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vingt. En im mot c'cft une chofc
très-incommode &c très-ennuicufe j
qu'une perfonne après toutes les
fatigues de la navigation, foit encore
au l e v a n t
fera renfermé dans le Lazaret, il ne
lui eft pas permis d'approcher de lui,
mais il faut qu'il en foit éloigné de
quelques pas, & c'efl: pour cela qu'-
on lui donne toujours un garde qui
l'eclaire de fort près. Car s'il venoic
à le toucher, il faudroit qu'il fit
aufll ià quarantaine, qui ielon les
diverfes circonftances , eft allongée
ou accourcie félon le bon plaifir de
M«. Les Dircfteurs de la Maifon
de Santé. On fe fait apporter là de
la ville tous les vivres dont on a befoin.
affiijettie à cette mortification.
Pour ce qui regarde cette maifon
de h Ma" de Santé, c'eft un bâtiment toutenfondeSan
vironné d'eau,& ceint d'une muraille
; Il y a pluficurs appartemens publics
, avec quelques autres qui font
renfermez d'une façon particulière ;
Car ceux, par exemple, dont la
quarantaine s'achevc au bouc de
quatre ou cinq jours, ne peuvent pas
convetfer avec ceux qui ont encore
plufieurs jours à y palTer , autrement
ils feroient obligez d'y demeurer
aufll long-temps que ceux avec qui
ils frequenteroknt. De même, fi
quelqu'un veut aller voit un ami qui
On aprête à manger dans
cette maifon au gré de chacun, &
lors que le temps de la quarantaine
eft expiré , on vous vient quérir
avec une gondole ou un autre vaiffeau.
CHAPI.
e i i EG Y P T E, SY R Î E . &c. 405
C h a p i t r e LXXVIII.
^ArrbéeàFenife. Volage de Tadoué, fort agreahle. ^e/-
les fieces du Bafjim à Bajjano. Grêle fort grojje ò fejante tombée àVenije.
Figure extraordinaire d'un petit animal appelle Gerbo &c.
L'Auteur
vient à
Venife. Le 79. de Décembre quand notre
quarantaine fut finie, un Huiflicr
me vint faire fortir du Lazaret,
avec un de mes amis qui vcnoit
^uffi de Smyrne, & nous fumes menez
à Venife dans une gondole.
Mon deiTcin étoit de m'arrêter longtemps
dans cette belle ville, à del
fein de me perfeitionner dans la
Peinture. J'eus le bonheur de rencontrer
un des plus habiles maîtres
de ce liecle -, il étoit de Munich en
Allemagne, Scs'appelloit Carlo Loth
Quoi qu'il eût alors foixante ans,
villages qu'il y a le long de fes bords,
mais principalement à caufe de
quantité de Palais & de belles maiions
de Campagne qu'on y voit des
deux cotez. On y a, à l'égard de
la maniere de faire ce voiage , un
portrait en raccourci de ce qui fe
fait par toute la Hollande, car on
s'y fait trainer le long de la rivière,
comme nous faifons fur nos Canaux
avec nos barques & nosjachts-, l'on
y peut aller auflî avec les gondoles ,
& ces deux manieres font en ufagc
tous les jours; outre que le chemin,
on peut dire qu'il étoit encore dans quand on le veut faire par terre, a
la fleur de fon âge,, par rapportala auffi les mêmes agrémens
peinture, & d'ailleurs frais
gourcux de corps , auffi bien que
d'une très agreable converfation. 11
avoit demeuré dès fa jeuneiTe en
Italie, mais principalement à Venife
où il étoit fort eftimé. Il m'accorda
généreufement tout ce que je lui
"demandai , & il me donna tant
d'ouverture pour l'art dans lequel je
voulois me perfcftionner, que j'avoue
que je lui ai une obligation infinie.
Cet exercice ne m'occupa pas
pourtant tellement , que je ne me
donnalle quelque relâche, & que je
n'allaiTe vifiter ce qu'il y a de principal
tant dans la ville que dehors.
Je paffai quelques mois àBaipino,
qui n'eft qu'a une petite journée de pein'tures
Venife. Ce fut uniquement pour du Baflin
fatisfaire l'envie que j'avois d'aller ^
voir les ouvrages de ce fameux
Peintre le BalTan , qui pour honorer
Je ne parlerai point de la premiere ,.
parce qu'elle eft allez connue, &]e
toucherai feulement quelque, choie
le lieu de fa nailfance, y a fait
des ouvrages qui furpaiTent en beauté
tout ce qu'd a fait autre parc, de
quelque dignité & excellence qu'il
puiiTe être. Il y en a deux encre
autres dans deux Chapelles, où ils
fervent à deux Autels, qui font tellement:
-eftimez qu'on les tient toujours
renfermez , & qu'on ne les
voit qu'au travers des portes de fer
creiUitléss. Le premier eft la reprefencation
de la Naiifance de Notre
Seigneur. Mais ce que l'on croie
-iju'il y a de plus beau à voir de ce
Entre les plus agrcables divertiife- grand homme , & qui n cit point
V o i a g e mens qu'un Etranger puifle prendre renfermé, mais que t o u t le monde
par eau à ^ Vciiilé, il faut qu'il aille voir la vil-
Pfoardtdoiuvie:,r - Jj, Padouë , qui en eft eloignée
tifiant. ^c dixhuit milles. On y va par eau
de Forcno qui n'eft qu'a une heure
de Venife. Ce Heu eft danslaTerte
ferme , fur la riviere de Brente,
dont l'afpea eft fort agreable, à caufe
de la quantité de Bourgs & de
peut aller voir dans une Egl i fe, c'eft
une piece qui reprefente l'Afcenfion
de Jefus Chrift , où fes Difciples le
'contemplent aucc admiration Se avec
étonnement. Pour ce qui regarde
la ville de BaiTano, fa fituation eft
fort agreable, fur le bord de la riviere,
OÙ j'eus occafion de prendre plu-
E e c a feuis