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'1* 1 2 V O Y A G E au L E V A N T
de Pouzzol.
comme feroit un homme tout à fait
yvre. Ce lac eft de même nature
que la Grotte, & l'eau bout en plulîeurs
endroits par la grande chaleur
du Souffre. La curioiîté me porta
à rechercher à quelle hauteur le
venin de la grotte s'elevoit bien,
depuis le fond ; & en baillant la
téte je trouvai qu'il ne s'elevoit qu'à
un pied au deflus de la terre.
Mon- De cette grotte on va à la montagne
de tagnc de Souffre , qui jette en deux
SouSre. differens endroits une fort grolle fumée
, mais fans qu'on voye de feu.
Au milieu il y a un grand trou qui
ne s'efb ouvert que depuis environ
trois ans. ,
Antiqui- ^ Quand on vient près de Pouzzol
p^'f on voit un Amphitheatre, & les
ruines du Temple d'Apollon. Un
peu plus loin on voit la Grotte des
Sibylles. Quand on veut l'aller
voir il ne faut pas oublier de fe
pourvoir de flambeaux. Y étant
entré je trouvai qu'elle etoit longue
d'un quart de lieiie au bout
il y avoir une petite chambre,
autour de laquelle étoit un banc de
pierre , & au milieu une efpece de
pied-d'eifal.
En retournant nous allâmes voir
les bains. Ils font naturellement
fort chauds, & cette chaleur fe
communique auffi à toute la terre
d'alentour. Le fable y eft fi brûlant
à la profondeur d'un demi
pied , qu'on n'y fçauroit durer la
main.
Auprès de là fe voient fur la montagne
les ruines du Palais de Néron,
& aflez proche fur le bord de la mer
les reftes du Palais de Jules Cefar.
Auprès cela on vient au temple
de Diane qui efl tout ruiné, à larefcrve
d'un demi rond qu'on voit au
haut & qui eft demeuré en être.
Vis à vis il y a encore upe partie
du Temple d'Apollon , auprès duquel
on voit auiTi la chambre des
Nymphes où Ton fe divertilToit autre
fois à donner des Speftacles.
J'y vis au haut plufieurs figures en
bas-reliefs fort extraordinaires , &
très agreables , parce que l'entrée
s'en eft affcz bien confervée.
On paile enfuitte par devant le
Château de Baye bafti par l'Empereur
Charles-quint, aux environs
duquel on voit cncorc ü 'Fijchie
Mirabili qui eft un Ouvrage de
l'Empereur Néron : C'étoit autrefois
un Vivier, comme il paroit par
le nom , & fon ufage etoit de conferver
l'eau. Il y a encore quarante
huit colomnes de ce bel ouvrage
qui font de bout , & d'ime grofleur
qui palfe l'ordinaire.
Apres cela retournant fur fes pas
on va voir un lieu nommé Centum
celle, les Cent chambres; c'etoit
autrefois la prifon des nobles.
Près de là dans la mer on voit
s'elever de l'eau une partie d'un certain
Temple, dans equel on croit
que Néron fit ouvrir fa Mere.
On y voit dans le même endroit
fur le bord de la mer les reftes d'une
Eglife , qui ne relTemble pas mal à
la Rotonde qui eft à Rome; Elle
fert à prelènt d'Auberge , oii de
maifon où l'on va boire l'excellent
vin de Falerne.
En fuite oh vient au tombeau d'Agrippine
qui mérite d'etre vu. Il
eft orné de quantité de Sculpture &
de bas-reliefs i mais il eft tout noir^
ci ,de fumée, à caufe qu'on ne le
peut aller voir qu'avec des Flambeaux.
On voit affez près de là une Eglife
à peu près femblable à celle dont
nous venons de parler, mais la plus
grande partie eh eft fous Terré.
Plus avant on rencontre la Montagne
Monle-relte, qu'on apelloit cy
devant la montagne dej e fusChrifl-,
à caufe de fa fertilité. On a de là
une fort belle vue fur la mer, &
tout à l'entour il y a quantité de reftes
d'anciens édifices, on voit auffi
hors de l'eau de grandes ruines du
Pont que l'Empereur Caligule fit
bâtir en ce lieu là.
Apres avoir vifité toutes ces àntiquitez
je retournai à Naples avec
ma compagnie. Et le lo. de Mai Etrange
j'allai encore une fois à Sainte Marie aventme
de Capouë,y , . dans le, dcllêin,' com, - teur avec
me j ai des-ja dit, de viliter tous les le Comreftes
d'antiquitez qui s'y trouvent, mandant
Mais il en arriva tout autrement,
car fur les trois heures après midi, Capouc.
celui
e n E G Y P T E , S Y R I E , &c. 13
¡eMÍ
Retour
de Naples,
celui qui commande en ce lieu là,
accompagné de plufieurs Officiers
de Juftice nous vint demander nos
noms, & il les mit par écrit, nous
commandant au -rcfte de demeurer
dans l'hoftellerie où nous étions
jufqu'à un nouvel ordre du Gouverneur
de Capouë, de qui il difoit
avoir ordre de lui donner avis
au pluftoft de tous ceux qui paffoient
par là , ou qui y faifoient
quelque féjour , par ce que le lieu
ctoit un peu éloigné du chemin. La
caufe de cette précaution étoitqu'on
avoit alors la guerre avec les François
, & que la prudence vouloir
qu'on fe tint en garde contre les
eljjions & contre toute forte de furprife.
J'avois pris à Naplesun Paflèportpour
moi & pour mes deux amis: Je
le montrai à ces gens là, mais' ni
notre paflèport, ni toutes les bellesparoles
que nous leur pûmes dire,
ne purent jamiiis obtenir qu'ils
nous permilfent dè'fortir de l'hoftellerie
y au contraire ils nous y tinrent
, pour ainfi dire , aflîégez de
tous cotez. Cependant comme
nous faifions fervir à fouper , on
nous vint dire qu'il fàlloit que nous
allalTions paroître devant le Gouverneur.
Encore qu'il fît des-ja fort
nuit, nous nous montrâmes pourtant
fort obeiifans, dansl'efperancequ'on
nous mettroit aufli tôt en liberté:
Mais quand nous fûmes venus au
bout du Bourg, on nous pria d'entrer
dans une certaine maifon, fous
prétexte qu'il étoit trop tard pour
aller chez e Gouverneur ; qu'il falloir
que nous demeuraftions à la garde
de ceux qui nous conduifoient, &
qu'on ne pouvoir pas nous permettre
de paffer la nuit dans l'hoftellerie
: Nous oppofâmes à cela tout
ce que nous crûmes qlii pouvoit
nous dilpenfer de leur obeïr, mais
ce fut inutilement , & tout ce que
nôtre difgrace eut de tolérable,
c'eft que tout fe pafla fort civilement
) & avec honnêteté. En effet
on ne doutoit pas que nous ne fuffions
d'honnêtes gens , & l'on nous
regardoit comme tels, mais les Ordres
du Gouverneur etoient exprés.
On ouvrit donc une porte à double
grille haute d'environ trois pieds, où
il falloir que nous pailallions en nous
courbant, & en marchant des pieds
& des mains : ce qui penla faire
perdre courage à ma compagnie, &
particulièrement à mon camarade de
voyage qui demeuroit depuis quelques
années avec moi , & qui étoit
un homme fort pole. Voiant qu'il
fe lailToit trop abbatte, ne perdc'z
pas courage, lui dis-je-, nous ne
courons pas rifque d'etre pendus,
& nous en ferons quittes pour paiièr
une mauvaife nuit , au refte je
pallerai de bon coeur le premier
pour vous montrer le chemin. En
difant cela je me courbai & marchant
des mains & des pieds , je paffai
par ce trou , où mes camarades me
fuivirent de la même maniere. Nous
n'y fûmes pas fi tòt entrez , que
nous nous trouvâmes dans- un lieu
làle , &-fi plein de vermine que pendant
toatê la nuit nous ne pûmes
repofer un moment, quoi que nous
euffions fait apporter un lit pour
nous , ainfl nous fouhaittâmes mille
fois que le jour vint. Un peu
après minuit nous entendîmes ouvrir
nôtre prifon où-l'on araenoit
une perfonne qui fefceut bien mieux
accommoder que nous de cette fale
demeure , car il prit auffi tôt une
valize qu'il avoit, & fe l'accommoda
fous la tête comme fe préparant
à dormir fort tranquilement. Voiez,
dis-je à mon camarade , qu'il
n'eft rien tel que de s'accommoder
à tout ce qui nous arrive. La coutume
, me répondit-il, eft une feconde
nature. Ce drôle connoit fans doute
le lieu, & fçait la langue du Pais , &
c'eft pour cela qu'il n'en a pas plus
de chagrin. En effet après avoir
examiné fa mine & la contenance
nous jugeâmes qu'il avoit des-ja été
plus d'une fois dans ce même lieu.
Le lendemain dés qu'il fit aflez grand
jour on nous mit dehors, & l'on
nous mena à Capouë au Logis dtf
Gouverneur , qui eft tout joignant
la prifon. Nous nous tinmes dans
une petite chambre qui eft vis à vis
des cachots de prifonnicrs, de forte
que nous pouvions nous entre re-
B 3 garder
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