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2 0 6 VOYAGE au l e v a n t
bien plus profond que celui où nous Idoles, donc les unes font de bois,
crions dcfcendus auparavant,
Cave avec En fuite nous nous fîmes ouvrir
deux Mo- une autre cave qui n'etoit pas vierge
comme les autres. Quand nous
nous y fûmes fait defccndre nous y
trouvâmes deftx Momies, une grande
& une petite qui étoit d'un enfant
j elles étoient chacune en un
cercueil, celui de la grande étoit de
marbre, & avoit gravé fur la couverture
l'âge de celui pour qui il avoit
été fait; nous fîmes ouvrir les
cercueils, mais nous trouvâmes que
les Momies n'avoient rien d'extraordinaire
, de forte que nous n'en
fîmes pas d'etat, & que jperfonne
Cave ap- "ous ne s'en voulut charger,
gellée l'ii- Apres que nous fûmes fortis de
jJife. ce puits, nous dcfcendimes dans un
autre à qui on avoit donné le nom
d'Egliic; c'etoit la cave la moms profonde
de routes celles que nous avions
vues. Elle ne confîlloit qu'en une
longue allée fous terre qui par dedans
étoit crefpie de plâtre & peinte
par tout de figures hiéroglyphiques
Il y avoir dedans une fi grande
quantité de fable, que nous fumes
obligez tout le temps quenous
y demeurâmes, de nous trainer fur
les genoux.
Dés que les Francs ont vû un de
ces puits, les Arabes les rempliffent
aufli tòt de fable, fi le vent ne le fait
pas lui même, & ce afin d'en tirer
encore de l'argent une autre fois;
Car c'eft là le plus grand gain de
ces miferables , & le moins qu'ils
prennent pour ouvrir un puits vierge
c'eft trente piaftres ; la raifon de
cette cherté eil: que ceux qui les
font ouvrir font en droit de prendre
toutes les raretez & toutes les Momies
qni s'y trouvent.
Figure du Or po""" donner à prefent une
Champ jufte idée de ce Cimetiere ou champ
des Mo-jgj Momies,mies. r il il faut fe reprefent•e r
une fort vafte campagne toute unie
& route couverte de fable, oii il n'y
a ni arbres, ni herbes, ni maifons
ni rien de ièmblable, mais dont la
furface eft toute femée d'os fees, de
bras , de jambes, de pieds, de têtes
, de vieux linges, de cercueils
rompus, & de quantité de petites
les autres de plâtre avec un vernis
de couleur vérte, & marquéçs tant
par devant que par derrière de plufîeurs
figures hiéroglyphiques ; les
Arabes les ont tirées des Momies ,
& en fuite les ont jettées là ne
fachant qu'en faire. Voila ce que
dit Melton.
Au reite il fiiut avertir ici le
Lecteur que depuis le temps de
Melton , il faut que les chofes ayent
bien changé , & que les Arabes
qui ont remarqué par experience
qu'ilsi pouvoient tirer aiîéz d'argent
de ces petites Idoles, fçavent
fort bien les aller vendre au Caire,
comme le S'. Thevenot l'a déjà
remarqué , quoi qu'il foit vrai
pourtant qu'elles n'y Ibnt pas cheres.
Les Francs qui fçavent qu'en
Europe on eft aiTez curieux de ces
bagatelles antiques les achètent toutes,
& enfuite ils les revendent aux
autres. De mon temps il y avoit
un Apoticaire François qui en faifoit
trafic, mais il étoit un peu cher.
J1 étoit alors maitre de trois Momies
dont il y en avoit une, qui n'a voie
jamais été ouverte, j'euiîè bien voulu
l'acheter, mais il n'en demandoic
pas moins de quatre cens Ecus.
On y trouve encore fouvcnt,
continué Melton, de grandes Tables
de pierre gravées de chifres &
de fîgures enigmatiques qui reprefentent
la Chimie & les autres fciences
des Anciens Egyptiens, comme
aufïï des Caraiteres extraordinaires
, qui ne font pas pourtant des
hiéroglyphiques.
Cefont là les reftes de l'orgueil &
de ia vanité des Anciens Egyptiens,
& de triftes preuves que les hommes
font fujets à la mort. Cela faifît
d'horreur ceux qui viennent pour la
premiere fois à ce champ & quand
on regarde avec quelque attention
cette quantité d'os dont il eft fcmé,
on diroit que ce lieu a fervi autrefois
d'un champ de bataille.
On y voit encore quinze Pyrami- py^g^;,
des entre lefquelles il y en a troisdes des
d'une grandeur extraordinaire; & Momies,
qu'il femble que le temps ait voulu
refpcfter, car elles font prcfque entières.
e n E G Y P T E . S Y R I E . &c . 207
ticres, & fans être endommagées ;
Elles ont auffi chacune une ouverture
par oil l'on paflè dans une chambre.
La curiofité qui eft ordinaire
aux Voiageurs, fit que nous entrâmes
dans celle qui eft la plus éloignée
du Bourg & qu'on appelle ordinairement
la Tyramide àe Rhodope.
Nous en trouvâmes l'entrée
plus commode félon mon jugement
que celle des autres que nous avions
vues auparavant, parce que le chemin
par où l'on y entre a fon commencement
plus élevé , mais il eft
bien deux fois auflî profond que celui
des autresPyramides, cependant
comme il n'eft pas roide, il eft bien
plus aifé à pratiquer. Au refte il eft
fi profond que je croi fermement
qu'il va jufqu'aux fondemens. Au
bas de cette defcente nous n.e trouvâmes
point de degrez pour monter,
comme dans les autres Pyramides,
mais feulement la chambre des Sepultures
qui eft fort fpacicufe& fort
élevée, fa voûte n'etoit pas piatte
mais elle montoit de biais & fîniffbit
en pointe. Nous ne trouvâmes
pourtant point de tombeau dans
cette chambre, peut-être parce qu'-
on n'y avoit jamais enterré perfonne,
ou que s'il y en avoit eu, le tombeau
étoit ruiné & avoit été rompu.
Cette Pyramide eft bâtie en maniere
de pavillon, & c'eft lefentiment
des Chretiens que c'a été une fameufe
Coumfanne nommée Rhodope qui
l'a fait bâtir de l'argent qu'elle avoit
gagné à fe proftituer. Mais fans
doute qu'ils fc trompent, au moins
fi ce que Pline dit eft vrai, que la
Pyramide de Rhodope étoit petit
e , mais fort belle, ce qui ne peut
convenir à celle-ci, qui efi: une des
plus grandes de l'Egypte. Pour ce
qui eft des autres plus petites qui
font dans ce même champ, le
temps les a prefque entièrement ruinées,
car ce ne, font à prefent que
des monceaux de fiible qui n'ont
plus que la forme de ce qu'elles ont
été autrefois.
File de On voit aufli là une groflè pile
^hai-aon, quarrée de grandes pierres de taille,
les Arabes l'appellent Miizeîibet
Fartioun , fin- laquelle il difent que
montoient les Pharaons Rois d'Egypte
, lors qu'ils vouloient donner
quelque nouvelle loi à leurs fujets.
Tout ce que nous venons de dire
eft encore tiré de Melton.
L'exaft M'. Thevenot a parlé plus
claircment, & a mieux circonftanciédeiaPy,;,.
ce qu'il a dit de cette Pyramide, mide de
quoi qu'il ne fe foit pas tant étendu
fur les deux autres, les pafTant fous
fîlence de même que le refte. On
pourra trouver auffi quelque différence
entre ces deux voiageurs fur
d'autres particularitez; je ne fcaipas
à quoi l'attribuer, & moins encore
dois-je entreprendre de les concilier
enfemble, puis que n'aiant pas été
fur le heu , mes yeux n'ont pû
m'apprendre le jugement qu'on en
doit faire.
Il y a , dit il, dans ce champplufîeurs
Pyramides qui s'etcndenc de
côté & d'autre à l'eloignement dequelques
milles pas ; mais comme
elles ne font pas fort confiderables,
je ne parlerai que d'une qui eft fort
belle, & qui eft éloignée d'environ une
demie lieuë de l'endroit oii nous
avions fait ouvrir un Puits ; fi cette
Pyramide avoit été achevée, elle ne
cederoïc point en beauté à celle
dont nous avons déjà parlé. Nous
montâmes deffus avant que d'entrer
dedans , & nous contâmes cent
quarante huit degrez de fort grandes
pierres , tels que font ceux de la
plus grande Pyramide; La piatteforme
qui eft au haut n'eft pas unie,
les pierres y étant pofées fans aucun
ordre, d'oii il eft aifé de juger qu'-
elle n'a point été achevée, ¿cependant
elle eil beaucoup plus ancienne
que les autres comme il paroît
par les pierres qui font toutes mangées
, & qui s'en vont pour ainfi
dire en poudre. Elle a de chaque
côté fix cens quarante trois pieds,
& fon entrée qui eft environ la quatrième
partie de fa hauteur, eft au
Nord de même qu'aux autres. Du
côté d'Orient cette entrée a trois
cens leize pieds, & par confcqiient
à celui d'Occident elle en a trois
cens vingt fept. Il n'y a qu'un feul
chemin large de trois pieds & demi
, & haut de quatre , \ il va en
deftf