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V O Y A G E au L E V A N T
dure , puis que cc fameux peintre
nâquic à Urbiii l'an 14.83. Il eft
enterré à Rome dans 1' Eglife qu' on
appelle la Rotonde & quoi qu'il
n'euft que trente lept ans lors qu'il
mourut, il s'etoit acquis une fi grande
reputation dans la •Pemture, qu'-
elle durera dans tous lesfieeles.
L e fçavant Pierre Bembe qui excelloit
dans la Poëfic Latine & Italienne,
fit une Epitaphe à fon hon
neur, qui fe lit encore aujourd' hui
au deffous d'une belle ftatuëdemarbre
qu'on lui a erigée dans cette
Eglife.
Aurefte on ne reçoit aujourd' hui
perfonne dans cette Société , à
moins qu'il ne parle la langue Allemande
ou Flamande.
un zele fans connoiil'ance, d'hommes
Pour mieux inftruire le Lefteur
de tout ce qu'on vient de dire, j'ai
bien voulu ajouter ici une figure de
cette Reprefentation, à laquelle j'ai
ailifté p us de cinquante fois, ellc
eft marquée à la Lettre A.
Pendant la même année je vis la
Proceflion qui va de l'Eglile de la
Minerve à celle de S. Pierre. On y
voioir promener plufieurs grandes figures
en très bel ordre ; Elles etoicnt
toutes fort bien faites, & elles
reprefentoient, autant qu'il m'en
fouvient, la Naiflânce de Jefus
Chrift.
Au deflus on voioit quelque chofe
en maniere d'Aiguille ou de Pyramide,
de la hauteur d'un Palais ordinaire
, toute couverte de cierges
ardens , de clinquant , & d'autres
ornemens , qui faifoient un bel effet
àia vue, & cette machine etoit
de telle grandeur qu'elle pouvoiraifément
patTer par la rue. Tout cet
appareil, à quoi je n' ai rien vii de
femblable dans toutes les autresProceilions,
etoit porté par cent hommes
de travail, & des le lendemain
au matin tout fut rompu & mis en
pieces , parce que ce n'eft pas la
coutume de fe fervir plus d'une fois
de ces fortes d'ouvrages , quelque
bien faits. Se de quelque prix qu'ils
puiffent être.
Combat
de deux
Prooef-
Mais confiderez à ce iujetcequ'-
Sion"^*^ eft capable de produire une pieté
à
defang. cOntre-temps, ou pour mieux dire'
qui dans de femblables occafions
femblent ne fonger qu' a prier
Dieu. Il arriva un jour que deux
Proceffions s'acheminèrent en même
temps vers la montée de Monte-Cavallo.
L'une venoit de la Fontaine
de Treve, & l'autre de la rue appellée
le Cours. Je demeurois alors
au coin de la montée de Monte-Cavallo.
Là je vis ce que la jaloufie Se
r ambition , ou phiftot l'orgueil Se
la vanité font capables de produire.
Pour avoir l'honneur du paifage,
ces deux Proceffions qui ne pouvoient
marcher enfemble à caufequela
rue étoit trop etroite, s'arrêtèrent
longtemps, ne fe voulant point ceder
, 8c fe difputant l'une à 1 autre le
pas avec beaucoup d'aigreur 8c d'animofité.
D'abord ce ne fut qu' un
combat de paroles , qui dura aflez
longtemps fans qu'ils puiTent venir
à aucune rompofition.
Tous les Affiftans attendoient at
fez tranquillement ce qui en pourroit
arriver, quand enfin la conclufion
fut que ces gens mirent à part
la patience &c la devotion qui euffent
dû aller de compagnie avec leur
Proceffion , & que pofledez d'une
maligne envie, ils prirent la Sainte
Croix comme ils l'appellent, cette
Croix qu' ils ont accoutumé de promener
pour en faire un objet d'adoration
, Se qui , s'ils en euiTent
voulu faire un meilleur ufage , les
devoir porter à mediter l'humilité &
la patience des fouffrances de Jefus
Chrift , ils la prirent di-je , 8c s'en
fervirent , ô abominable ufage !
comme de MaiTuë 8c d'arme meurtriere,
dont quatre ou einqperfonnes
furent ii rudement frappées qu'-
elles tombèrent mortes fous ce bois.
Trois ou quatre autres eurent le mef.
me fort, 8c perdant la vie tombèrent
fous les Croix. Cela caufa une
telle allarme devant notre maifon,
que quantité de monde y accourut,
dont quelques uns s'étant jettez au
milieu des eombattans, ils firent tant
par leurs douces paroles 8c leurs exhortations
qu' il fe fit une ceilàtion
I d'armes.
Les Italiens qui font plaifans de
leur
en E G Y P T E . SYRIE, &c. 7
leür naturel Se enclins à la raillerie,, haute Pyramide à I.aquelle ctoienc
fe mocquoient furieufement de cet- j attachées les Armes d'Efpagne avec
te avanrure ) pendant que d'autre I plufieurs autres ornemens, tous de
côté quelques perfonnes d'aage, 8c|matiere combuftible, d'où fortoient
par confequent plus graves Se plus
polees,. I avoient pitié des Femmes
8c des Filles qui audi bien que
les Hommes accompagnoient la
Proceflion parce qu'ils les'voioient
fort allarmées Se fort eiFraiées d'une
avanture fi peu attendue.
Cet orage étant donc en quelque
forte appaifé les femmes fongeoient
à fe retirer, 6c l'on efperoit que les
hommes auffi retourneroient bientôt
en paix chacun chez foi.
Mais il s'elcva bien-tôt un autre
nuage , 8e une nouvelle tempête
commença à eclatter. Car ces deux
Proceffions étant arrivées en même
temps dans l'Eglife de Saint Jean de
Latran un peu après midi , Se les
efprits étant encore extrêmement
aigris , ils recommencèrent bien mil
à gronder, de Ibrte que venant des
paroles aux effets , ils remirent en
uiige les mêmes armes qu'auparavant
, 8c ce fécond combat recommença
à diverlès reprifes, avec tant
d'animofité que le fang en coula
dans l'Eglife. Cela caufa un terrible
defordre, 8c y fit accourir bien
à tous momens quantité de feux.
A l'un des bouts de la Place devant
le Palais du Cardinal Porto-Carrero
il y avoic une ftatuë de Jefus Chrift
quatre fois grande comme nature,
elle n'etoit que de Carton mais extrêmement
du monde. Cependant le Pape
aiant apris avec quelle irreverence 8e
quel fcandale ces Proceffions s'etoient
conduites par deux fois , en fut
fi fenfiblement touché qu'il refufa
tout net de leur donner l'abfolution,
êc il fallut que plufieurs Princes &
d'autres perfonnes de confideration
fe donnaflent bien de la peine avant
que de le pouvoir fléchir.
le repréfentoit comme montant au
Ciel fur une nuë. A l'autre bout
de la Place devant le Palais du Prince
Notre Dame, ou Image de la Vierge
voioit les miracles de ce Saint reprefentez
auprès etoient encore les armes d'Efpagne.
Durant toute cette année là il fe
fait continuellement des Proceflions
de tous les endroits. On en voit
quantité qui fe fouettent fi rudement
le corps nud , que pendant
dans la Place. Quati-e pieds plus
haut il y avoit dés lates mifes en
rond qui fervoient à mettre quantité
que je fus à Rome on me dit que
dés maifons voifînes qui étoient bien
illuminées , 8c tendues de riches tapiflèries.
Pendant que les yeux etoient
agréablement occupez à contempler
toutes ces merveilles, on voioit nne "
infinité de feux s'elaneer en l'air,
qui perçant de divers côtez lesepaiffes
^ plufieurs en etoient morts,
d'artîfice "" P'"® agreable
donné par fpedtacle dans ce beau feu d'Artifice
l^Ambaf- que l'AmbaiTadeur d'Efpagne fit
d'E^- même année. Il confiftoit
gne, en trois pieces qui etoient elevées
bien travaillée , Se elle
Pamphile étoit reprefentée une
, de la même grandeur. Et devant
l'Eglife de Saint Jacques on
fort proprement en couleurs
de noir Se de blanc , Se tout
Toute la place etoit ent
u u r é e d'une barriere pour retenir
le peuple Se l'empêcher d'entrer
de flambeaux allumez, outre ceux
tenebres de la nuit laiilbient derrière
eux de longues traifnées d'etoiles
brillantes. Cela dura l'efpace
d'une groffe heure au grand contentement
des fpeiftateurs. Auffi faut
il que j'avoue que je n'ai jamais rien
vu de ièmblable -, car comme cette
place eft fort longue 8e raifonnablement
large , on peut s'imaginer ai
fément le bel effet que faifoient toutes
ces lumieres.
L'Eglife de Saint Pierre étoit audî
toute illuminée depuis lebasjufqu'au ¿.ji-^jg^
haut, Se même jufqu'a la Croix. qui fe tire
Un autre feu d'artifice digne de la ^^
curiofité 8c de l'admiration des con- château
noiflèurs fe fait ordinairement tous Saint An<
les ans au Château Saint Ange le £=•
fur les trois Fontaines de la Place
Navone. On voioit au milieu une jour de Saint Pierre
Il vient comme
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