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 apres  que  nous  ¡fûmes  arrivez  à  
 Smyrne.  
 Pendant  le  féjour  que  nous  fîmes  
 à  Micene  ,  je  tâchai  de  m'informer  
 de  quelques  Prêtres  Grecs,  fi  je  ne  
 pourrois  point  recouvrer  quelques  
 antiquitez  par  leur  moïen.  Et  m'etant  
 addrefl'é  à  l'un  d'eux,  il  me  dit  
 qu'il  avoit  caché  en  terre  à  Delos  
 une  ftatuë  laquelle  il  gardoit  depuis  
 quatre  ans,  &  ajouta  que  fi  j'avois  
 envie  de  l'aller  voir,  &  de  mener  
 avec  moi  du  monde  de  notre  vaiffcau  
 pour  la  déterrer,  il  me  conduiroit  
 fur  le  lieu  où  elle  ctoit.  J'en  
 allai  auiîi  tôt  mformer  le  Commandant. 
   Je  pris  donc  quelques  matelots  
 avec  moi,  &je  trouvai  que  c'etoit  
 une  ilatuë  de  femme  un  peu  
 moins  grande  que  Nature.  C'etoit  
 un  bas-relief  fur  une  grande  pierre,  
 &  d'une  aflez  bonne  main  ;  mais  elle  
 étoit  un  peu  gâtée  en  quelques  
 endroits.  Nous  convinmes  du  prix,  
 &  nous  l'achetâmes  pour  notre  
 Commandant  qui  la  voulut  porter  
 en  Hollande.  Nous  la  laiflàraes  là,  
 après  l'avoir  tirée  hors  de  terre,  à  
 deßein  de  la  faire  bientôt  enfuitte  
 porter  dans  nôtre  Chalouppe.  Ce- 
 De mêlé pendant  tandis  que  nous  nous  en  
 entre  le étions  allez  il  y  vint  des  gens  avec  
 da°MMTn- la .chalouppe  du  Capitaine  Theodore  
 &  1ère  Verbürg,  qui  étoit  un  J e  ceux  
 Pilote,  au qui  alloient  à  Smyrne.  Ces  gens  
 üeStatlir  trouvé  notre  ftatuë  comme  
 '  nous  l'avions  laiilee,  &  s'imaginant  
 avoir  fait  une  heureufe  rencontre,  
 prirent  auiTi  tot  conferì  entre  eux,  
 &  fe  mirent  en  devoir  de  la  porter  
 fur  le  bord  de  la  mer  pour  la  mettre  
 enfuite  fur  leur  vaiilèau.  Les  nôtres  
 à  leur  retour  trouvèrent  ceux  ci  dans  
 cet  exercice,  fur  quoi  notre  lieutenant  
 leur  fît  connoitre  l'ordre  qu'il  
 avoit  du  Commandant  ;  mais  fans  
 y  avoir  [égard,  ils  voulurent  porter  
 la  Satuë  à  leur  bord,  &  notre  lieutenant  
 fut  fi  fimple  que  de  le  leur  
 permettre  quoi  qu'il  lui  fût  aifé  de  
 es  en  empêcher.  Le  Commandant  
 fort  mal  fatisfait,  envoia  uicontinent  
 au  Capir^'ne  du  Vaifleau,  
 pour  le  prier  de  rendre  la  flatuë,  &  
 pour  lui  reprefenter  que  l'aiant  achetée, 
   elle  lui  appartenoit.  Le  Capitaine  
 repondit  que  fes  gens  l'avoient  
 trouvée,  &  qu'il  pretendoit  la  garder. 
   
 Auili  tôt  le  Commandant  y  renvoia  
 avec  ordre  de  dire  au  Capitaine  
 que  s'il  ne  l'en  vouloir  pas  croire  
 il  lui  envoieroit  à  fon  bord  le  
 Prêtre  même  de qui il  l'avoir  achetée,  
 Uvec  des  témoins  s'il  croit  neccflàire, 
   &  qu'en  tout  cas il vouloir  qu'on  
 la  lui  rendit.  Le  Capitaine  aufli  
 fier  qu'auparavant  fit  dire  au  Commandant  
 que  s'il  la  vouloir  avoir,  il  
 falloir  qu'il  vint , lui  même  la  faire  
 enlever  de  fon  bord.  Le  matin  
 donc-  on  leva  l'ancre,  &  quand  on  
 fut  bord  à  bord,  on  fit  encore  la  
 même  demande,  à  quoi  le  Capitaine  
 fans  fortir  de  fa  cajutte,  ne  réjondit  
 autre  chofe  finon,  puifque  
 e  Commandant  veut  avoir  fa  ftatuë,  
 qu'il  fafle  donc  ouvrir  l'écoutille,  &  
 qu'il  la  tire  dehors.  On  le  fit  aufli  
 tôt,  &  la  ftatuë  fut  enlevée,  enfuite  
 de  quoi  on  retourna  à  fon  bord.  
 Voila  ce  qui  fe  paflTa  alors,  je  ne  
 fcai  pas  comment  depuis  cela  la  
 chofe  aura  été  prife  en  Hollande.  
 Le  14.  du  même  mois  après  midi  
 l'on  mit  le  pavillon  bleu  pour  figne  
 qu'il  falloir  partir,  &  après  avoir  tiré  
 un  coup  de  Canon  on  fé  mit  à la  
 Voile.  Le  matin  fuivant  nous  nous  
 trouvâmes  au  deiTous  de  l'Ifle  de  
 Chio  fans  pouvoir  avancer.  Le  17.  Sci  
 nous  paiTames  les  liles  de  Chio  &  Ipi«".  
 d'Ipfera,  &  le  vent  fe  renforça  tellement  
 le  matin  ,  que  l'apres  midi  
 nous  mouillâmes  au  Fort  qui  eft  à  Arrivée  
 l'entrée  du  Golphe  de  Smyrne  où^-®"!'™'  
 en  arrivant  nous  vîmes  l'Amiral  de  
 Venife  avec  cinq  autres  vaifleaux  de  
 guerre,  qui  etoient  à  l'ancre  derrière  
 la  premiere  Ifle.  Ils  attendoient  
 deux  vaifleaux  marchands  du  
 même  lieu  qui  étoient  devant  Smyrne  
 prêts  à  faire  voile,  &  qui  en  
 partirent  le  lendemain  à  la  pointe  
 du jour.  Les Vaifleaux de guerre  font  
 éloignez  du  Fort  à  la  diftance  d'un  
 bon coup de Canon,  pour etre hors de  
 l'infulte  des  Turcs.  Le  fort  eft  bien  
 éloigné  de  la  Ville  de  deux  bonnes  
 heures,  comme  on  peut voir dans  k  
 taille douce  que nous avons jointe  ici,  
 où  le  Fore  eft  marqué  i.  lia  été  tiré  
 en  
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