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 derniers  dans  mon  cabinet,  ils  eft  
 de  plus  de  quarante  toiles  collées  
 l'une  fur  l'autre  «  &  l'on  n'y  remarque  
 pas  la  moindre  pourriture.  
 Ce  côfFre  eft  tout  couvert  d'Idoles,  
 Se  de  figures  hiéroglyphiques  qui  
 font  fur  un plâtre  fort  délié  dont  eft  
 enduite  la  toile  de  dciTus  ,  mais  
 cet  ouvrage  eft  un  peu  gâté,  parce  
 que  le  plâtre  en  eft  tombé  en  divers  
 endroits.  Entre  ces  figures  il  
 y  a  un  petit  compartiment  vers  
 le  bas  ,  large  de  deux  pouces  &  
 long  d'un  pied,  étant  en  face  de  
 la  caiiTe,  où  l'on  voit  reprefentée  
 la  maniere  dont  les  anciens  Egyptiens  
 embaiimoient  les  corps.  Au  
 milieu  de  ce  compartiment  il  y  a  
 une  longue  table  taillée  enforme  
 de  Lion  ,  fur  le  dos  duquel  eft  
 étendu  le  corps  de  celui  qui  doit  
 être  embaumé,  &  auprès  il  y  un  
 homme  qui  tient  un  couteau  dans  
 fa  main  ,  avec  lequel  il  ouvre  le  
 cadavre.  Cet  homme  a  fur  fon  viiàge  
 un  mafque  fait  en  bec  d'eprevier  
 ,  fans  doute  ,  fuivant  la  coutume  
 des  embaumeurs  qui  fefervoient  
 de  cette  forme  de mafques,  afin  de  
 ne  pas  relpirer  le  mauvais  air  
 qui  pouvoir  fortir  de  ces  corps  
 morts  qui  commençoient  à  fe  corrompre  
 ,  comme  c'eft  encore  la  
 coutume  des  medecins  en  Italie  ,  
 qui  dans  un  temps  de  pefte  ne  
 vont  jamais  voir  les  malades  fans  
 avoir  de  tels  mafques  ,  dans  le  
 long  nez  dcfquels  il  y  a  quelque  
 parfums  renfermez.  Je  ne  doute  
 pas  pourtant  que  ce  malque  ne  
 reprefente  la  tête  d'Ofiris  ,  que  
 les  Egyptiens  avoient  accoutumé  
 de  reprcfentcr  avec  une  tête  d'eprevier  
 ,  comme  Anubis  avec  une  
 tête  de  chien,  &  le  Nil  avec  une  
 tête  de  Lion.  Mais  pour  marque  
 plus  afleurée  que  c'cft  un  embaumement  
 ,  on  voit  fous  cette  table  
 quatre  vafes  fans  anfes  ,  qui  
 ne  iàuroient  être  autre  chofe  que  
 des  vaifleaux  où  étoient  les  drogues  
 dont  on  fe  fervoit  pour  embaumer  
 &  pour  defleieher les corps.  
 Des  deux  cotez  de  cette  table  il  
 y  a  plufieurs  perfonnes  tant  affifes  
 que  de  bout  en  diverfes  poftures,  
 &  par  dedans  on  voit  fous  cette  
 couverture  du  cercueil  la  figure  entière  
 d'une  fille  nue  qui  a  les  bras  
 étendus.  Mais  pour  reprendre  
 mon  difcours  ,  après  que  nous  
 eûmes  rompu  ce  cercueil  de  bois  
 à  coups  de  cognée  ,  nous  y  trouvâmes  
 un  corps  entier  ,  diipofé  
 de  cette  forte.  Il  avoit  le  vifage  
 couvert  comme  l'ont  prefque  toutes  
 les  Momies  ,  d'une  efpece  de  
 eafque  de  toile  enduite  de  plâtre  
 ,  fur  lequel  étoit  reprefenté  
 en  or  le  vifage  de  celui  qui  étoit  
 embaumé  ;  mais  quand  nous  en  
 otâmes  ces  linges  ,  nous  ne  trouvâmes  
 aucuns  reftes  de  vifage  ,  car  
 il  s'en  va  ordinairement  en  poudre  
 ,  ce  qui  vient  comme  je  croi  
 de  ce  que  le  vifage  ne  peut-être  fi  
 bien  embaumé  que  les  autres  parties  
 ,  quoi  que  j'aye  pourtant  aporté  
 de  ce  pais  là  une  tête  de  iVJomie  
 à  Pans  ,  qui  s'eft  confervée  
 toute  entiere  ;  mais  auffi  eft-ellc  
 couverte  de  petites  enveloppes  de  
 toile  ,  miles  fi  proprement  qu'elles  
 n'empêchent  pas  de  voir  la  
 forme  des  yeux  ,  du  nez  ,  &  de  
 la  bouche.  Le  refte  du  corps  étoit  
 fort  proprement  emmaillotté  de  petites  
 bandes  de  toile  ,  mais  avec  
 tant  de  tours  &  de  retours  les  nns  
 fur  les  autres,  que  je  croi  qu'elles  
 faifoient  une  longueur  de  plus  de  
 mille  aunes  ,  &  elles  étoient  tellement  
 entre-Iacées  les  unes  dans  
 les  autres  qu'on  ne  les  pourroit  à  
 prefent  imiter.  Il  y  avoit  en  long  
 fur  l'eftomach  une  bande  large  de  
 trois  bons  doits,  &  longued'unbon  
 pied  &  demi,  elle  étoit attachée aux  
 autres  bandes  d'une  maniere  fort  
 ingenieufe  il  y  avoit  fur  cette  
 bande  plufieurs  figures  hieroglypliiques  
 écrites  en  or.  J'avois  efperé  
 de  trouver  dans  ce  cercueil  quelques  
 Idoles  ,  parce  que  je  fçavois  
 bien  que  les  Anciens  Egyptiens  
 avoient  accoutumé  d'en  enterrer  
 plufieurs  avec  leurs  morts  ,  
 tantôt  de  pierre  ,  &  tantôt  de  cuivre  
 ,  ou  de  quelqu'autre  matiere,  
 mais  n'en  voiant  ni  d'une  façon  ni  
 d'autre  ,  je  m'imaginai  que  nous  
 pourrions  trouver  quelque  chofe  
 •  dans  
 en  E G Y P T E ,  SYRIE,  &g;  205  
 dans  la  poitrine :  car  après  que  les  
 Egyptiens  avoient  ouvert  un  corps,  
 &  qu'ilsl'avoientembaumé,  ils  yenfermoient  
 fouvent  des  Idoles  ,  ou  
 au  moins  de  petites  images  qui  les  
 rcprelêntoicnt.  je  fis  donc  rompre  
 la  Momie,  mais  il  ne  s'y  en  trouva  
 pas  plus  dedans  que  dehors.  Auprès  
 de  cette  chambre  où  j'etois  entré  
 avec  peine,  il  y  en  avoit  encore  
 d'autres  avec  de  ièmblables  corps,  
 mais  comme  l'entrée  en  étoit  bouchée  
 , je  me  fis  remonter  en  haut  avcc  
 la  corde  qui  m'avoit  ferviàdefcendre  
 &e.  Je  fus  pourtant  aiTez  
 heureux  ,  ajoute  un  peu  plus  bas  le  
 S.  Thevenot,  pour  trouver  à  acheter  
 dans  le  lieu  même  quelques unes  
 de  ces  Idoles  ou petites images,  que  
 les  Mores  viennent  vendre  aux  
 Francs  dans  la  ville,  elles  font  de  
 plufieurs  fortes,  &  en  diverfes  poftures  
 ,  car  on  en  trouve  qui  font  de  
 Bronze  ,  de  plufieurs  fortes  de  
 pierre,^,  &  d'autres  enfin  de  diver- 
 Ics  fortes  de  terre.  Au  moins  en  
 ai-je  de  toutes  ces  façons,  &  je  fuis  
 afleuré  qu'elles  ont  toutes  été  tirées  
 des Momies.  Peut-être  queleun  dira 
 t-il,  qu'elles  peuvent  être contrefaites  
 ;  mais  cela  n'eft  nullement  
 vrai-femblable  :  car  outre  que  les  
 Mores  n'ont  pas  afl'ez  d'efprit  pour  
 cela  ,  elles  fe  donnent  encore  à  
 fi  bon  marché  qu'on  ne  paye  pas  
 la  matiere  dont  elles  font  faites.  
 Voila  ce  qu'en  dit  le  S'.  Thevenot. 
   
 J'ajouterai  ici  quelque  choie fur le  
 même  fujet  tiré  du S. Melton.  Apres  
 avoir  dit  qu'il  faut  auparavant  
 faire  marché  avec  les  Arabes  du  
 Bourg  de  Sacara  touchant  le  nombre  
 &  la  qualité  des  puits  qu'on  
 i-eut  faire  ouvrir,  auffi  bien  que  
 de  ce  qu'on  leur  doit  donner  pour  
 leur  peine  ,  en  ftipulant  d'eux  que  
 pour  plus  grande  feureté  ils  prendront  
 encore  avec  eux  douze  cavaliers  
 Arabes,  il  ajoute.  
 Puits lies  Le  premier  puits  que  nous  allâmes  
 voir  cft  celui  dés  oifeaux  embaumez. 
   Apres  que  nous  eûmes  
 fut  ranger  à  côté  le  fable  qui  bouchoit  
 l'ouverture  par  où  l'on  defccnd  
 ,  pour  entrer  enfuite  dans  
 Oifeaux  
 einbaumw. 
   
 la  cave  ,  nous  nous  y  fimes  devaler  
 l'un  après  l'autre,  par  le  moyen  
 d'une  double  corde  qui  nous  prenoit  
 fous  les  aiflèlles  :  &  lors  que  
 nous  fûmes  venus  au  fond  ,  &  que  
 chacun  eut  allumé  fon  flambeau  
 &  quelques  morceaux  de  mèche  
 que  nous  avions  pris  avec  nous,  
 nous  entrâmes  en  nous  trainant  fur  
 le  ventre  dans  une  cave  qui  eft  une  
 allée  creufée  dans  le  Roc  environ  
 de  la  hauteur  d'un  homme,  large  
 d'une  braflê,  &  extraordinairemenc  
 longue.  Nous  trouvâmes  encore de  
 côté  &  d'autre  plufieurs  autres  allées  
 ,  creufées  de  même  dans  le  
 Roc  ,  auxquelles  il  y  avoit  plufieurs  
 grandes  chambres,  pleines  de  
 pots  de  terre  cuite  ,  qui  avoient  
 chacun  leur  couvercle  de  même  ,  
 dans  lefqucls  on  confervoit  embaumez  
 des  oifeaux  de  toute  forte  d'efpece  
 ,  il  n'y  avoit  qu'un  oifeau  en  
 chaque  pot.  Nous  y  trouvâmes  
 aufli  des  oeufs  de  poule  qui  étoient  
 tous  entiers,  mais  qui  étoient  vuides  
 ,  &  qui  par  confequent  n'avoient  
 point  de mauvais air.  
 Apres  que  nous  eûmes  vifité  
 cette  cave  a  notre  aife,  nous  nous  
 fimes  retirer  de  la  même  maniere  
 que  nous  étions  defcendus.  Et  
 comme  i nous  avions  auparavant  
 commandé  à  nos  Arabes  d'ouvrir  
 un  autre  puits  qui  fût  encore  vierge  
 ,  c'eft  à  dire  qui  n'euft  encore  
 jamais  été  ouvert  pendant  que  nous  
 vifiterions  celui  des  oifeaux  embaumez  
 ,  nous  n'en  fumes  pas  plutôt  
 fortis  que  nous  trouvâmes  l'autre  
 ouvert  ,  dans  lequel  nous  nous  fimes  
 defcendre  de  la  même  maniere  
 que  nous  avions  fait  dans  le  
 premier  ,  mais  lors  que  nous  fûmes  
 au  fonds,  nous  y  fentimes  une  
 telle  puanteur  que  nous  fumes  obligez  
 de  nous  boucher  le  nez,  mais  
 outre  cela  un  certain  air  renfermé  
 qu'il  y  avoit  ,  non  feulement  éteignit  
 nos  flambeaux,  que nous fûmes  
 obligez  de  rallumer  par  trois  fois,  
 mais  éteignit  aufli nos  meches,  deforte  
 que  nous  nous  fîmes  remonter  
 au  plus  ,vîte  fans  avoir  pû  avancer  
 un  feul  pas.  Tout  ce  que  je  puis  
 dire  de  ce  puits,  c'eft  qu'il  étoïc  
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