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i 8 V O Y A G E au L E V A N T
entrant dans l'Archipel ou mer
Egée , a environ fcize milles de
tour, & n'cft éloignée du continent
de la Morée que d'une bonne demie
lieuë. Elle s'appeloic autrefois
tjthsra, & ce fut le premier pais
à ce que difent quelques uns ou demeura
la Déefle Venus, à caufe de
quoi auffi on lui b;Uic un Temple
dans ce lieu , tout auprès de la mer,
où l'on en voit encore les ruines» felon
le dire de quelques uns.
L e premier de Juillet nous nous
Falcone- trouvâmes entre les Ifles de Milo
ta, Caro-d'Antimilo, Falconerà, Carovi &
Bellepola. Le 3. nous vîmes Saint
Giol-gio 'George d'Albore, Sermina, Zea,
d'Albore Serfori, Sifanti, Argentiera, Milo,
Zea"'"se'r- ^ Ancimilo j venant au refte au
foli Si- deflbus de Serfori, où les Vaifleaux
ftnco.Ar-marchands mirent leurs pavilons
gentiera. p^j^ rendre à la rade, ce qui fe
fit ' après midi, entre Milo & Argentiera
à huit braiTes d'eau. Les
habitants du lieu nous dirent que
fept ou huit jours auparavant huit
Corfaires d'Alger avoient etéàl'Ancre
en cet endroit, mais qu'ils s'en
croient allez du côté de Conftantinople.
ArKntiera eft fituée fur une hau-
Situation ^ \ • I j
d'Atgen- te montagne a une petite heure de
liera &de chemin de la mer. Elle femble affcz
belle & aflez forte par dehors,
mais par dedans on ne voit que de
la pauvreté, & de la mifere, parce
que ces pauvres Infulaires font à
tous moments- pillez par les Corfaires.
Milo eft droit à l'oppofîte, &
n'en eft éloignée que d'environ une
demie heure de chemin par eau.
C'eft une Ifle raifonnablement
grande , qui abonde en toutes fortes
de chofes , & particulièrement
en vins dont les habitants qui font
tous Grecs font un grand trafic. On
y voit plufieurs mines de fouftre &
un bain d'eaux chaudes. La ville
même dont les maifons font bien
meilleures que celles d'Argentiera
eft deux lieues avant dans les terres,
& fituée dans une plaine, lesfemmes
Grecques avec qui nous nous divertiffions
en chemin faifant, prenoicnt
grand plaifir à nous entendre
parler, & nous n'en prenions pas
Milo.
moins à voir leurs gcftcs& leurs manieres
extraordinaires.
Nous y pailames la nuit, logez
chez le Confuí, qui eft un Grec de
cette Ifle, & comme nôtre compagnie
etoit allez grande,nous nous fîmes
faire un lit à terre, mais les puces Se
autre vermine qui y etoit en quantité
nous cmpêcherent bien de dormir,
de forie que nous fûmes contraints
de paflcr le temps à autre
chofe.
L e 4. nous nous embarquâmes
dés la pointe du jour, & aiant levé
l'Ancre nous nous éloignâmes de
ces Ifles.
Cependant nôtre Chalouppe etoit
allée pour faire de l'eau, & fon mât
avoit été rompu par la force du
vent. Lcf. un Vaifleau Vénitien
fe joignit à nous, parce qu'il alloic
aufli à Smyrne. Nous trouvâmes
que c'etoit le même à qui nous
avions donné la chailè le 3. du
mois précèdent. Le 7. fur le foir
nous aperceûmcs deux voiles, & la
nuit nous eûmes un fort rude vent
qui nousjetta tantôt d'un côté, tantôt
d'un autre entre les Illes Siphan- Sifanto,
t o , Paris, & Antiparis. Le 1 î . au
matin nous nous trouvâmes au midi
de Delos où nos voiles de Perroquet DeIo&
s'abbatirent, & fur le midi étant venus
environ Zira nous eûmes un ^i,.,
calme qui nous empêcha d'avancer :
mais le foir il y eut du Tonnerre
fuivi d'un aflez grand vent, de forte
que nous recommançâmes a faire
voile. Le matin à la pointe du jour
il s'eleva un furieux tonnerre mélé
de foudre, & d'une grêle groflê
comme un oeuf de pigeon. Dans
cette occafion nôtre Vice-Commandant
le Capitaine Meegang
qui montoit le Vaifleau Harderwyk,
perdit fon mât de Perroquet
avec une partie de fon grand mât de
Hune. Le tonnerre emporta aufli
un morceau du grand mât, &: mit
en pieces une marbre qui éroit dans
le Navire ; Lui même confuitant
avec le Pilote & les gens de la manoeuvre,
au fujet de cet orage, fut
renverfé par terre, & quelques uns
de fes gens furent bleilèz. Venant
auprès de l'Hic de Delos nous ne fi.
en E G Y P T E .
Delos &
I (juekjaes
reteá
! d'Antimes
que tourner de côté & d'autre :
Nous approchâmes de Tino fur le
foir & la nuit fuivante nous eûmes
calme. Le 11. quand nous eûmes
atteint cette Ifle , le vent de Nord
recommença à fouffler avec un agréable
.fraîcheur , & nos vaifleaux mirent
leurs pavillons pour paflèr fous
Micona. Mi cona , où nous vînmes mouiller
à vingt fix braflês d'eau.
On dit que cette Ifle eft le lieu de
la naiflince d'Helene, en memoire
de laquelle les femmes portent encore
à leur cou le portrait de cette
Princefle, foit d'or ou d'argent, ou
de quelque autre metal. Micona eft
fort baflc & pour ainfi dire de niveau
avec la mer , ce n'eft qu'un
fort petit lieu , & qui n'a que de
chétires maifons.
La fameuie Ifle de Delos que les
Poetes ont rendue fi celebre n'eft pas
loin de là. Elle a environ quatorze
(¡üitez qui mille pas de circuit. La curiofité'
nous porta à l'aller voir, mais nous
la trouvâmes dans un état pitoiable,
parce qu'elle a êié toute ruinée par
les tremblemens de terre. A prefent
elle n'eft plus habitée, & à peine y
peut-on trouver les traces de quelques
bâtimens, jufques là qu'on auroit
de la peine à reconnoitre l'endroit
où a été autrefois le fameux
Temple d'Apollon, fi ce n'etoit
qu'on le peut inferer de quelques
ruines Se de quantité de morceaux,
& de débris de plufieurs colonnes
de marbre. On y voit encore une
. partie de la ftatuë d'Apollon fçavoir,
le tronc du corps, & une partie
des cuifles, le refte en a été emporte
par les Curieux qui y font venus
de temps en temps, du nombre
defquels je me mettrai fi l'on veut,
puifque j'en rompis auftî un morceau
que je garde pour en conferver
la memoire. On voit aufli à terre
près de cette ftatuë celle de Diane,
& dans le même état. Ces ftatuës
ont été extrêmement grandes comme
on le voit aflèz par ce qui en
refte.
' Je trouvai aufli fur le bord de la
mer plufieurs colonnes dans l'endroit
où a été autrefois l'Arfenal.
Elles fervoient à attacher les gale-
S Y R I E , &c. 19
res. Il y a aufli de grandes ruines •
de la maifon de Philippe Roi de
Macedoine, & trois corniches de
marbre qui ont été peut-être à l'entrée
, fur lefquelles on voit encore
quelques lettres qui fignifient Philippe
Roi de Macedoine.
On rencontre dans la montagne
une efplanade de raifonnable grandeur
, autour de laquelle on peut
reconnoitre les traces d'une muraill
e , ce qui fait voir que ç'a été autrefois
un Amphitheatre. Je montai
après cela fur une haute montagne
, où il y a eu autrefois un
grand château; mais il eft à prefent
tout ruiné. On croit qu'il avoir été
bâti par la République d'Athenes;
Entre toutes ces ruines & ces reftes
d'antiquitcz , on voit encore une
pierre d'une grandeur extraordinaire,
elle reffemble à peu près à une
tombe, & l'on me dit que ce furent
les habitans de Nixia qui l'envoiérent
comme un prefent à Apollon
& à Diane. Il y a auprès un fort
;rand vaifleau de pierre à mettre de
•'eau.
O n void vis à vis de Delos l'Ifle
de Thieno qui appartient à la République
de Venife. Il y a là furie
fommet d'une montagne une forterefl~
e aflèz grande , & pour ainiî
dire imprenable, à caufe qu'on n'y
fçauroit aller qu'un à un. l'Ifle eft
aflèz peuplée, & elle a une ville,
& foixante deux bourgs ou villages.
Aurefle je n'y defcendis point, parce
qu'on n'y laiflTe entrer pcrfonne
qu.il n'ait fait la pratique , c'eft à
dire qu'il n'ait demeuré dehors pour
prendre l'air pendant Icpt jours;
ainfi je ne l'ai vue que par dehors.
Pendant que nous étions à Micene
nous primes a\ec nôtre efquif Jp^'j^'^j
& notre chalouppe, fans répandre Françoife.
de fang , une Polacre Françoife
d'environ foixante dix tonneaux
mais qui n'étoit point chargée.
J'entrai à la priere du Commandant
dans la Chalouppe avec le
lieutenant en chef Les Grecs qui
étoient dans cette Polacre difoient
qu'ils l'avoient achetée des François
, & qu'ils etoient de Chio -,
aufli fut-elle relâchée un peu
C î aptes
Thieno.
1) ' S