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 168  V  O  Y  A  G  E  au  L  E  V A N T  
 Arrivée  à  
 Scio.  
 Tout  ce  fond  n'efl:  qu'une  montagne  
 haute  &  pierreufe.  Il  dangercufe  
 en  bien  des endroits,  que nous  
 avions  aflez  d'affaire  à  nous  donner  
 de  garde  qu'il  ne  nous  arrivât  quelque  
 malheur,  ce  qui  étoit  d'autant  
 plus  à  craindre  ,  que  la  nuit  nous  
 îlirprit  ,  de  forte  que  nous  fumes  
 contraints  de  hâter  le  pas  afin  de  
 n'arriver  pas  trop  tard  dans  la  
 ville.  
 Nous  y  entrâmes  entre  dix  &  onze  
 heures,  &  nous  logeâmes  cette  
 nuit  dans  la maifon  d'un  Grec,  qui  
 étoit  parent  d'un  de  ceux  que  nous  
 avions  dans  notre compagnie.  Nous  
 y  fumes  receus  d'une  maniere  fort  
 honnête  ,  &  toute  la  nuit  nous  entendimes  
 de  grandes  rejouïilances  
 dans  la  rue  ,  à  danfer  ,  chanter,  
 jouer  &c.  Cela  me  parut  fort furprenant  
 ,  parce  que  ce  n'eft  pas  la  
 coutume  dans  toutes  les  autres villes  
 des Grecs,  de voir ces fortes de licences. 
   Le  lendemain  matin  nous  allâmes  
 chez  le  Vice-conful nommé  Joami  
 de  Campis  ,  qui  tenoit  cette  
 place  fous  le Confulat  de  Smyrne.  Il  
 nous  offrit  fa  maifon  avec  tout  ce  
 dont  nous  pourrions  avoir  affaire.  
 Nous  acceptâmes  l'offre  qu'il  nous  
 faifoit,  &  il  nous  fit  bien  voir  que  
 fa  civilité  ne  confiftoit pas feulement  
 ,en  paroles,  mais  auilî  en  effets,  car  
 tout  le  temps  que  nous  demeurâmes  
 chez  lui  il  eut  e  la  bonté  de me mener  
 voir  tout  ce  qu'il  avoit  de  plus  
 remarquable  tant  dans  la  ville  que  
 dehors.  Cependant  je  trouvai  que  
 les  deux  vaiflèaux  dont  j'ai  parlé  
 étoient  l'un  un  Corfairc  de  Tunis,  
 ou  Tripoli,  &  l'autre  un  vaiffeau  
 marchand  de  Conftantinople,  qui  
 étoient  tous  deux  deftinez  pour  
 Alexandrie.  Il  y  avoit  auffi  dans  le  
 Port  fix  Galeres  &  plufieurs  autres  
 vaiffeaux.  Le  24.  notre  Londre  y  
 entra  auill,  &  nous  en  tirâmes  aulfi  
 tôt  nos  hardes.  
 Dcfcrip.  On  pourroit  avec  raifon  appeller  
 cette  lile  le Paradis  de  toute  la  Greville  
 de ce.  Elle  contient  environ  Cent  
 Scio.  milles  d'Italie  ,  &  eft  éloignée  de  
 l'Afie  de  dix  huit  ,  &  de  Smyrne  
 d'environ  Cent.  On  y  voit  deux  
 grandes  campagnes  dont  l'une  eft  
 au  Nord  &  l'autre  au  Midi  ,  mais  
 cette  derniere  eft  bien  quatre  fois  
 plus  grande  que  l'autre.  Ici  Ion  
 compte  fix  Baronnies  avec  leurs  
 Tours  &  leurs  Fontaines;  elless'etendent  
 du  midi au Couchant,  leurs  
 noms  font  Criva,  Tiatani,  Camucejjato, 
   Criaurijji,  Tloia  &  Feftarcata  
 ;  ce  Ibnt  toutes  des places fort  
 anciennes,  &  la  derniere  eft  belle  
 &  agréable  par  deffus  des  autres.  
 Pour  ce  qui  regarde  la  ville,  qui  
 porte  le  nom  de  l'Ifle,  elle  eftaflèz  
 grande  ,  mais  longue  &  étroite,  
 elle  a  deux  Châteaux,  le  vieux  qui  
 eft  fort  grand,  &  comme une petite  
 ville,  eft  marqué  à  la  lettre  A.  
 Il  n'y  a  que  des  Turcs  qui  y  demeurent  
 ,  &  les  Chrétiens  n'oferoient  
 jamais  y  entrer,  à  eaufe  des  
 foupçons  &  deladeffiancedesTurcs.  
 Le  nouveau  eft  en  bas  fur  le  bord  
 de  la  Mer.  Celui-ci  n'eft  que  médiocrement  
 bâti  ,  de  peu  d'importance  
 ,  &  marqué  à  la  Lettre  B,  
 mais  il  eft  environné  de  beaux  jardins  
 plantez  d'Orangers  ,  de  Citronniers  
 ,  de  Cedres  ,  d'Oliviers,  
 &  de  vignes.  Ils  font  prefque  tous  
 accompagnez  de  Pavillons  en  maniere  
 de  Tours  quarrées,  &  c'eil  
 là  que  les  habitans  de  la  ville  fe  
 retirent  en  temps  de  Pefte.  
 Outre  la  ville,  l'Ifle contient  encore  
 quatrevingt-deux  Bourgs  &  
 villages,  &  entre  autres  deux  nommez  
 Elldta  &  Veffa  ,  où  l'on  apprivoiié  
 les  Perdrix  ,  ce  qui  cft  11-  Perdrix  
 ne  chofe  fort  curieuie  à  voir.  Ces privées,  
 perdrix  font  pendant  le  jour  aux  
 Champs,  &  vivent  parmi celles qui  
 ne  font  point  apprivoifées  ,  mais  
 le  foir  elles  reviennent  aux  villages. 
   Je  me  fuis  laiffé  dire  qu'elles  
 fuivent  les  jeunes  garçons  avec  qui  
 elles  font  accoutumées  ,  comme  
 font  ordinairement  les  chiens  ,  &  
 que  même  elles  volent  quelque  fois  
 du  village  à  la  campagne  pour  aller  
 chercher  ces  jeunes  garçons,  
 qui  ont  chacun  leur  fi filet  pour appeller  
 les  liennes,  &  pour  les  mener  
 paître  à  la  campagne  ,  le  foir  
 elles  reviennent  lors  qu'elles  entendent  
 lefiftlet,  &  elles fe rendent  chacune  
 à  la maifon  oii elles doivent être.  
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