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1 4 8 V O Y A G E a u L E V A N T
Chambres, dans chacune defquelles
ils font environ quarante, dans les
unes plus, & dans les autres moins.
Il leur eft libre de fe loger ailleurs
s'ils le fouhaittent , mais ils font
toujours reputez appartenir à une
telle Oiia, tout de même que fi une
Oda étoit une Compagnie ou
une Efcouade.
Ils ont plulicurs Officiers difFercns
, & pour General le Janilfar-
Ago. qui a une grande authorité.
Leur paye eft depuis trois jufqu'à
fix Afpres par jour, & cette paye
^'augmente d'un Afpre à chaque fois
qu'une nouvel Empereur fuccede à
la Couronne , chaque Afpre eft
d'environ trois liards.
Aiapes. Les Arapes qui font encore une
forte de foldats à pied , font fort
anciens, & plus anciens mêmes que
les Janiffaircs, mais comme ce n'etoient
proprement que des Pionniers
, ils ne font pas en grande
eftime.
Gebeois H y cn a encore plufieurs autres
Topig?s&qui appartiennent à l'Infanterie,
autres. comme les Gebegis ou fourbilTeurs
de harnois, les Topidgis OVLC^ILVÌOniers
: mais il fuffit d'avoir parlé des
principaux , paiTons à la Cavalerie
des Turcs.
Les Cavaliers ordinaires font les
Spahis. Spahis, dont le corps eft auffi fort
nombreux , on les paye tous les
deux mois, de même que les gens
de pied, & ils tirent pour leur paye
depuis quinze afpres jufqu'a quarante
par jour, les uns plus les autres
moins , felon qu'ils ont été plus
ou moins au fervice du Grand Seigneur.
Ils font partagez en plufieurs '
Regimens, dont chacun a ion en-!
feigne de différente couleur, & fon [
Capitaine qu'ils appellent Euluc-
Agaft. Ceux-ci font proprement des
Cavaliers à la folde & qui par confequent
font actuellement cn fcrvice.
; ,
Mais il y a encore une autre forte
de Spahis , qui ont au lieu de
la paye ordinaire un Tmar, d'où
aufti ils font appeliez Timar-Spahis.
C'eft comme qui diroit une Commanderie
, dont ils tirent le revenu
, & qui leur eft ordinairement
aiïïgnêe fur les Pais conquis. Ils
font fous le Sangiac bey ou Seigneur
du quartier où eft leur Commandcrie,
aufll demeurent-ils ordinaireftient
auprès de lui, & ils ne font point
obligez d'aller fervir, que lors qu'-
ils font extraordinairement mandez
par le Grand Seigneur, au quel cas
ils font obligez de l'aller aider avec
un certain nombre de Cavaliers,
qui eft-plus ou moins grand
felon le revenu de leur Timar.
Il y a encore entre les Turcs
plufieurs perfonnes d'authorité ,
qu'on peut compter aufli au nombre
des gens de guerre : mais ils
ne font point obligez d'aller â h
guerre à moins que le Grand Seigneur
qui en eft le chef y aille lui
même en perfonne. On les appelle
Moutafarakas, qui eft une certaine
dignité dont il faut avoir été revêtu
avant que d'avoir un Gouvernement.
Encore que le Grand Seigneur
foit obligé de faire de grandes avances
pour l'entretien de ces Charges,
il n'y pert pourtant pas toujours car
c'eft lui qui herite de tous les Ofticiers
qui aiant receu leur payedclui
pendant leur vie viennent à mourir
fans enfans ; & s'ils ne laiflênt que
des Filles, le Grand Seigneur entre
cn partage avec elles comme un Fils,
& prend les deux tiers du bien.
c h a p i -
e n E G Y P T E , S Y R I E , &c.
C h a p i T R E XXVIir.
1 4 9
Entrée triomphante du Cjranà Vizir a Conßantinotle apres
lapùfe de Segrin en Mofco-vie. 'Danger ou fitt expojé le Rendent M'.
Coijers avec fa fuite par l'imprudence de quelques uns de Tes Tiomeili'.
ques. Feu d'Artißce tiré devant le Grand Seigneur à-c.
ENtre les chofes remarquables
que j'ai vues à Conftantinople,
il ne faut pas que j'oublie l'entrée
triomphante du Grand Vizir Kara
Mujlapha Ba^a. C'étoit à fon retour
de Segrin en Mofcovie , laquelle
il avoit prife. Le bruit courut
que le Grand Seigneur même
y ferait prefent, ce qui excita encore
davantage k curiofité du monde.
Monfieur Coijers qui étoit aloçs
Refidcnt de leurs Hautes Puiffances,
mais qui fut peu de temps
après leur ArabaiTadeur à la Porte,
eut envie de fe rendre pour cet
eiFet à Conftantinople avec toute fa
fuite; & comme il me fit demander
fi je voulois être de la partie,
ja me rendis chez lui. Nous partîmes
de Pera environ deux heures
avant le jour, & nous nous arrêtâmes
dans une rue où M", le Refident
avoit fait preparer exprés une
maifon pour lui & pour toute
la fuite, parce que le Grand Vizir
devoir paifer par là.
L'entrée fe fit environ trois heures
avant midi, & il y eut du plaifir
à la voir.
La Cavalerie marchoi't la premiere,
dans un equipage fort divertiffant
& à demi à l'antique. Ils
avoient prefque tous des Cafaqucs
de divcrfes couleurs , & toutes de
fort belle ctofi"e de foye, le reftej
de l'equipage étoit aufli très riche.
Cette diverfité de couleurs
qui étoient entre-mêlées au hazard
faifoit un aiTez bel cflit. L'infanterie
qui étoit pour la plus part
de faniffaires, étoit aufli fort lette,
& avoit un equipage fi extraornpiaite
, que je pris plaifir à en
peindre quelques uns, cequi me fut
ailez aifê, parce qu'ils etoient obligez
de temps en temps de faire halte
à caufe de leur grand nombre.
Mais je pris plaifir fur tout à regarder
un Cuifinier du Grand Seigneur
, qui étoit habillé fort plaifamment
, il étoit tout entouré de
petites babioles d'argent entre mêlées
de fonnettes & de petits utenciles
de cuifine, qui s'entre heurtans
par les mouvemens continuels
de^ fon corps faifoicnt un plaifante
mélodie, qu'il accompagnoit de fes
cris,& de quelques tons de voix extraordinaires.
D'efpace en efpace on portoit
entre les Compagnies diverfes
fortes de chofes, comme les Turbans
& les armes des principaux
Oificiers. Le nombre de tous les
foldats étoit bien eftimê à environ
cinquante mille perfonnes; ce qui
fut caufe qu'il s'ecoula beaucoup
de temps avant que toute cette
fuite fût paflïe. J'y pris un fort
grand plaifir, mais une chofe me
choquoit, c'eft le peu d'ordre qu'-
ils gardoicnt , principalement dans
l'Infanterie ; ils alloient quelque fois
pêle-mêle comme un troupeau de
moutons, i'ans obferver ni rang ni
file , & fans qu'aucun officier les
en reprît : La joye demefurée qu'-
ils avoient de leur viftoire les avoit oanra
rendus tout farouches, & peut-être que courut
qu'elle les auroit empêché d'obéir
aux ordres de leurs Commandans. jïs&wu-
La difcipline dans ces occafions tefafamiln'a
point de.lieu chez les Turcs. jf. • P^r
Mais l'imprudence de quelques ¿"^e^'de
uns des Domeftiqnes de M', le quelques
Refidcnt penfa nous faire acheter „"^'j,'''^®
bien cher le plaifir que nous avi-queT "
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