. Par tout aux environs
de là il y aplufieursmines, particulièrement
de cuivre, dont autrefois
plufieurs vailTèaux fe venoieiit charger,
ce qui a fait donner à l'Iile de
Chypre le nom de l'IJle de enivre.
Les Turcs ne veulent permettre à
perfonne d'y travailler. C'eft aux
environs de ce quartier que fe recueille
le meilleur, vin de toute l'ifle,
de même que quantité de câpres.
Cette place a une fituation agréable
entre plufieurs arbres,& elle aboutit
à une belle plaine. Notre deflein
étoit de continuer notre chemin fans
jetter l'ancre là , & feulement de
decharger quelques hardes avec la
chalouppe: Mais comme nous aprimes
qu'il y avoit fept corfaires à
BafFai nous nous mimes à l'ancre,
dans l'intention de partir la nuit;
mais le vent fe leva tellement que
notre chalouppe qui etoit allée à terre
ne put revenir nous joindre avant
le matin, auquel temps le vent nous
devint contraire, & demeura dans
cet état jufqu'au a3. du mois. Cependant
j'allois me divertir à la chaffe
, & je paiT.ii ainfi le temps qui
m'auroit fort ennuie fans cela. Ce
jour là nous ne pûmes doubler le
cap , de forte que nous fumes obligez
d'y jetter l'ancre.
Le 34. nous partimes dès le matin
par un calme, & nous paiTàmes
le Cap Bianco,mais la plus part du
temps en nous aidant des rames
avec une Barque devant nous , &
nous aperceumes BafFa. Le foir le
vent commença à fraichir, mais par
la malhabileté de nos matelots
Grecs nous ne pûmes entrer dans le
Port, & nous fiimes obligez à caufe
de cela de jetter l'ancre à douze
railles de cette place.
Le 2 f . un peu devant le jour nous
nous remimes à la voile, mais quand
nous fumes venus près de Baffa ,
nous eûmes un fort grand calme,
de forte que nous fumes encore obligez
de mettre une barque devant
notre vaiil'eau, & de le faire tuer à
force de rames , afin d'entrer dans
C e c 2
Baflà.
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