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 68  V O Y A G E  au  L EVANT  
 les  produifent  en  abondance  du  
 Hedi  du  vin  ,  des  fruits,  du  Coton  
 ,  du  Bétail  &c.  La  pèche  y  cft  
 aufli  fort  bonne,  mais  les  habitans  
 du  pais  ne  s'y  addonent  que  pour  
 leur  ufage,  par  ce  que  Conftantinople  
 &  les  autres  villes  de  la  Propontide  
 qui  pourroient  avoir  befoin  de  
 poiiTon  n'ont  que  faire  d'en  aller  
 chercher  ailleurs  que  dans  cette  mer  
 même)  &  qu'  ainii  elles  fe  peuvent  
 bien  paiTer  de  celui  des  Ifles  de  
 Marmora.  
 Au  bout  de  laPropontide,  avant  
 que  de  venir  à  Conftantinople,  on  
 trouve  encore  un  petit  amas  dilles  
 que  les  Turcs  appellent  Vapas- 
 Adajp,  &  les  Grecs  Tapadmifia,  
 ou  iHes  des  moines.  Les  Européens  
 ce  qui  leur  fait  envie.  Il  eft  vrai  qu'- 
 ils  viennent  rarement  Ijufqu'a  les  
 tuer  ,  parce  que  le  meurtre  eft  fort  
 feverement  défendu  par  toute la Turquie  
 Ides des'®® nomment  liles  des  Papes  o\iIJles  
 Princes,  des  'Tnncss.  Ces  Ifles  feroient  un  
 vrai  Paradis  fi  les Chrétiens  croient  
 maitres  de  Conftantinople.  Chacun  
 voudroit  y avoir  une  maifon  de plaifance, 
   car  elles  n'en  font  éloignées  
 que  de  trois  ou quatre lieues j  &  l'on  
 fait  fouvent  ce  trajet  en  une  heure  
 &  demie,  ou  deux heures.  Elles fervent  
 fouvent  de  lieu  de  divertiflèment  
 aux  Européens  qui  demeurent  
 à  Conftantinople,  de  même  qu'aux  
 habitans  de  Tera  &  aux  autres  
 Grecs.  
 Mais  ce  qui  devtoit  faire  le  bonheur  
 de  ces  Ifles,  eft au  contraire  la  
 caufe  de  leur  malheur,  Sclevoifinagc  
 de  Conftantinople  leur  apporte  
 bien  plus  de  dommage  que  de  profit. 
   
 Quand  quelque  JaniiTaire,  ou  
 quelque  autre  Turc,  addonnéauvin  
 veut  un  peu  s'en  donner  au  coeur  
 .  joie,  il  s'en  va  dans  ce  lieu  là  pour  
 s'y  pouvoir  enivrer  avec  plus  de  liberté. 
   Car  quoi  que  les  "Tures  boivent  
 rarement  du  Vin,  ils  ne  laiffent  
 pas  dans  l'occafion  d'en  faire  
 de  grand  excès  ,  &  s'ils  ne  s'en  fentent  
 pas  encore trois  ou  quatre  jours  
 après,  ils  n'en  font  pas  contents.  
 Mais  quand  ils  en  font  une  fois pris,  
 il  faut  que  les  pauvres  Grecs  portent  
 la  peine  des  infolences  que  les  filmées  
 qui  leur  montent  à  la  tête  leur  
 font  commettre;  ils les pouffent,  ils  
 les  battent,  &  ils  leur  prennent  tout  
 ,  &  qu'on  pend  fur  le  lieu  même  
 celui  qui  l'a  commis  :  mais  ils ravagent  
 tellement  leurs  jardins,  leurs  
 vignes,  leurs  vergers,  &  leurs  terres  
 ,  qu'ils  n'ont  pas le courage de  les  
 cultiver  i  &  ainfi  ces  Ifles  qui  font  
 auffi  fertiles  qu'agreables  à  la  vue,  
 font  prefque  toutes  en  friche.  Il  n'y  
 a  que quelques  Ca&^'irj qui  cultivent  
 autour  de  leurs  Cloitres  un  peu  
 d'herbes  &  de legumes  pour leur  uiàge  
 ordinaire,  &  pour en donner  aux  
 Européens  &  à  quelques  honnêtes  
 gens  qui  les  vont  vifiter :  Ils  ne  les  
 empêchent  pas  de  manger  de  la  viande  
 lors  qu'ils  en  apportent  avec  
 eux,  quoi  qu'ils  leur  fervent  toujours  
 du  poiffon,  dont  ilsontenabondance. 
   Pour  eux,  ils  ne  mangent  
 jamais  autre  chofe,  étant  de  
 vrais  Ichtyophages  volontaires  qui  ne  
 vivent  que  de  poiffon,  & qui fe font  
 defendu  pour  toujours  l'ufage  de  la  
 viande.  
 Ces  bons  Caloyers  font  des  Reli-  Particili.  
 gieux  de  l'ordre  de  S'. Bafile  ,  de  
 même  que  ceux  du  Mont  Athos,  SccàloM  
 de  toute  la  Grece : Ils  s'affujettiffent &  te'  
 tous  à  la  même  regle,  &  portent  le Oiretieis  
 même  habit.  On  n'entend  point  
 chez  eux  parler  de  Reforme  de  leur  
 premier  Inftitut,  ni  d'autres  chofei  
 femblables.  Ils  n'ont  point  changé  
 leur  ancienne  maniere  de  vivre t  
 leur  habit  eft  auíTi  le  même  que  cidevant, 
   fans  y  avoir  rien  ajouté,  ni  
 rien ôté qui  les  diftingue  les  uns  des  
 autres  ,  &  nonobftant  les  dégâts  
 qu'on  a  faits  de  leurs  terres ,  &  Teloignement  
 des  temps,  l'uniformité  
 de  leurs  conftitutions  eft  toujours  
 demeurée  dans  un  même  état  fans  
 changement,  &  fans  relâchement,  
 aufli  mènent  ils  une  vie  fort  retirée  
 &  fort  pauvre i  ils  ne  mangent  jamais  
 de  viande,  &  outre  cette  abftinence  
 continuelle»  ils  obfervent  
 encore  quatre  jeûnes  l'année,  outre  
 plufieurs  autres  jeûnes  qui  font  obfervez  
 par  toute  l'Eglife  Grecque,  
 rendant  lefquels,  ni  les  Laïques  ni  
 es  Ecclefiaftiques,  foie  en  fanté,_  
 foit'  
 en  E  G Y  PTE,  
 fok  lors  qu'ils  font malades,  mêmes  
 dans  la  plus  grande  extrcmité,  ne  
 mangent  ni  beurre,  ni  poiffon,  ni  
 oeufs.  Les  Arméniens  deffendent  
 outre  cela  encore  l'huile.  Et  il  n'y  
 a  pas  un  de  ces  Chrétiens  qui  s'avife  
 jamais  d'en  demander  difpenfe,  
 comme  on  fait  dans  l'Eglife Romaine  
 V  auflî  ne  leur  feroit  elle  pas-accordée  
 ,  à  moinsqu'ilsn'apportaient  
 pour  s'en  fervir  &  pour  l'obtenir  ,  
 une  extrême  précaution  ,  après  l'avoir  
 bien  payée,  par  une  aumône  
 conitderable  qu'ils  font  obligez  de  
 donner  à  l'Eglife.  .  .  
 Au  refte,  quoi  que  la  quantité  de  
 Jeûnes  &  de Carêmes,  que les Chrétiens  
 d'Orient  &  leurs  Caloyers  obfervent, 
   leur  faffe faire  maigre  pour  
 le  moins  les  trois  quarts  de  l'année,  
 ils  ne  laiffent  pas  les  ums  &  les  autres  
 de  favoir  faire  plufieurs  apréts  
 pour  un  bon  repas,  quand  ils  Veulent  
 traitter  ceux  qui  les  vont  vifiter  
 à  ces  jours  de  jeûnes.  Le  Proverbe  
 Italien  qui  dit  Travata  la  Legge,  
 Trovato  l'Inganno,  c'eft  à  dire,  en  
 même  temps  qu'on  a  inuenté  la  loi,  
 on  a  inventé  aulji  des  expediens  pour  
 f e  difpenjer  de luioheïr,  ce proverbe  
 dîje>a  heu dans  l'Orient  tout de  même  
 que  dans  l'Europe.  Car  fi  l'on  
 y  deffend  le  vin,  on  fe  recompenfe  
 par  lemoien  de  l'eau  de  vie,  du  
 Caffé,  du  Sorbet.  &  d'autresexcellens  
 breuvages.  Ceux  qui  font fcrupule  
 de  manger  du  poiffon,  font  
 îèrvir  à  leur  table  des  huitres,  &  
 d'autres  coquillages,  du  caviar  &  
 d'autres  femblables  mets  d'oeufs  &  
 de  laittances  de  poiffon,  bien  plus  
 délicats  que  le  poiffon  même,  &  où  
 les  arrêtes  ne  font  point  à  craindre.  
 Et  fi  les  Arméniens  n'employent  ni  
 beurre  ni  huile  dans  leurs  fauffes,ils  
 fe  fervent  d'amandes,  de  piftaches,  
 de  noix  ,  &  d'autres  fruits  femblables  
 qu'ils  pilent  dans  un  mortier,  
 &  qui  mis  enfuite  fur  le  feu,  font  
 un  effet  pareil,  &  même  meilleur  
 poUf  les  fiuffes,  que  ne  fait  notre  
 beurre.  En  un  mot  ceux  qui s'affïijettiffent  
 le  plus  à  l'obfervation  de  
 ces  jeûnes  ,  deguifent  fi  bien  cette  
 abftinence  ,  qu'ils  n'y  font  rien  
 moins  que  jeûner,  puis  qu'ils  fe  re- 
 S Y R I E ,  &c.  69  
 compenfent  de  la  tprivation  d'une  
 chofe  par  l'iifige  libre  &  abondant  
 d'une  autre  aullî  bonne.  Car  ils  ne  
 croient  pas  que  ce  foit  pecher,  que  
 de  manger  toujours  quelques  chofè  
 entre  leurs  repas  ,  pùurvû  qu'il  n'y  
 ait  ni  chair  ni  poiffjii,  ni  oeufs,  ni  
 beurre  j'int ¡huile:  '  
 Cependant  • il"  y  en  i  auffi  entre  
 ces  bons  Caloyers,  l^artahites,  Tapas  
 &  avrtres  Ecclefiaftiques,  aufli  
 bien  qii'cntre  les  laïques  d'Orient,  
 qui  joignent  tellement  l'abftinence  
 au  choix-  des  viandes,  qu'ils fe  contentent  
 de  manger  une  fois  le  jour  
 Un  peu  de  pain  &  de  legumes,  
 cuits  au  féf  &  à  l'eau.  Ü'autres  
 qui  font  plus  âgez^  fe  font  accoutumez  
 à  force  de  jeûner  ,  à  ne  
 manger  qu'une  fois  en  deux ou  trois  
 jours,  pendant  tout  le  temps  de  
 leur  Jeûne:  &  il  y  en a même  quelques  
 uns  à  ce  qu'on  dit,  qui  ne  
 mangent  que  fept  fois  dans  lesfepc  
 femaines  que  dure  leur Carême,  ce  
 qui  néanmoins  me  femble  incroyable; 
   
 Quand  on  a  paffé  ces  Ifles  on  
 commence  à  approcher  de  Con-a^^j^lje  |  
 ftantinople  qu'on  voit  à  main  gau-  Conilantu  
 che.  Il  faut  tirer  le  long  de  fes  
 muraifles}  qui  s'etendent  depuis  le B^nelK."  
 chateau  des  Sept  Tours  jufqu'à  la  
 pointe  du  Scrrail  ,  après  quoi  il  
 faut  prendre  fon  cours vers le Nord- 
 Eft  pour  doubler  la  pointe  du  Serrail  
 ,  afin  d'eviter  le  courant  continuel  
 des  eaux  du  Bofphore,  qui  
 fe  déchargent  avec  importuofité  de  
 la  Mer  Noire  dans  la  Propontide,  
 &  qui  feroient  fans  doute  que  le  
 vaiffeau  iroit  brifer  contre  tAcropolis  
 ou  pointe  du  Serrail.  
 On  laiffe  donc  le  Serrail  à  main  
 gauche,  &  tournant  le  vaiffeau  du  
 côté  de  Scjtari  on  tire  tout  droit  
 vers  un  Rocher  fur  lequel  il  y  a  
 une  tour  quarrée  environnée  d'une  Tout  de  
 muraille  de  la  même  figure,  au  bas  
 de  laquelle  on  voit  plufieurs  pieces  
 de  Canon,  qui  paroiflènt  aux  embraftires. 
   Les  Turcs  appellent  cette  
 Tour  Kfes-calafi  ,  ou  le  Chateau  
 des  Vierges  ,  &  les  Européens  la  
 Tour  de  Leandre,  mais  fans  aucun  
 fondement,  car  ce  ne  fut  pas  dans  
 I  3  cec  
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