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Capo
Monte S.
Angelo.
Cufa.
4 0 2 V O Y A G E
ce golfe. Peu de temps après comme
nous voguions tout doucement
dans l'obfcurité, le vent s'appaifa ,
& nous eûmes un peu de clair de
Lune. Le 3. au matin le temps
commença à s'éclaircir , mais nous
avions prefque toujours le vent contraire,
Si nous paflames Capo Monte
S. Aììgelo en ne faifant que voguer
depuis minuit I de peur d'aller
donner contre les Illes, l'une defquellcb
nous aperçeumes ; elle s'ap
pelle Cufa. Le 4. au matin nous nous
trouvâmes auprès de quantité d'Ifles
que nous laiiTàmes toutes à main
droite, & cependant nous continuâmes
notre cours avec un bon
vent. Dans le même temps nous
aperçeumes deux voiles que nous: calme> & au
primes pour des vaiiîêaux du pais, ' nous trouvâmes
Pòrno.
a u L E V A N T
tempête, qui dura prefque jufqu'a
midi, que le vent commença un
peu à dmiinucr, mais fort peu après
nous eûmes encore le même temps,
&vers le foir encore du changement,
ayant pendant tout le jour prefque
toujours pris le large afin de n'approcher
pas trop prés de la terre.
La nuit il fit un fort beau temps.
Le 8. à la pointe du jour nous nous
trouvâmes environ l'endroit que
nous avions quitté le jour précèdent.
A midi nous eûmes Citta nova, ou
la Ville neuve au Nord-Eft, & de
l'orage vers le foir, de'forte que nous
fumes contraiius de nous arrêter.
La nuit à trois heures nous reprîmes
notre cours. Le 9. il y eutim grand
lever du Soleil nous
au même endroit
comme en effet c'en étoit. Lefoir oii le foir precedent nous avions
nous pafilmes le Rocher de Tome commencé à n'avancer plus, & tout
qui eft la dernicre de toutes les Ifles, ' ce jour nous ne fîmes que flotter, à
& qui en a plufieurs petites autour jcaufc qu'il ne faifoit point de vent,
de foi) corameily enaune rcprefen-| Le foir il fraichit un peu, ce qui
tée auprès du Rocher dans la figu- nous fit tellement avancer que la
re îc8. Lors qu'on commence à la nuit fuivante nous fumes pourtant
voir elle paroit comme un vaiiTeau, 1 encore obligez de nous arrêter juf-
& elle efl: auffi pnfe pour cela par qu'a trois heures. Le io. à la pointe
du jour nous fumes pouffez par
un vent à fouhait. qui nous mena
ceux qui n'y font pas accoutumez.
Cette nuit nous eûmes le vent condécouvrimes
traire. Le y. au matin nous eûmes! à la vue de Venife environ trois heuencore
un calme, & nous vimes le, res avantmidi, jufqu'au détroit dans
païs d'jincone aflez près de nous ài lequel nous vîmes entrer un petit
lîiain gauche. Il paroit fort élevé j vaiflèau Anglois. Nous nous arre-
& plein de neige. La nuit nous eu-1 tames longtemps devant cet endroit,
mes le même temps. Le matin du 6.: dans l'efperancc que nous eûmes,
le vent fe mit au Sud-Eft, & nous] d'en être retirez par le raoïen des
auprès de nous la côte
d'Efckvonie qui eft bordée de plufieurs
Ifles. De l'autre côté nous
étions fur la ligne de la ville de Ravenne
, aux environs de laquelle on
voit une petite montagne ronde en
forme de rocher, quoi qu'elle foit
attachée à la terre ferme. Nous
trouvâmes alors que nous étions en
viron à trente quatre milles de Venife.
La nuit nous eûmes prefque tou
jours le vent contraire, & puis du
barques ou des halleurs; mais comme
cela ne fe fit point, nous fumes
contraints de jetter l'ancre à neuf
braffes d'eau. Environ trois heures
après midi nous tirâmes un coup de
canon , & nous mîmes une petite
banderolle au vent pour faire figne
qu'on nous vint aider; mais nous ne
vîmes perfonne. Cependant le vent q^^
commença à fe lever bien fort, &la fairemaomcr
à être fort agitée à caufe du fagepeu
de profondeur de l'eau ; de forcalme.
Le 7. un peu devant le jour! te que notre vaiflcau gliilbit fur l'annous
eûmes un vent Sud-Eft qui fe, cre d'une manière à nous faire peur,
renforça tellement, à mefure que lel car la plus part du temps il donnoic
en E G Y P T E , S Y R I E , & c ; 403
jour venoit, que nous fumes contraints
d'amener la p l ^ part de nos
voiles; car iJ faifoic une veritable
de la proue dans l'eau. La nuit nous
furprit là deffus , & une nuit fort
objTcure à caufe de l'orage. Ainfiil
fembloit
i\irivL'e
Venife.
fembloit que notre vie ne dependoit
plus que des cables de notre
ancre, que nous croyions de temps
en temps qui fuffent caflez, à caufe
du craquement effroiable que
faifoit le vaiflcau par la violence
des coups de mer. Dans cette extrémité
ofi nous étions tous, nous
ne croyions pas que de quatrevingt
dix perfonnes qu'il y avoit dans
notre vaiffeau,il s'en duft fauver un
feul, & fans doute cela fût arrivé fi
nos cables fe fuffent rompus, ce
que nous envoyions fçavoir de
temps en temps, quatre que nous
étions dans le Cahyeut, où nous
nous entre-regardions triftement fans
ofcr feulement lever la tête. Mais
Dieu voulut que le vent commença
à diminuer environ deux heures
aprcs minuit, jufques là que le marin
qui etoit l'onzieme jour, nous
eûmes un beau temps. Alors nous
tirâmes plufieurs coups de canon
chargez à boulets , afin de nous
faire entendre, & qu'on nous vint
tirer de là. Environ neuf heures
une barque vint nous aborder pour
nous dire qu'il leur croit jmpoffible
de nous en tirer , parce qu'il n'y
avoit que quinze pieds d'eau dans
ce trou , & que notre vaiffeau
en prenoit dixhuit. Nous retournâmes
l'ancre, nous nous fîmes mener à la
ville avec la Chalouppe, accompagnez
donc vers le trou de Malomocco
, où nous allames jetter l'ancre
à dix braffes d'eau. Nous fumes
bien tôt accompagnez de deux
vaiffeaux Anglois qui vinrent fe
mettre auprès de nous. Le 12
nous mîmes encore une banderolle
au vent, & nous tirâmes quelques
coups, mais comme le vent étoit encore
trop fort, les halleurs ne vinrent
point avant le lendemain.
Nous tirâmes donc vers ce trou,
que nous trouvâmes qui avoit
vingt & un pieds de profondeur
& fept barques fournies chacune
de dix hommes s'etant attachées à
notre vaiffeau, elles nous tirèrent
à force de rames dans le Port,
, fe fentis une grande joye de me
' revoir dans dans les Terres des
Chrétiens, après avoir erré entant
de païs, & couru tant de hazards,
Auffi tôt que nous eûmes jetté
d'un Alfante ou Huiffier qui
demeura toujours auprès de nous
avec fa gondole. Apres avoir ramé
une heure nous arrivâmes à la ville
il n'y eut que notre Capitaine
qui defcendit à Terre , d'où il
a'ila à la maifon de fanté , afin
de faire voir fes Lettres. Cependant
nous l'attendions fur le bord
de l'eau , feparez des habitans
qui étoient autour de nous, de crainte
de la Pefte. C'eft un ufage qui s'obferve
à l'égard de tous ceux qui
viennent du Levant , qu'avant Quaranqu'ils
puiffent mettre le pied dans «¡ne à_
la ville , il faut qu'ils demeurent
quarante jours dans la maifon de du Levant;
S. Lazare , ce qu'on appelle faire
la quarantaine. Quand notre Capitaine
eut donné fes Lettres, on
nous remena de la même maniéré
vaiffeau , accompagnez de
l'Alfante. J'aurois bien fouhaitté
d'y faire ma quarantaine fi l'on
me l'eut voulu permettre , mais
cela me fut impolTible. Nous ne
laiffames pas d'obtenir par le
moien d'une perfonne qui parla
jour nous , la grace que
es jours que nous avions
paffez dans e vaiffeau nous feroient
de falquez fur la quarantaine
, de forte que nous ne fumes
que fort peu de temps dans la
maifon de fanté , parce que tout
le temps de la quarantaine ne fut
alors ertimé qu'a vingt & un jour,
en ayant paflë feize dans le vaiffeau
: car notre quarantaine ne
commença pas plus tôt. Mais fi
'on n'apportoit point de Lettres de
fanté du Levant , & que la pefte
fût dans le lieu d'où l'on feroît
parti , il faudroit faire la,
Qiiarantaine entiere , c'eft à dire
paffer quarante jours dans la maifon
de fanté, auffi bien que toutes
les marchandifes qu'on croit qui
pourroient communiquer du mauvais
air. Et s'il arrive que pendant
ce temps là il fe mette quelque madie
parmi ceux qui font la quarantaine
, ces quarante jours font
doublez, & étendus jufqu'a quatre-
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