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 n o  VOYAGE  au  L EVANT  
 C H A P I T R E X I V .  
 Commaudemens  de  la  Loi  des  Turcs,  Defcription  du  'BaU  
 ram  ou  Tàque  des  Mahometans  ,  de  leurs  autres  Fêtes,  de  leur  Calendrier  
 ùc.  
 Près  avoir  rapporté,  comme  
 .nous  avons  fait  ci-devant  
 h }  
 quelques  particularitez  de  la  Religion  
 des  Turcs  j  il  faut avant  que  de  
 paircr  à d'autres choies,  que nous en  
 diiions  encore  un  mot avec M'.  Grelot. 
   
 Comma  obfervent  les  dix  Coramandedem'nJde  
 même  que  les Chrétiens  ,  
 la Loi des mais  ils  cn  ont  d'autres,  outre  ceux  
 Turcs.  qu'ils  ont  receus de leur  Prophète  
 Mahomet,  &  qu'on  peut  regarder  
 comme  les  fondemens  de  leur  
 Religion.  
 Ils  confident  principalement  en  
 cinq  choies  ,  &  voici  comment  on  
 les  peut  divifer.  I.  de  croire  en  un  
 Dieu  ,  &  de  l'adorer  feul  comme  
 tel. II.  de Jeûner  pendant  le  Ramadan  
 III.  de  prier  aux  heures  deftinées  
 à  la  priere.  IV.  de  donner  tous  
 les  ans  aux  pauvres  la  quarantième  
 partie  de  fon  bien,  V.  de  faire  au  
 moins  une  fois  en  fa vie  le voiage de  
 la  Mecque.  
 Pour  ce  qui  regarde  le premier  de  
 po^'ofeu  Commandemensjon  peut dire que  
 &  pour'es  Turcs  l'obfervent  admirablement  
 fon Nom. bien  ,  &  qu'ils  ont  un  refpefl: tout  
 particulier  pour  Dieu  ,  &  pour  fon  
 •"Jom.  Ils  le  font  paroître  en  ce  
 qu'ils  n'entreprennent  jamais  rien,  
 de  quelque  importance  que  ce  puiffe  
 être,  grande  ou  petite,  fans  dire  
 a u p a r a v a n t o u ,  Aiinom  
 de  'Dieu.  Et  même  ce  refpeâ: va  fi  
 loin  qu'ils  ne  veulent  pas  emploier  
 le  papier  à  aucun  ufagc fale,  &  que  
 s'ils  en  voient  à  terre  le  moindre  
 morceau,  ils  le  ramaiTent  comme  il  
 a  déjà  été  dit,  &le  mettent  en  quelque  
 trou de la muraille, par cette confideration  
 que le nom  de  Dieu  pourroit  
 y  être  écrit  ,  &  c'cft  ce  qui  fait  
 que  l'on  voit  de  tous cotez  les  trous  
 de  leurs murailles  pleins de ces  petits  
 papiers  ,  ce  "qui  me  paroiflbit  au  
 commencement  fort  étrange.  
 Cependant  ce  refpeft  qu'ils  ont  
 pour  Dieu  n'empêche  pas  qu'ils  ne  
 jurent  à  tous momens  par  fon  nom,  
 &  qu'ils  n'ayent  continuellement à  k  
 bouche  le mot  de  Vatlah  ,  c'eft  à  
 dire,  par  'Dieu  qui eft auffi commun  
 chez  eux  ,  que  l'cft  parmi  nous  le  
 moindre  jurement,  mais  avec  cette  
 difl'erence  que  lors que  les Turcs  difent  
 yallah  ils  veulent  qu'on  les  
 croye,  &  qu'il  le  faut  en  effet  pour  
 l'ordinaire  ,  au  lieu  que  parmi  le  
 commun  des  Chrétiens  ,  on  a  cette  
 mauvaife  coutume  d'emploicr  toutes  
 fortes  de  juremens  ,  &  même  celui  
 de  Dieu,  fans  que  cela  foit  d'aucune  
 neceflîté  -,  cela  fervant  plutôt  à  
 faire  paroitre  le  mépris  qu'on a pouc  
 Dieu  ,  qu'à  donner  une  preuve  de  
 bonne  foi  ,  &  de  la crainte  qu'on  a  
 pour  fon  nom.  Comme  donc  les  
 Mahometans  aiment  la  vérité  ,  &  
 qu'ils  ont  deifein  de  lui  rendre  témoignage  
 ,  lors  qu'ils  confirment  
 quelque  chofe  par  l'invocation  du  
 nom  de  Dieu,  ils ne  croyent  pas lui  
 déplaire  cn  difant  Vatlah,  parce qu'- 
 ils  n'ont  point  d'autre  intention  que  
 de  le  prendre  à  témoin  de  la  vérité.  
 Ils  ont  encore  une  autre  maniéré  de  
 jurer  qui  leur £ft fort ordinaire,  c'eft  
 de  dire,  AuJ]i  nirai  que je  fuis  Mufulman. 
   
 Le  fécond  commandement  ell: ce- RamaJan  
 lui  du  Icûne,j  Ti  j    appellé  chez  eux  Ra-°Zd eslJu™ra'.   madan.  11 dure  un  mois en  tier,  ou  ii.  
 plutôt  une  Lune  (car  c'eft  par  les  
 Lunes  que  les Turcs  mefurenc  leurs  
 années)  &  il  commence  avec  le  Ramazan  
 qui  eft  le  neufvieme mois de  
 l'an :  Mais  il  faut  remarquer  que  les  
 années  des  Turcs  ne  finiflênt  pas  en  
 même  temps  que  les  nôtres.  Ce  
 qu'ils  eftiment  que  cette  Lune  eft  
 pius  
 en  EGYP T E ,  SYRIE,  &c.  
 plus  fainte que  les  autres,  c'eft  parce  
 que,  felon  qu'ils  lé  difent,  l'Alcoran  
 fut  apporté  .du  Ciel  en  ce  
 temps  là.  Voici  comme  on  l'annonce  
 au  peuple.  Lors  que  la Lune  de  
 Chaaba?i  ,  qui  cft  celle  qui  precede  
 le  Ramazan  eft  achevée,  plufieurs  
 perfonnes  des  plus  zelées  s'en  vont  
 fur  une  montagne  pour  tâcher  de  
 découvrir  la  nouvelle  Lune.  Si c'eft  
 un  homme  digne  de  foi  qui  en  apporte  
 la  premiere  nouvelle  dans  la  
 ville,  on  lui  donne  unerecompenfe,  
 &  on  public  4  haute  voix  le  Ramadan  
 par  tous  les  quartiers  de  la ville.  
 &  même  on  le  fut  encore  fçavoir  le  
 foir par un coup de Canon que l'on  tire. 
   Aulîi  tôt on pend  une infinité de  
 Lampes  à  tousles  Minarets,  &  avec  
 un  tel  ordre  que  cela  fait  un  fpeftacle  
 fort  agréables  Cela  ferenouvelle  
 tous  les  foirs.  |  
 Pendant  tous  ce  mois  les  Turcs  
 font  de  la  nuit  leur  jour  ,  &  du  
 jour  leur  nuit  ;  parce  que  comme  
 il  ne  leur  eft  pas  permis  pendant  
 tout  le  temps  qu'on  voit  la  lumière  
 du  jour,  de  manger  ni  de  boire;,  ni  
 de  rien  mettre  en  la  bouche  ,  ou  
 même  de  fumer une  pipe  de  Tabac  
 (ce  qui  peut-être  leur  fait  plus  de  
 peine  que  tout  le  refte)  ils  tâchent!  
 de  paffer  le  jour  à  dormir,  defortei  
 qu'on  ne  voit  alors  preljjue perfon- !  
 ne  dans  les  rues.  Au  contraire  dés|  
 que  la  lumiere  du  Soleil  a  fait  place  
 à  celle  de  la  Lune  ,  les  rues  font  
 pleines  de  monde,  &  les  Kahu'és  
 ou  maifons  à Caffe  remplies  de  
 gens  ,  oil  chacun  s'en  donne  au ,  
 coeur  joye  ,  &  fe  rempht  jufqu'à  
 n'en  pouvoir  plus.  Cela  dure  toute  
 la  nui t ,  &  dés  que  le  jour  commence  
 à  paroitre  ils  fe  féparent tous  
 en  même  temps,  &  fe  rendent  chacun  
 chez  foi  :  En  cela  ils  ne  font  
 que  ce  que  1'Alcoran  leur  permet,  
 puis  qu'il  porte  en  termes  expres  
 qu'ils  peuvent  manger  &  boire  &c.  
 toute  la  nuit,  jufqu'a  ce  qu'on  puiffe  
 diftinguer  à  la  lumiere  du  jour  un  
 fil  blanc  d'avec  un  noir.  Mais  
 quand  le  Ramadan  approche  de  fa  
 fin  ,  c'eft  alors  que  la  licence  eft  
 1  l  l  
 autre  chofes  que  de  chanteurs  de  
 chanfons;,  des  joueurs  d'inftnimens,  
 des  joueurs  de  Marionnettes  ,  & autres  
 telles  gens  cpi  vont  gagner  
 quelque  piece  de  petite  monnoye  à  
 divertir  lès  buveurs.  
 Ce  jeûne  eft  fi  étroitement  enjoint  
 aux  Mahometans  ,  que  ceux  
 qui  ne  peuvent  s'acquitter  de  cette  
 fàuflè  devotion  dans  le  temps  prefcrit, 
   à  caufede  quelque  voiage,  de  
 maladie  ,  ou  quelque  autre  raifon  
 que  ce  foit  ,  font  obligez  fi  tôt  que  
 leur  fantê  ou  l'état  de  leurs  afliires  
 le  leur  permet  ,  de  ië  conformer  au  
 règlement  general  ,  &  d'obferver  
 trente  jours  de  jeûne,  ce  qui  leur  
 eft  imputé  comme  s'ils  avoient  jeûné  
 dans  le  temps  ordonné  par  la  
 Loi,  Au  refte ce  jeûne cft quelquefois  
 fort  incommode  ,  principalement  
 quand  il  vient  cn  Eté.  Car  
 comme  leurs  années  font  de  douze  
 mois  ou  Lunes,  dont  il  y  en  a  fix  
 de  trente  jours  &  fix  de  vingt  neuf,  
 &  qu'a  caufe  de  cela  elles  ne  font  
 Joint  accommodées  au  cours  duSoeil  
 ,  elles  font  plus  courtes  que  les  
 nôtres  d'onze  jours,  &  ainfi  le  Ramadan  
 avance  tous  les  ans  d'autant  
 de  jours,  de  forte  qu'il  n'arrive  pas  
 toujours  en  même  faifon.  Quand  
 donc  il  arrive  en  Eté  ,  ils  font  fort  
 tourmentez  de  la  foif,  principalement  
 dans  les  païs  chauds.  Car  il  
 ne  leur  cft  pas  permis  de  fe  rafraichir  
 les levres d'une feule goûte  d'eau,  
 ce qui fait qu'ils tachent de pafter tout  
 le jour à dormir. Cependant  ils ne laiflènt  
 pas d'obferver le Ramadan,  foit  
 .qu'ils  voiagent  ,  ou  qu'ils  foient  
 même  à  la  guerre  ,  &  cxpofez  aux  
 plus  rudes  fatigues.  Mais  il  s'en  
 trouve  auffi parmi  eux,  comme  il  y  
 ;a  par  tout  des  gens  qui  n'ont  pas  la  
 iméme  pieté  que  les autres  ,  qui  ne  
 s'en  font  pas  une  afl'aire  ,  &  qui  
 ifflangent  c^  boivent  en  ce  temps  là  
 comme  auparavant  ,  ils  le  font  
 pourtant  en  cachette,  de  peur  des  
 coups  de  bâton.  
 Nous  ne  dirons  rien du troifieme  Prière  ,  
 ! commandement,  parce  que nous en  ^  aumoP  
 plus  grande,  
 toute  la  nuit  
 avons  déjà  amplement  parlé.  __  
 pour  ce  qui  regarde  le  quatrième,  
 ¡quoique  les Turcs  fe montrent  prefqu'en  
 les Caftez  font ouverts  
 &  l'on  no  voit  aufli  
 P  ne  III.  &  Et  IV.  
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