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 404  V  o  Y A G  E  
 vingt.  En  im  mot  c'cft  une  chofc  
 très-incommode  &c  très-ennuicufe  j  
 qu'une  perfonne  après  toutes  les  
 fatigues  de  la  navigation,  foit  encore  
 au  l e v a n t  
 fera  renfermé  dans  le  Lazaret,  il  ne  
 lui  eft  pas  permis  d'approcher  de  lui,  
 mais  il  faut  qu'il  en  foit  éloigné  de  
 quelques  pas,  &  c'efl:  pour  cela  qu'- 
 on  lui  donne  toujours  un  garde  qui  
 l'eclaire  de  fort près.  Car  s'il  venoic  
 à  le  toucher,  il  faudroit  qu'il  fit  
 aufll  ià  quarantaine,  qui  ielon  les  
 diverfes  circonftances  ,  eft  allongée  
 ou  accourcie  félon  le  bon  plaifir  de  
 M«.  Les  Dircfteurs  de  la  Maifon  
 de  Santé.  On  fe  fait  apporter  là de  
 la  ville  tous  les  vivres  dont  on  a  befoin. 
 affiijettie  à  cette  mortification.  
 Pour  ce  qui  regarde  cette  maifon  
 de h Ma"  de  Santé,  c'eft  un  bâtiment  toutenfondeSan  
 vironné  d'eau,&  ceint d'une  muraille  
 ;  Il  y  a  pluficurs  appartemens  publics  
 ,  avec  quelques  autres  qui  font  
 renfermez  d'une  façon particulière  ;  
 Car  ceux,  par  exemple,  dont  la  
 quarantaine  s'achevc  au  bouc  de  
 quatre  ou  cinq  jours,  ne peuvent  pas  
 convetfer  avec  ceux  qui  ont  encore  
 plufieurs  jours  à  y palTer  ,  autrement  
 ils  feroient  obligez  d'y  demeurer  
 aufll  long-temps  que  ceux  avec  qui  
 ils  frequenteroknt.  De  même,  fi  
 quelqu'un  veut  aller  voit  un ami  qui  
   On  aprête  à  manger  dans  
 cette  maifon  au  gré  de  chacun,  &  
 lors  que  le  temps  de  la  quarantaine  
 eft  expiré  ,  on  vous  vient  quérir  
 avec  une  gondole  ou  un  autre  vaiffeau. 
   
 CHAPI.  
 e i i EG  Y  P  T  E,  SY  R  Î E .  &c.  405  
 C h a p i t r e  LXXVIII.  
 ^ArrbéeàFenife.  Volage de Tadoué,  fort  agreahle.  ^e/- 
 les  fieces  du  Bafjim  à  Bajjano.  Grêle  fort  grojje  ò  fejante  tombée  àVenije. 
   Figure  extraordinaire  d'un  petit  animal  appelle  Gerbo  &c.  
 L'Auteur  
 vient  à  
 Venife.  Le  79.  de  Décembre  quand  notre  
 quarantaine  fut  finie,  un  Huiflicr  
 me  vint  faire  fortir  du  Lazaret,  
 avec  un  de  mes  amis  qui  vcnoit  
 ^uffi  de  Smyrne,  &  nous  fumes  menez  
 à  Venife  dans  une  gondole.  
 Mon  deiTcin  étoit  de  m'arrêter  longtemps  
 dans  cette  belle  ville,  à  del  
 fein  de  me  perfeitionner  dans  la  
 Peinture.  J'eus  le  bonheur  de  rencontrer  
 un  des  plus  habiles  maîtres  
 de  ce  liecle  -,  il  étoit  de  Munich  en  
 Allemagne,  Scs'appelloit  Carlo  Loth  
 Quoi  qu'il  eût  alors  foixante  ans,  
 villages  qu'il  y  a  le long  de fes  bords,  
 mais  principalement  à  caufe  de  
 quantité  de  Palais  &  de  belles  maiions  
 de  Campagne  qu'on  y  voit  des  
 deux  cotez.  On  y  a,  à  l'égard  de  
 la  maniere  de  faire  ce  voiage  ,  un  
 portrait  en  raccourci  de  ce  qui  fe  
 fait  par  toute  la  Hollande,  car  on  
 s'y  fait  trainer  le  long  de  la  rivière,  
 comme  nous  faifons  fur  nos  Canaux  
 avec  nos  barques  &  nosjachts-,  l'on  
 y  peut  aller  auflî  avec  les  gondoles  ,  
 &  ces  deux  manieres  font  en  ufagc  
 tous  les  jours;  outre  que  le  chemin,  
 on  peut  dire  qu'il  étoit  encore  dans  quand  on  le  veut  faire  par  terre,  a  
 la  fleur  de  fon  âge,,  par  rapportala  auffi  les  mêmes  agrémens  
 peinture,  &  d'ailleurs  frais  
 gourcux  de  corps  ,  auffi  bien  que  
 d'une  très  agreable  converfation.  11  
 avoit  demeuré  dès  fa  jeuneiTe  en  
 Italie,  mais  principalement  à  Venife  
 où  il  étoit  fort  eftimé.  Il  m'accorda  
 généreufement  tout  ce  que  je  lui  
 "demandai  ,  &  il  me  donna  tant  
 d'ouverture  pour  l'art  dans  lequel  je  
 voulois  me  perfcftionner,  que  j'avoue  
 que  je  lui  ai  une  obligation  infinie. 
   Cet  exercice  ne m'occupa  pas  
 pourtant  tellement  ,  que  je  ne  me  
 donnalle  quelque  relâche,  &  que  je  
 n'allaiTe  vifiter  ce  qu'il  y  a  de  principal  
 tant  dans  la  ville  que  dehors.  
 Je  paffai  quelques  mois  àBaipino,  
 qui  n'eft  qu'a  une  petite  journée  de  pein'tures  
 Venife.  Ce  fut  uniquement  pour  du  Baflin  
 fatisfaire  l'envie  que  j'avois  d'aller  ^  
 voir  les  ouvrages  de  ce  fameux  
 Peintre  le  BalTan  ,  qui  pour  honorer  
 Je  ne  parlerai  point  de  la  premiere  ,.  
 parce  qu'elle  eft  allez  connue,  &]e  
 toucherai  feulement  quelque,  choie  
 le  lieu  de  fa  nailfance,  y  a  fait  
 des  ouvrages  qui  furpaiTent  en  beauté  
 tout  ce  qu'd  a  fait  autre  parc,  de  
 quelque  dignité  &  excellence  qu'il  
 puiiTe  être.  Il  y  en  a  deux  encre  
 autres  dans  deux  Chapelles,  où  ils  
 fervent  à  deux  Autels,  qui  font  tellement: 
   -eftimez  qu'on  les  tient  toujours  
 renfermez  ,  &  qu'on  ne  les  
 voit  qu'au  travers  des  portes  de  fer  
 creiUitléss.  Le  premier  eft  la  reprefencation  
 de  la  Naiifance  de  Notre  
 Seigneur.  Mais  ce  que  l'on  croie  
 -iju'il  y  a  de  plus  beau  à  voir  de  ce  
 Entre  les  plus  agrcables  divertiife-  grand  homme  ,  &  qui  n  cit  point  
 V o i a g e  mens  qu'un  Etranger  puifle  prendre  renfermé,  mais  que  t o u t  le  monde  
 par  eau à ^ Vciiilé,  il faut  qu'il  aille  voir  la  vil- 
 Pfoardtdoiuvie:,r - Jj,  Padouë  ,  qui  en  eft  eloignée  
 tifiant.  ^c  dixhuit  milles.  On  y  va  par  eau  
 de  Forcno  qui  n'eft  qu'a  une  heure  
 de  Venife.  Ce  Heu  eft  danslaTerte 
 ferme  ,  fur  la  riviere  de  Brente,  
 dont  l'afpea  eft fort agreable,  à caufe  
 de  la  quantité  de  Bourgs  &  de  
 peut  aller  voir  dans une Egl i fe,  c'eft  
 une  piece  qui  reprefente  l'Afcenfion  
 de  Jefus  Chrift  ,  où  fes  Difciples  le  
 'contemplent  aucc  admiration  Se avec  
 étonnement.  Pour  ce  qui  regarde  
 la  ville  de  BaiTano,  fa  fituation  eft  
 fort agreable,  fur le bord  de  la  riviere,  
 OÙ  j'eus  occafion  de  prendre  plu- 
 E  e  c  a  feuis