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144 VOY AGE au L E V ANT
C H A P I T R E X X V I .
Tarticularite^fur la chafe du (jrand Seigneur. Camps
dont it fe fert dans Us voiages. life deguife quelque fais pour faire oèfnver
un bon ordre. Service de fa Table. Audience au'il donne aux Ambajfadeurs
'De la Ter forme & des Fils du Grand Seigneur. Son Sacre.
Rejpeiî & fidehti des Turcs pour la famille des Ottomans. &c
en E G Y P T E . SYRIE, &c:
COmme il cft bien juilc qu'après
avoir traitté des ptincipalcs
particularitez qui regardent
rhiftoirc des Turcs , nous difions
quelque chofe de leur Prince, c'eft
à cela que j'ai deftiné ce chapitre :
mais je ne rapporterai que ce que
les autres voiageurs ont oublié , ou cc
dont ils n'etoient pas bien informez.
Outre les divertiflcmens du Grand
Seigneur dans fon Serrail, il prend
encore fouvent celui de la Chaflê,
tant celle du Faucon que celle des
Chaire gc- Lcvriers. Tous les ana une fois on
ieitototp"'^''^ "nechaflcgenerale,fe tait tous r o &^ pour
les ans par cet cttet on enferme une etenduc
le Grand de pais de cinq ou lîx journées de
Seigneur- chemin, dans laquelle on ordonne
à tous les habitans des villages &
des Bourgs de fe rendre de tous
les côtez, fans en excepter perfonne.
Par cc moien ils reflerrent infenfiblement
tout le gibier, & lors
qu'il eft réduit dans un très petit
cfpace , l'Empereur fe met au milieu
dans un endroit elevé, & il
prend pUifir à le voir affommer à
coups de bâtons, ce qui n'eft pas
toujours fort aifé , principalement
à l'égard des Sangliers.
Chanèor- La Chaflê ordinaire, & qui fe
dinaire. fait prcfque toutes les femaines,
principalement pendant l'hyver , ;
dure ordinairement depuis le matin
jufqu'au foir. Le Prince accompagné
de fes Veneurs > &c de cinquante
ou foixante Boftangis ou
Oificiers des jardins, donne la chaffe
aux Lièvres, aux Renards, &
aux Loups, ou bien avec le Faucon
il chaflê aux Faifans & aux
Perdrix.
Lors que le Grand Seigneur va
à la campagne il fe fert d'une
efpece de Carroflès qui ont tout Seigneur
autour des Jaloufies ou petits cha f -1" ' »
fis treillilTez, afin que celles de fes™''®"'
femmes qu'il meinc avec lui puiffent
avoir le plaifir de voir tout ce
qui fe paflè au dehors, fans pourtant
qu'elles puiflênt être vues de
perfonne.
Souvent il prend envie au Grand j.r.j
Seigneur de s'en aller deguifé legdfe&v;
long des rués, afin de voir fi ce®'"'" P®
qu'il a ordonné s'execute bien,
au cas qu'il trouve le contraire, ilobferveT
fait fur le champ punir ceux qui^^bonotfont
trouvez en faute, & pour cet
efftt il fe fait fuivre, mais à quelque
diftance, par ceux qui doivent
executer ces fortes de commandemens.
La viande que l'on prefente au serv.cede
Grand Seigneur lui eft fervie par fi. Table
fon Ecuier tranchant dans un plac
tout à la fois. Il eft aflîs à la maniere
des Turcs , & il a devant
foi une riche fervictte brodée, afin
de ne pas gâter fes habits; Il en
a une autre autour du bras, qui
cft de Ja même étoffé & qui lui
ferc à s'eflûier les mains. Les plats
& les aflîettes font de Porcelaine
de la Chine, ou bien de terre ligillée
, qu'on dit être bonne contre
le poifon. Il y en a qui pre-
I tendent qu'on le fert quelque fois
en vaiflèlle d'or , mais j'ai de la
peine i le croire , parce que les
Turcs croyent que c'eft pécher que
de
de manger dans' de l'or ou dans de
l'argent, ce qui cft caufe aufliqu'ils
no fe fervent que de cuillers de
bois. Son breuvage ordinaire eft
le Sorbet parfumé avec un peu
d'ambre gris.
Lors que cc Prince mange dehors
dans quelqu'une de fes maifons
de plaifance, on le fert tou.
jours dans de la Porcelaine , &
l'on pratique la même chofe à l'égard
des Ambaflàdeurs des Princes
étrangers , lors qu'ils font traittez
par le premier Vizir dans la Salle
du Divan, avant que de les mener
à l'Audience du Grand Sei-
1 4 5
val Alezan, fans autre fuite que de
trois valets de pied ; & comme il
n'y avoit perfonne autour de nous
qm y fût venu dans le deiTein qui
nous y avoir amenez, nous le pûmes
regarder tout à notre aife, fans
faire paroitre pourtant que ce fût
notre curiofîté
trouver dans ce
giieur.
Cette Audience eft fort courte ,
Audience je^ Ambaflideurs ne font prefbalfideurs.<
3"^, "Cl autre chofe que de lui
prelèncer leurs Lettres de Creance,
parccque toutes les aftires fe traitrent
avec le Grand Vizir. C'eft
"1 nous eût fait
leu, & nous avions
eu même la précaution de prendre
lur notre tête un Kalpac, ou
faoMec fourré tel que le portent
le Grecs , au lieu que les Francs
vont ordinairement avec des, chapeaux.
Il étoit d'une taille mediocre, de
couleur brune , aiant peu de barbe,
& âgé d'environ quarante ans.
Il etoit alors Pere de deux Fils
qu'il avoit toujours avec, foi tant à'
la chaiTe que dans les autres occafions,
excepté lors qu'il alloit paf,
- ftr le tne-mnipj^sj aavv ec quelqu'une des
ordinairement dans ces occafions , Dames du Serrail. L'aîné étoit âgé
de 1 Audience qu on donne aux de quinze ou feize ans, bien fait
Ambaflàdeurs, que 1 on a accoutu. : & robuftp de corps,, le plus jeune
mè de payer la montre aux fol-', au contraire paroiiroit d\.ne comdats,
afin de faire voir la grandeur plexion plus delicate, mais il étoit
& la puiflànce de l'Empire Otto- ' plus beau man.
D—garçon
3
Pendant que le Grand Seigneur
Jjors qu un nouveau Prince vient „
à la couronne , c'eft la coutume
eft a Table il fe fait un profond qu'il ordonne un certam jour,
filence, qui neft interrompu que auquel il fe fait mener par mu à
par les impertinences & les fots la Mofquée de 'Prup qui eft fituée
difcours des bouffons dont il y a
toujours un aflèz bon nombre à
cette cour, & qui s'efforcent à
l'envi de divertir ce Prince,
u Per- j® :imvé à Conftan-
(onne & tinople^ je n'eus point de plus granlesFils
du de curiofîté que de voir le MotomlSei
narque de ce vafte Empire. Et
voit mieux faire que le Vendredi,
qui eft le Dimanche des Turcs',
parce que ce jour là le Grand Seigneur
—- ^^ piicics OC ce quelcomme
j appris que cela ne fe pou- ques ceremonies, lui ceint l'epée
voir miPlTU faire nui- Iî. • i t, .. . i-^i-v,,
a de coutume d'aller faire
fes Dévotions, j'allai l'attendre accompagné
feulement d'un de mes
amis, auprès de Valider qui cil: une
Mofquée que la Mere de cet
Empereur a fait bâtir,
& où elle
eft enterrée dans une magnifique
Chapelle.
Nous le vîmes pafler tout auprès
de nous, monté fur un beau cher—
à l'extremité de l'intrée du Port.
Auprès de cette Mofquée il y a un
Cloître, & au milieu de ce Cloître
une place élevée qui eft de marbre ,
& appuj^ée fur quelques colonnes
de la même matiere. Lors que le
Prince y cft monté; le Moufti, enfuite
de quelques prieres & de quel-
^ , 1 j
après quoi le Prince avec toute fa
fuite à cheval fait fon entrée à Conftantinople,
continuant fii route jufqu'au
Serrail. Lors qu'il eft à la
porte, chacun met pied à terre,
excepté le Grand Seigneur qui y
entre à cheval, & qui n'en defcend
point que lors qu'i eft arrivé dans
la fécondé cour , dans l'enceinte
de laquelle il n'y a que le Prince
qui ofe paroitre à cheval. Cette
Cérémonie tient à Conftantinople,
la place de ce que nous appellon»
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