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 202  VOYAGE  au  L E V A N T  
 C h a p i t r e  XXXVII.  
 T>efcrîptm  des  cayes Jous  terre  en  Egypte  aux  etmronsdu  
 Bourg  Sac ara y  du  Champ  des  Momies,  &  4e  la  Tvramide  de  Rhodope  
 Refies  de  la. Ville  de  Memphis.  ^  
 kUelque  envie  que  j'eulîè  d'al- 
 ,1er  voir  le  champ  des  Momies  
 qui  eft  à  fept  lieues  du  Caire  
 ,  je  ne  pouvois  pas  honnêtement  
 exiger  de  la  civilité  du  Confuí  
 de  ni'accompagner  avec  toute  
 Q Í  
 fa  fuite,  &  de  s'engager  avec  moi  
 au  danger  qu'il  pouvoir  y  avoir  en  
 ce  voiage.  Auffi  me  deconfeilla-t-il  
 autant  qu'il  put  de  m'y  expofer  
 avec  ¡es  peribnnes  que  j'avois  louées; 
   deforte  que  je  ne  pus  contenter  
 l'envie  que  j'avois  d'aller  viliter  
 ce lieu.  
 Afin  de  repondre  pourtant  en  
 quelque  maniere  à  l'attente  du  Lefteur  
 ,  qui  dans  un  voiage  d'Egypte  
 ne  doute  pas  qu'il  ne  doive  
 trouver  quelque  chofe  touchant  
 les  momies  ,  j'iniererai  ici  ce  que  
 d'autres  en  diiênt  ,  car  entre  les  
 chofes  dignes  de  remarque  qui  fe  
 trouvent  tant  dans  la  ville  du  Caire  
 Caves  fous qu'aux  environs,  &  même  à  queltcrie. 
   ques  milles  de  là,  les  Catacombes  
 eu  Sepulcres  fous  terre  font  une  des  
 plus  confiderables  &  dignes  delà  recherche  
 des  curieux.  C'eft  fur  ces  
 caves  foufterraines  que  la  ville  de  
 Memphis  &  plufieurs  autres  lieux  
 des  environs  étoient  bâtis,  comme  
 fur  autant  de  voûtes  ,  comme  les  
 Anciens l'ont  écrit;& ces  cavespailênt  
 de  beaucoup  en  grandeur & en  beauté  
 les  Catacombes  qu'on  trouve  à  
 Rome.  
 Les  Anciens  Egyptiens  qui  foutcnoient  
 la  Metempfycofe,  c'eft à dire  
 le pafiâge  des  ames  d'un  corps en  un  
 autre  ,  avoieiit  un  grand  foin  non  
 lèulement  de  bien  embaumer  leurs  
 corps  morts,  afin  de  les  garentir  de  
 la  pourriture  &  de  la  corruption,  
 mais  ils  táchoient  outre  cela  de  le  
 faire  par  le  choix  du  lieu  où  ils  les  
 vouloient  enterrer,  après donc  avoir  
 pris  toutes  fortes  de  precautions  
 contre  l'altération  qui  leur  pouvoir  
 arriver  par  les  injures  de  l'air  ,  de  
 l'eau  ,  du  feu  ,  &  de  la  longueur  
 du  temps  ,  ils mettoient  leurs  corps  
 morts  non  dans  des  endroits  où  les  
 debordemens  du  Nil  pouvoient  aller  
 ,  ni  dans  des  campagnes  découvertes, 
   mais  ou  dans des Pyramides  
 d'une eternelle  durée, ou dans des  
 caves  fous  terraines  bâties  de  pierres  
 avec  un  grand  travail  ,  ou  enfin  
 dans  des  grottes  taillées  dans le  Roc  
 meme,  à  quoi  le  terrain  du  Caire  
 &  des  environs  fe  trouva  très  propre  
 ,  parce  que  ce  n'eft  qu'un  tocher  
 qui  eft  caché  fous  l'epaiiTeuid'environ  
 un  pied  &  demi  de  fable. 
   Les  lieux  où  l'on  entcrroit  
 étoient  donc  des  caves  fous-terraines  
 partagées  en  plufieurs  apartemens  
 voûtez  comme  de  grandes  
 falles,  &  avec  tant  de  detours  qui  
 alloient  les  uns  dans  les  autres  qu'- 
 ils  reifcmbloient  à  de  vrais  Labyrinthes. 
   
 Il  
 y  avoit  au  rapport  des  Anciens  
 Egyptiens  une  fi  grande  
 quantité  de  ces  appartemens  fousterrains  
 ,  qui  aboutiiToient  les  uns  
 aux  autres  ,  qu'ils  s'etendoicnt  à  
 quelques  milles  loin,  &  meme  juf  
 qu'au  Temple  d'Ammon  &  à  l'Oracle  
 de  Seraphis  ,  ce  qui  étoit  
 d'une  grande  commodité  aux  Prêtres, 
   qui  pouvoients'enrre-communiqucr, 
   &  aller  les  uns  chezlesautres  
 lins  être  brûlez  par  les  
 ardeurs  du  Soleil,  ou  incommodez  
 par  les  fables.  De  forte  que  toutes  
 ces  grandes  campagj-.es  làblonneuiès  
 de  l'Egypte  éroicnt  creufes  
 par  
 en  E G Y P T E ,  S Y  R I E ,  &c.  203  
 par  deflbus  ,  &  partagées  en  une  
 infinité  d'appartemens  &  de  lieux  
 à  mettre  les  corps.  Cela  paroît  
 lùrprcnant  Se  meme  incroyable,  
 mais  ceux  qui  prendront  garde  
 aux  autres  ouvrages  prodigieux  
 des  Egyptiens,  &  qui  fe  voudront  
 donner  la  peine  de  faire  reflexion  
 fur  ce  que  les  Anciens  Hiftoriens  
 ont  écrit  de  la  grande  &  très  ancienne  
 ville  de  Memphis,  &  de  la  
 multitude  prefque  infinie  de  ce  
 peuple  ,  ne  trouveront  point  cela  
 impoilible.  Outre  que  les  Auteurs  
 Arabes  difent  que  la  ville  de  Memphis  
 a  eu  autrefois  communication  
 avec  celle  d'Heliopolis  par  un  
 chemin  foufterrain  ,  &  même  qui  
 pallbit par deflbus le lit du Nil.  
 La  plus  part  des  habitans  du  
 Bourg  de  Sacara  ,  qui  eft  le  plus  
 proche  de  ces  caves  des  Momies  
 ou  corps  embaumez,  à  trois  bonnes  
 heures  des  Pyramides  ,  &  à  
 fept  ou  huit  du  Caire,  gaignoient  
 autrefois  leur  vie  (comme  ils  le  
 font  encore  aujourd'hui  quand  l'occafion  
 s'en  pren fente)  à  creufer  ces  
 caves  fepulerales  &  à  en  tirer  les  
 Momies  ,  parce  que  le  labourage  
 n'eft  pas  capable  de  les entretenir  à  
 cauiè  de  la  fterililé  du  terroir,  & c'eft  
 pour  cela  que  quiconque  a affaire de  
 leur  fervice,  les  peut  fort  aifement  
 employer  pour  quelque  argent  qu'il  
 leur  donne,  foit  à  fe  faire  conduire  
 par  eux  dans  les  caues  qui  font  
 deja  ouvertes,  pour  les  aller  vifit 
 e r ,  foit  pour  en  faire  chercher  &  
 creufer  de  nouvelles  dans  le  fable  
 qui  n'a  point  encore  été  remué.  
 Car  ces  caves  qui  n'ont  jamais  été  
 découvertes  font  tellement  cachées  
 fous  le  fable  qu'il  n'y  a  point  d'Etranger  
 ,  ni  même  d'habitant  du  
 païs  qui  pût  fçavoir  s'il  y  a  des  
 Momies  là  deflùs,  à  prefent  elles  
 n'y  font  pas  fi  près  à  près,  parce  
 que  les  Européens  ont,  de  temps  
 à  autre  ,  tant  fait  ouvrir  de  ces  caves  
 ,  qu'elles  font  devenues  fort  rares. 
   
 On  y  entre  par  une  ouverture  qui  
 cft  en  haut  à  fleur  de  terre,  par  laquelle  
 on  fe  fait  defcendre  comme  
 dans  un  puits,  à  caufe  dequoi  auffi  
 ces  ouvertures  en  portent  le  nom,  
 &  l'on  fe  fcrt  pour  cet  effet  de  cordes  
 ou  d'une  échelle  felon  qu'elles  
 ont  plus  ou  moins  de  profondeur.  
 J e  n'ai  point  eu  ,  comme  j'ai  dit,  
 l'occafion  de  les  aller  voir,  mais  je  
 ne  lailferai  pas  d'en  donner  la  defcription  
 telle  que  nous  l'a  laiffée  le  
 curieux  M'.  Thevenot.  
 Ces  puits,  dit-il,  font  quarrez  ,  Fiom-^  
 bâtis  d'une  bonne  pierre,  &  pleins des Caves  
 de  fable  qu'il  en  faut  faire  tirer. ^  •  
 Nous  defcendimes  dans  celui  qu'on  
 avoit  ouvert  pour  nous  ,  &  nous  
 nous  fervimes  pour  cet  effet  d'une  
 I corde  que  nous  nous  étions  liée  au-  •  
 Jtour  du  corps  ,  &  que  ceux  qui  
 étoient  en  haut  tenoient  ferme.  
 Nous  devalâmes  jufqu'a  la  profondeur  
 d'environ  trois  picqucs  ,  où  
 nous  trouvâmes  le  fond.  Là  nous  
 nous mimes  le  ventre  à  terre &  nous  
 nous  gliflàmes  par  un  trou  ,  parce  
 que  les  Mores  n'avoient  pas  bien  
 ôté  le  fable.  Nous  entrâmes  enfuitte  
 dans  une  petite  chambre  dont  
 les  murailles  &  la  voûte  étoient  de  
 pierre,  &  où  nous  vîmes  trois  ou  
 quatre  corps,  mais  dont  il  n'y  en  
 avoit  qu'un  d'entier,  les autres  étant  
 en  pieces  &  en  morceaux  ,  d'où  il  
 nous  fut  aifé  de  conjefturer  que  ce  
 puits  avoit  été  ouvert  d'autres  fois.  
 Ce  corps  dont  nous  venons  de  parler  
 étoit  extraordinairement  grand  
 &  large  ,  &  étoit  dans  un  cercueil  
 d'un  bois  fort  épais  ,  qui  étoit  très  
 bien  fermé  de  tous  les  côtez.  Ce  
 bois  que  nous  trouvâmes  qui  etoit  
 de  vrai  Sycomore,  qu'on appelle  en  
 Egypte  Figuier  de  Pharaon,  n'etoit  
 point  du  tout  pourri,  &  audi  n'eftil  
 pas',  à  beaucoup  près,  fi  fujet  a  
 fe  pourrir  que  d'autre  bois.  Au  
 deffus  du  coffre  ,  on  voioit  en  
 fculpture  le  vifage  de  celui  qui  
 étoit  enfermé  dedans.  On  trouve  
 auflî  des  cercueils  ou  coffres  qui  
 font  de  pierre,  ou  le  vifage du  mort  
 qu'ils  renferment  cft  pareillement"  
 faille, &  tout  autour quelques  figures  
 hiéroglyphiques.  On  en  voit  encore  
 d'une  troifiéme  forte  ,  qui  font  
 faits  de  plufieurs  toiles  collées  l'une  
 fur  l'autre,  qui  font  auflî  forts  que  
 ceux  de  bois.  J'en  ai  nn  de  ces  
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