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 rieux,  &  qu'ainfi  je  ne  pouvois  faire  
 un  plus  grand  plaifir  au  Couvent  
 que  de  leur  montrer  mes  defleins.  
 •En  i.m  mot  on  me  traittoit  ici  comme  
 une  perfonne  à  qui  l'on  veut  
 faire  beaucoup  d'honneur  > &  dont  
 on  difoit  qu'on  n'avoit  point  encore  
 vu  le  pareil  dans  le Couvent.  Le  
 Père  Reverendiffime <jui  m'eiHmoit  
 autant  qu'aucun  des  Religieux  de  
 fon  obedience  ctoit  une  perfonne  
 d'un  grand  mérité  ,  né  à  Milan,  
 d'une  des  principales  familles  ,  il  
 s'appelloit  "Pi^rus  Marinus.  Sa  
 converfation  hge  &  fpirituelle  lu  
 attiroit  l'cftime  de  tout  le  monde,  
 même  parmi  les  Mahometans.  Il  
 me  montra  trois  petites  chambres  
 qu'il  faifoit  bâtir  pour  les  Pelerins,  
 &  il  me  difoit  qu'il  étoit  fâché  de  
 nous  voir  logez  fi  etroitement  ,  &  
 que  comme  il  devoit  partir  bien  tôt,  
 il  eût  bien  fouhaitté  de  voir  cet  ouvrage  
 achevé,  que  pour  cela il  avoit  
 fait  une  depenfe  confiderable  &c.  
 Et  de  fait  il  en  coûte  ici  beaucoup  
 pour  bâtir  ,  car  les  Turcs  ne  permettent  
 pas  de  le  faire j à moins  qu'- 
 on  n'en  achete  la  permiflîon  au  
 poids  de  l'or,  &  fans  cela  il  ne  faut  
 pas  efpcrcr  d'eux  la moindre  grace  
 en  matiere  de  bâtiment  &  de  reparations. 
   
 Il  en  eft  de  même  de  la  perniiillon  
 de  pouvoir  demeurera  Jeruialem  
 &  dans  la  terre  S.  &  d'y  pouvoir  
 vifiter  les  lieux  Saints;  Cela  coûte  
 aux  Religieux  de  plus  groilès  femmes  
 qu'on  ne  pourroit  s'imaginer :  
 &  il  eft  certain  que  fi  le  Roi  d' E - 
 fpagnene  leur  fournilToit de  l'argent,  
 ils  ne  pourroient  pas  fe  .maintenir  
 longtemps  dans  ce  lieu  là.  Ce  Prince  
 envoia  il  y  a  quelques  années  
 un  Procureur  de  Jerulklem  à  Conftantinople  
 ,  que  j'y  vis  encore  du  
 temps  que  j'y  étois.  Il  avoit  ordre,  
 au  cas  qu'il  pût  faire  enforte  que  
 la  garde  du  S.  Sepulcrc  tombât  entre  
 les  mains  des  moines  Latins,  
 d'offrir  trois  cens  mille  ecus,  &  
 même  s'il  voioit  quelque  apparence  
 d'y  reuflîr  ,  de  ne  regarder  pas  à  
 cent  autre  mille.  Mais  on  n'a  pu  
 obtenir  la  chofe,  parce  que  Grecs  
 qui  font  fujets  naturels  du  Grand  
 Seigeur  traverferent  cette  affaire,  
 par  le  moien  d'une  certaine  fomme  
 qu'ils  donnèrent  &  qu'ils  curent  
 beaucoup  de  peine  à  alTembler  ,  à  
 caufe  de  leur  grande  pauvreté.  Ainfi  
 ils  couperent  ,  comme  on  dit,  
 l'herbe  fous  le  pied  aux Latins, &  ils  
 &en:  fi  bien  qu'ils  n'y  a  qu'eux  
 à  prefent  qui  puiflènc  y  dire  la  
 Meffe.  
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