204 VOYAGE au L E V A N T
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derniers dans mon cabinet, ils eft
de plus de quarante toiles collées
l'une fur l'autre « & l'on n'y remarque
pas la moindre pourriture.
Ce côfFre eft tout couvert d'Idoles,
Se de figures hiéroglyphiques qui
font fur un plâtre fort délié dont eft
enduite la toile de dciTus , mais
cet ouvrage eft un peu gâté, parce
que le plâtre en eft tombé en divers
endroits. Entre ces figures il
y a un petit compartiment vers
le bas , large de deux pouces &
long d'un pied, étant en face de
la caiiTe, où l'on voit reprefentée
la maniere dont les anciens Egyptiens
embaiimoient les corps. Au
milieu de ce compartiment il y a
une longue table taillée enforme
de Lion , fur le dos duquel eft
étendu le corps de celui qui doit
être embaumé, & auprès il y un
homme qui tient un couteau dans
fa main , avec lequel il ouvre le
cadavre. Cet homme a fur fon viiàge
un mafque fait en bec d'eprevier
, fans doute , fuivant la coutume
des embaumeurs qui fefervoient
de cette forme de mafques, afin de
ne pas relpirer le mauvais air
qui pouvoir fortir de ces corps
morts qui commençoient à fe corrompre
, comme c'eft encore la
coutume des medecins en Italie ,
qui dans un temps de pefte ne
vont jamais voir les malades fans
avoir de tels mafques , dans le
long nez dcfquels il y a quelque
parfums renfermez. Je ne doute
pas pourtant que ce malque ne
reprefente la tête d'Ofiris , que
les Egyptiens avoient accoutumé
de reprcfentcr avec une tête d'eprevier
, comme Anubis avec une
tête de chien, & le Nil avec une
tête de Lion. Mais pour marque
plus afleurée que c'cft un embaumement
, on voit fous cette table
quatre vafes fans anfes , qui
ne iàuroient être autre chofe que
des vaifleaux où étoient les drogues
dont on fe fervoit pour embaumer
& pour defleieher les corps.
Des deux cotez de cette table il
y a plufieurs perfonnes tant affifes
que de bout en diverfes poftures,
& par dedans on voit fous cette
couverture du cercueil la figure entière
d'une fille nue qui a les bras
étendus. Mais pour reprendre
mon difcours , après que nous
eûmes rompu ce cercueil de bois
à coups de cognée , nous y trouvâmes
un corps entier , diipofé
de cette forte. Il avoit le vifage
couvert comme l'ont prefque toutes
les Momies , d'une efpece de
eafque de toile enduite de plâtre
, fur lequel étoit reprefenté
en or le vifage de celui qui étoit
embaumé ; mais quand nous en
otâmes ces linges , nous ne trouvâmes
aucuns reftes de vifage , car
il s'en va ordinairement en poudre
, ce qui vient comme je croi
de ce que le vifage ne peut-être fi
bien embaumé que les autres parties
, quoi que j'aye pourtant aporté
de ce pais là une tête de iVJomie
à Pans , qui s'eft confervée
toute entiere ; mais auffi eft-ellc
couverte de petites enveloppes de
toile , miles fi proprement qu'elles
n'empêchent pas de voir la
forme des yeux , du nez , & de
la bouche. Le refte du corps étoit
fort proprement emmaillotté de petites
bandes de toile , mais avec
tant de tours & de retours les nns
fur les autres, que je croi qu'elles
faifoient une longueur de plus de
mille aunes , & elles étoient tellement
entre-Iacées les unes dans
les autres qu'on ne les pourroit à
prefent imiter. Il y avoit en long
fur l'eftomach une bande large de
trois bons doits, & longued'unbon
pied & demi, elle étoit attachée aux
autres bandes d'une maniere fort
ingenieufe il y avoit fur cette
bande plufieurs figures hieroglypliiques
écrites en or. J'avois efperé
de trouver dans ce cercueil quelques
Idoles , parce que je fçavois
bien que les Anciens Egyptiens
avoient accoutumé d'en enterrer
plufieurs avec leurs morts ,
tantôt de pierre , & tantôt de cuivre
, ou de quelqu'autre matiere,
mais n'en voiant ni d'une façon ni
d'autre , je m'imaginai que nous
pourrions trouver quelque chofe
• dans
en E G Y P T E , SYRIE, &g; 205
dans la poitrine : car après que les
Egyptiens avoient ouvert un corps,
& qu'ilsl'avoientembaumé, ils yenfermoient
fouvent des Idoles , ou
au moins de petites images qui les
rcprelêntoicnt. je fis donc rompre
la Momie, mais il ne s'y en trouva
pas plus dedans que dehors. Auprès
de cette chambre où j'etois entré
avec peine, il y en avoit encore
d'autres avec de ièmblables corps,
mais comme l'entrée en étoit bouchée
, je me fis remonter en haut avcc
la corde qui m'avoit ferviàdefcendre
&e. Je fus pourtant aiTez
heureux , ajoute un peu plus bas le
S. Thevenot, pour trouver à acheter
dans le lieu même quelques unes
de ces Idoles ou petites images, que
les Mores viennent vendre aux
Francs dans la ville, elles font de
plufieurs fortes, & en diverfes poftures
, car on en trouve qui font de
Bronze , de plufieurs fortes de
pierre,^, & d'autres enfin de diver-
Ics fortes de terre. Au moins en
ai-je de toutes ces façons, & je fuis
afleuré qu'elles ont toutes été tirées
des Momies. Peut-être queleun dira
t-il, qu'elles peuvent être contrefaites
; mais cela n'eft nullement
vrai-femblable : car outre que les
Mores n'ont pas afl'ez d'efprit pour
cela , elles fe donnent encore à
fi bon marché qu'on ne paye pas
la matiere dont elles font faites.
Voila ce qu'en dit le S'. Thevenot.
J'ajouterai ici quelque choie fur le
même fujet tiré du S. Melton. Apres
avoir dit qu'il faut auparavant
faire marché avec les Arabes du
Bourg de Sacara touchant le nombre
& la qualité des puits qu'on
i-eut faire ouvrir, auffi bien que
de ce qu'on leur doit donner pour
leur peine , en ftipulant d'eux que
pour plus grande feureté ils prendront
encore avec eux douze cavaliers
Arabes, il ajoute.
Puits lies Le premier puits que nous allâmes
voir cft celui dés oifeaux embaumez.
Apres que nous eûmes
fut ranger à côté le fable qui bouchoit
l'ouverture par où l'on defccnd
, pour entrer enfuite dans
Oifeaux
einbaumw.
la cave , nous nous y fimes devaler
l'un après l'autre, par le moyen
d'une double corde qui nous prenoit
fous les aiflèlles : & lors que
nous fûmes venus au fond , & que
chacun eut allumé fon flambeau
& quelques morceaux de mèche
que nous avions pris avec nous,
nous entrâmes en nous trainant fur
le ventre dans une cave qui eft une
allée creufée dans le Roc environ
de la hauteur d'un homme, large
d'une braflê, & extraordinairemenc
longue. Nous trouvâmes encore de
côté & d'autre plufieurs autres allées
, creufées de même dans le
Roc , auxquelles il y avoit plufieurs
grandes chambres, pleines de
pots de terre cuite , qui avoient
chacun leur couvercle de même ,
dans lefqucls on confervoit embaumez
des oifeaux de toute forte d'efpece
, il n'y avoit qu'un oifeau en
chaque pot. Nous y trouvâmes
aufli des oeufs de poule qui étoient
tous entiers, mais qui étoient vuides
, & qui par confequent n'avoient
point de mauvais air.
Apres que nous eûmes vifité
cette cave a notre aife, nous nous
fimes retirer de la même maniere
que nous étions defcendus. Et
comme i nous avions auparavant
commandé à nos Arabes d'ouvrir
un autre puits qui fût encore vierge
, c'eft à dire qui n'euft encore
jamais été ouvert pendant que nous
vifiterions celui des oifeaux embaumez
, nous n'en fumes pas plutôt
fortis que nous trouvâmes l'autre
ouvert , dans lequel nous nous fimes
defcendre de la même maniere
que nous avions fait dans le
premier , mais lors que nous fûmes
au fonds, nous y fentimes une
telle puanteur que nous fumes obligez
de nous boucher le nez, mais
outre cela un certain air renfermé
qu'il y avoit , non feulement éteignit
nos flambeaux, que nous fûmes
obligez de rallumer par trois fois,
mais éteignit aufli nos meches, deforte
que nous nous fîmes remonter
au plus ,vîte fans avoir pû avancer
un feul pas. Tout ce que je puis
dire de ce puits, c'eft qu'il étoïc
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