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 lierement  autour  desMofquées,  des  
 ailemens  publics,  qu'ils  appellent  
 en  leur  langue  Adophana,  c'elt  à  dire  
 Unix  de pudeur-,  d'où  vient  cette  
 injure 11 commune parmi eux  Adephis  
 {impudent  ,  ¡ans  honnéur)  Ces  aifcmens  
 font  fort  propres,  car  outre  
 le  foin  que  chacun  prend  de  ne  
 les  point  falir,, &  que  les  Madagi  
 ou  balaieurs  publics les netteient  au  
 moins  tout  les Jeudis,  il y  a  en chaque  
 cellulle  ou  petite  chambre  feparée  
 ,  une  fontaine  qui  coule  toujours  
 ,  ou  aumoins  un  robinet  qui  
 . eft  delliné  aux  necellitez  de  ce  Tahara, 
   ou  de  cette  ablution  particulière. 
   
 11  faut  demeurer  d'accord  qu'il  
 Comme  ils  n'ufent  de  cette  purification  
 qu'après  qu'ils  fe font  bien  lavez  
 dans  le  bain  &  qu'ils  fe font  
 acquittez  de  l'Abdeft,  cela  ne  les  
 occupe  pas  long  temps^  ils ne  font  
 que  fe plonger  trois  fois dans  l'eau,  
 après  quoi  ils  en  fortent &  lailFent  
 la  place  à  un  autre,  ce  qui  continue  
 jufqu'a  ce  que  tous  ceux  que  
 la  nuit  precedente  a  obligez  à  cette  
 ceremonie,  fe  foient  purifiez  de  la  
 même  maniéré.  
 Encore  que  le  nombre  de  ceux  
 qui  fe plongent  dans  cette  cuve  foit  
 fort  grandi  parceque  les perfonnes  
 mariées  à  qui  cet  état permet diverfes  
 chofes  qui  font  defenduè's  aux  
 autres,  y  font  obligées  auffi  bien  
 n  y  a  rien  de  fi  commode  dansuou-  que  ceux  qui  ne  le  font  pas,  on  ne  
 te  l'Europe,  &  qui  en  même  temps  , change  pourtant  pas  l'eau  jufqu'a ce  
 y  fûtplusnecciTaire,  fur tout dans les ; que  tous  y  foient  entrez,  &  qu'en  
 grandes  villes,  pour  y  confcrver  la  fe  plongeant  ils  aient  dit  la  priere  
 propreté  qui  en  devroit  être  le principal  
 ornement.  La  Hollande  feule  
 en a la commodité par l'abondance  
 de  fes eaux.  Mais  comme  cette proÎ 
 )reté  n'eft  pas  d'obligation  entre  
 es  Chrétiens,  on  ne  l'obfervequ'en  
 peu  d'endroits.  On  ne  voit  point  
 dans_  l'Orient  ce  qui  fe  fait,  &  fe  
 fouffre  dans  toutes  nos  villes  ,  je  
 veux  dire  les  murailles  des  Eglifes  
 falies  de  l'urine  &  des  autres  ordure 
 «,  de  ceux  qui  ne  s'en  devroient  
 jamais  approcher  qu'avec  refpeft;  
 &  l'on  n'y  eft  point  contraint  aulïï  
 de  prejudicier  à  fa fanté en  fe  retenant  
 trop  long  temps  de  faire  fes  
 neceiîitez,  faute de  lieux  propres  à  
 le  foulager  de  tels  fardeaux.  
 GounulU.  Les Mahometans  ne  fe contentent  
 pas  de  s'être  lavé  tout  le  corps  dans  
 les  bains  ordinaires,  ils  font  encore  
 obligez,  après  s'être  aquittez  de  
 l'Abdeft  dont  nous  parlerons  tout  à  
 l'heure,  s'il  leur  eft  arrivé  pendant  
 la  nuit  quelque  evacuation  extraordinaire, 
   foit  qu'ils  couchent  feuls  
 ou  en  compagnie,  de  fe  laver  dans  
 un  bain  particulier.  Cette  purification  
 fe  fait  dans  une  cuve  ou  tonne  
 quarrée  que  l'on  emplit  d'eau  tous  
 les  matins  &  que  l'on  vuide  le  foir  
 Cette  cuve, eft  ce  que  les  Anciens  
 appclloient  Lahrum  ouOceanus,  &  
 les  Turcs  la  nomment  Aouz  Gotijli.  
 accoutumée  des  bons  Mufulmans  
 LaïUaiUalU  AUam  dudikka.  Alla  
 Hecber  &c.  Il  n'y  a point  d'autre  
 Dieu,  ô Grand Dieu  Scc.  
 •  La  quatrième  &  dermere  prêpa-Abdefllv  
 ration  des  Turcs  à  la  priere  ,  eft  
 l'Abdeft.  On  s'en  peut  acquitter  
 par  tout  ,  &  même  lors  qu'on  eft  
 quelque  part  où i! n'y  a  point  d'eau;  
 car  on  fe  peut  fervir  d'herbes,  de  
 pierres,  ou  de  terre.  Ils  fc  fontimagmez  
 que  Dieu  ne  voudroit  pas  
 exaucer  leurs  prieres  s'ils  n'avoient  
 auparavant  fatisfait ,  du  moins  autant  
 que  cela  depend  d'eux,  à  cette  
 ablution.  C'eft  pourquoi  ils  ne  bàrilTent  
 jamais  de  Mofquée  ,  fans  
 l'orner  de  quelque  Fontaine,  &  
 quand  le  lieu  n'y  eft pas  propre  ils  
 gagent  un  homme  qui  eft  obligé  de  
 tenir  toujours  quelques  cuves pleines  
 d'eau,  dont  chacun  tire  autant  qu'il  
 en  a befoin  pour  cette  ceremonie.  
 II  faut  aulli  que  je  dife  ici  de  
 quelle  maniéré  les  Turcs  s'acquittent  
 de  l'Abdeft.  Us  fe  tournent  
 premièrement  le  vifage  du  côté  de  
 la Mecque,  &  lavent  trois  fois leurs  
 mains depuis  le  bout  des  doigts  jufqu'au  
 poignet.  Enfuite ils fe  lavent  
 la  bouche  autant  de  fois,  & fe  frottent  
 les  dents  avec  une  petite broflè.  
 Troifiémement  ils  fe  lavent  auffi  
 trois  fois  le  nez,  &  attirent  l'eau  
 dans  
 e n  E  G  Y  P T E ,  SY  R  I E ,  &c.  91  
 dans  leurs  narines.  Quatrièmement  • hors  du  corps,  quand  ils  viennent  
 ils  fe  jettent  avec  les  deux  mains  Ià  vomir,  quand  il  leur  prend  quelpar  
 trois  fois  de  l'eau  au  vifage. jque  débilité  de  cerveau,  qu'ils  rom- 
 Cinquiemcment  ils  fe  lavent  trois  i bent  en  défaillance,  qu'ils  s'cnifois  
 les  bras  depuis  le  poignet  jufqu'au  
 coude  commençant  par  le bras  
 droit  ,  &  achevant  par  le  gauche.  
 Sixièmement  ils  fe frottent  la  tête  
 avec  le pouce  &  le  premier  doigt  de  
 la  main  droite,  depuis  le front jufqu'au  
 fommet.  Septièmement  ils  fe  
 lavent  des mêmes  doigts  les  oreilles  
 par  dedans  &  par  dehors.  Huitièmement  
 ils  fe  lavent  auftl les  pieds  
 trois  fois,  &  cela  depuis  les  orteils  
 jufqu'aux  chevilles,  &  pas  plus  
 haut,  obfervant  encore  que  le pied  
 droit  foit  lavé  le  premier.  Mais  fi  
 vrent,  qu'ils  rient  en  priant  Dieu,  
 qu'ils  embrailcnt  une femme, & qu'- 
 ils  la  touchent  en  quelque  endroit  
 qui  foit  nud  ,  quand  ils  s'endorment  
 pendant  la  prière  &c.  Que  
 fi  même  ce  dernier  amtoit  à  quel  
 qu'un  pendant  qu'on  fait  la  prière, 
   les  autres  qui  fc  font  lavez  &  
 qui  fc  font  préparez  à  la  priere,  fc  
 donneront  bien  garde de  l'eveiller,  
 parce  qu'eji  ce  cas  là  ils  feroienc  
 aufli  fouillez  que  lui.  Il  ne  faut  
 pas  non  plus  qu'un  chien,  ou  quelque  
 autre  animal  impur  les  touche.  
 le  matin  avant  que  d'avoir  mis  leurs | Tous  ces  accidens  rendent  l'Abdeft  
 bas  ils  avoient  lavré.,  leurs  pieds,  i„l_s  ¡¡i-n^u t^il^e^ ^,   &  font ^c^a^u ^le^ ^^q u^e^  celui  qui  
 doit  recommencer  tout  de  nouveau. 
   
 Cette  étroite  obligation  de  fc  laver  
 fi  fouvent  eft  fore  incommode  
 &  ennuieufe  pour  ceux  qui  demeurent  
 dans  des  pais  fees &  éloignez  
 de  l'eau  ,  ou  qui  habitent  un  climat  
 plus  froid  &  plus vers  le  Nord.  Et  
 cela  eft caufe qu'il y a bien des Turcs,  
 principalement  de  ceux  qu'on  appelle  
 Raphefis,  qui  font  des  Heretiques  
 Mahometans  dont  on  trouve  
 un  grand  nombre  dans  la  Syrie  &  
 dans  plufieurs  Provinces  de  l'Afie  
 Mineure  ,  qui  fouhaitteroient  de  
 pouvoir  changer de Religion, & d'en  
 prendre  une  autre  qui  ne  les  obligeât  
 pas  à  tant  d'ablutions  incommodes. 
   
 La  Cinquième  ablution  des Turcs  
 eft  celle  qu'ils  appellent  Eulu  Jamaks  
 ,  ou  ablution  des morts.  Je  
 n'ont  que  faire de  fe déchaufter,  &  
 ils  ne  laiflènt  pas  de  faire  l'Abdeft,  
 en  pafi^ant les  deux  doigts  que  nous  
 avons  dit  le  long  de  leurs  Fapouches. 
 n'en  parlerai  pas  à  prefenc  ,  parce  
 qu'elle  ne  fe  fait  pas  pour  la  priere, 
   &  qu'elle  n'eft én  ufage  qu'après  
  •  
 •  Dieu,  difent  ils,  ne  leur  a  commandé  
 de  laver  qu'une  fois  toutes  
 les  parties  du  corps  que  nous  venons  
 de  dire,  parce  qu'il  ne vouloir  
 pas  trop  charger  l'homme.  Mais  
 Mahomet  plus  rigide Legiilateur  en  
 cela  que  Dieu,  y  en  a  ajouté  deux  
 autres  ,  afin  qu'on  ne  s'y  relâchât  
 point.  L'Abdeft  qui  eft  de  l'Inftitution  
 de  Dieu  s'appelle  Fars,  Se  
 celle  du  Prophète  eft  nommée  Sunnet. 
   
 Il  y  a  au  fujet  de  ces  ablutions  
 quelques  chofes  illicites,  qu'ils  appellent  
 Mefchres  ,  comme  de  le  
 moucher  de  la  main  droite,  de  laver  
 plus  de  trois  fois  quelque  partie  
 ,  de  fe laver  d'eau  qui  auroit  été  
 chauffée  au  Soleil,  &  de  fc  jetter  
 trop  fort  de  l'eau  au  viiage.  Plufieurs  
 autres  chofes  font  perdre  le  
 fruit  de  l'Abdeft,  à  caufe de  quoi il  la  mort  des  Mufulmans.  Ainfi  
 faut  recommencer  fi  l'on  a  manqué  puifque  nous  fommes  venus  à  la  fin  
 en  quelqu'une,  &  quand  même  ils  
 ne  voudroient  pas  faire leur  priere,  
 il  faudroit  pourtant  dans  cette  occafion  
 laver  leurs mains  à  peine  d'être  
 fouillez.  Entre  ces  chofes  l'on  conte  
 quand  ils  fe  déchargent  par  devant  
 ou  par  derriere,  quand  il  leur  
 fort  du  lang  ou  quelque  autre  faleté  
 de  ces préparations,  nous  paflèrons  
 à  la  priere  même,  mais  après  avoir  
 auparavant  dit  quelque  chofe  de  ce  
 que  les Turcs  obfervent  immédiatement  
 devant  que  d'entrer  dans  la  
 Mofquée.  ,  
 Quand  un  bon  Mufulman  a  fatisfait  
 aux  quatre  purifications  que  
 M  2  nous  
 iáí  i»jrr.|!  
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