il'S
ì
l i !
44- V O Y A G E au L E V A N T
Les Boftangis ou autres Officiers qui s'il l'emporte fur les autres Palais •
les rencontrent par hazard en leur j ce n'cft que par la vafte étendue de fon
chemin font obligez de fe tirer auf- .circuit , & par la fituation qui le
fi tôt à l'écart , & de fe tourner le jdoit faire palfer aileurcmentpourun
vifage vers la terre , afin qu'on ne des plus beaux endroits du monde.
puiffe pas dire qu'aucun homme ait
jamais regardé la moindre des Sultanes
du Grand Serrail, pendant
qu'elle y a demeuré. Ce privilège
n'appartient qu'au Grand Seigneur,
qui n'en fut part à perfonne, fi ce
n'eft que quand il veut faire l'honneur
à quelque Baífaj ou à quelque
autre qui lui a rendu d'importans
fervices , il permet qu'on tire du
Serrail une des Sultanes dont il ne
fe fert plus, & qu'on la lui donne en
Mariage.
Il eft aifé de comprendre parce
que j'ai dit ci-deifus, que le Serrail
eft une presqu'ifle , deux des cotez
de la quelle font environnez des
eaux de la Mer; Mais au refte il eft
environné tout au tour d'une muraille
unie, flanquée de plufieursTours
tant rondes que quarrées qui font
aiTez près les unes des autres. On
fait garde la nuit fur la plus part de
ces Tours, & ce font les Aadgomoglans
ou Enfans de Tribut qu'on y
emploie, quand on ne les juge pas
capables d'autres emplois plus
confiderables. C'eft afin qu'ils
prennent garde aux 'dereiglemens
qui pourroient arriver au dedans ou
au dehors du Serrail, auifi bien qu'-
au feu qui caufe fouvent de grands
embrafemens à Conftantinople.
Dans cette enceinte de murailles
font compris non feulement les Bàtimens
du Palais, mais auflî les Jardins
au milieu defquels font les Bâtimens
fur la place la plus elevée du
Tromontoire ou Tefte, appellée autrefois
comme nous avons dit le Coteau
de S. 'Demetrius.
Mais il ne faut pas s'imaginer que
les Jardins du Serrail foient à comparer
à ceux de nos maifons Roiales,
ni même à quelques maifons de plaifance
de plufieurs Particuliers en
Europe j ni que leurs Bâtiraens aient
rien qui approche de ceux qu'on
voit ailleurs parmi les Chrétiens.
Tout le dehors du Palais Imperial
n'a rien de beau ni de régulier, &
Les Jardins y font plantez fans aucun
ordre de quantité de Cypres &
d'autres arbres toujours verds, afin
que de Galata ni des autres endroits
qui font plus elevez que le Serrail,
on ne puiife pas voir les Sultanes
lors qu'elles fe promenent.
Pour ce qui regarde les bâtimens
qui compoient le corps du
Serrail 1 on n'y a obfervé aucune régularité
d'architefture , ni aucune
fymmetric. Ce n'eft qu'un fimple
amas de maifons inégales toutes féparées
les unes des autres en maniéré
de Pavillons , appuiez pour la
plus part fur de grandes arcades :
Au bas & à côté font les Offices &
les appartemens des Officiers , cat
pour le haut il n'eft que pour les
Sultanes.
A l'Egard des premiers , qui ne
font pas plus elevez que la terre ,
on y peut venir librement fans rien
hazarder, par ce qu'ils ne font occupez
que par des ferviteurs : Mais
pour ce qui eft du haut dans lequel
les SuJtanes fe tiennent, il n'y a que
le Grand Seigneur & les Eunuques
qui y puiflênt entrer, & par confêquent
, il eft impoffible d'en donner
aucune defcription, vu que c'eft
un crime capital d'y jetter feulement
la vue , & que de le vouloir
•egarder par curiofité , c'en feroit
un qui fe pourroit a peine expier par
la mort.
Ce Serrail a plufieurs portes ,
dont la principale qui eft du côté de
la ville, vis à vis S. Sophie eft continuellement
gardée par quantité de
qui y font-la garde. Les autres
ne s'ouvrent que pour le Grand
Seigneur , & pour quelques Miniftres
qui ont leur demeure dans le
Palais.
Il y a le long des murailles fur le
bord de la Mer un petit Quai, ou
perfonne n'oferoit mettre le pied ,
à moins que d'être bien loin du Serrai'
'
Sur ce Quai vis a vis de Galata il j^^^«»»
y
e n E G Y P T E , S Y R I E , &c.
ceda y ^ " " A'/í</¿í'oumaifondepIaifan-
Graiirf ce qui n'eft pas fort elevée de terre,
Seijineur, La ftruiture en eft fort bien entenfialata!
' ^ couverture eft foutenuë
par quelques Pilliers de Marbre.
C'eft à que le Grand Seigneur
vient fouvent pour prendre l'air, &
c'eft de là auffi qu'il entre dans fa
Gahotte quand il veut fe divertir fur
l'eau.
Mais lors que ce Prince ou quel
qu'une des Dames font fur ce kiofke
ou dans leurs barques pour fe divertir,
il ne faut pas qu'aucun vaiffeau
fe voie là autour , ils fe doivent
tenir bien loin, & hors de la
vue de ceux qui fe promènent
C'ell aulli l'endroit où le Capitaine
Baflà reçoit fes ordres , lors
qu'il doit fortir en Mer avec les Galères.
De_ l'autre côté du Serrail qui eft
auffi fur la Mer , mais en allant vers
les fept Tours, on voit un femblable
Kioské ou maifon de plaifir qui
ne diffère de l'autre qu'en ce qu'il
eft un peu plus elevé de terre.
Outre ces maifons de plaifance»,
le Grand Seigneur fe divertit fort
fouvent à fe promener le long des
allées de Cyprès dont les Jardins
font plantez , en la compagnie de
quelqu'une des Belles qui font en
fermées dans le Palais , & qui à
trouvé le moien d'entrer alTez avant
dans fes bojines graces.
Encore que le bâtiment n'ait
rien de confidérable pour ce qui regarde
l'Architedture, comme nous
l'avons déjà remarqué, neantmoins
s'il en faut croire ceux qui y font en
trez aulTi avant qu'ils ont pû, il eft
bien compofé de plufieurs belles
chambres , entre lefquelles la plus
remarquable eft celle ou l'on reçoit
les AmbalTadeurs.
Les Ecuries ne font pas moins
belles, & les harnois des chevaux
font fi^ riches qu'on auroit de la
peine à faire voir rien qui en approche.
Mais pour ce qui eft de l'appartement
des Femmes, qui eft deftiné
aux plaifirs du Grand Seigneur,
on n'en fauroit parler qu'avecla derniere
incertitude, non plus quede
45
tout ce qui s'y pallê, & nous en a-
.vons déjà dit la raifon,
Tout ce qu'on en fçait de plus
certain , c'eft que les Dames y
tiennent toutes un même rang ; finon
que la premiere qui donne un
Enfant mâle au Prince eft reconnue
pour Imperatrice, & cet enfanteft
celui qui fuccede à l'Empire de fon
Pere. Tous les autres enfans tant Particu
de l'un que de l'autre iéxe''"";^
font élevez d'une maniere quiL'tecC
répond à leur naiflance. • Que fi oil à
s'il arrive que ce premier vien- l'Empi
'
ne à mourir, celui qui le fuit en ordre
&c.
vient en fa place, & fa Mere eft
elevée à la dignité d'Imperatrice, au
lieu que la premiere eft renfermée
dans le vieux Serrali. Les Freres
du jeune Pr ince, qu'on faiibit mourir
autrefois par une barbare Politique,
afin que leur frere pût regner
avec plus de feureté, font condamnez
aujourd'hui à une prifon perpétuelle,
& l'on les tient toujours enfermez.
La Mere de Mahomet IV. qui
eft à prefent Empereur fut obligée
de donner caution à l'Aga desjaniffaires
, que les deux freres de ce
Prince, qui étoient nez d'une autre
femme ne feroient point etranglez,
afin que fi le Sultan venoit à mourir
fans avoir laifle d'enfans , il pû y
avoir pourtant quelque légitime fucceifeur
, parce qu'autrement on
tient que la Couronne feroit echuë
au Cham des Tartares.
Les proches parentes de l'Empereur
, comme fes Tantes , fes
Soeurs, & fes Filles tiennent pareillement
le rang de Princeifes dans le
Palais, & dans de certaines occafions
on les donne en mariage aux
principaux Miniftres de la Porte.
Lors que le Grand Seigneur vient
à mourir, il faut que toutes les Dames
fortent du Serrail, à la referve
de l'Imperatrice Mere du nouveau
Prince , & l'on remplit auiïïtôt le
Serrail de toutes les p us belles perfonnes
qui fe trouvent, & qu'on envoie
de tous les endroits de l'Empire.
Les autres font renfermées
dans le vieux Serrail, mais on laifle
leurs enfans dans celui du Grand
F 3 Seii
Í iK
' <»11