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256 V o Y A G E au L EV A N T
temps là avoit ateint fa troiliéme
année fue mené à Hebron pour être
circoncis felon la Loi Mahometane
fous le nom de Hamet ; mais la mere
de fon côté ne fut pas moins foigneule
à cet égard, car elle fit baptifer
iecrettemenc fes deux enfans dés
q u ' e l l e en trouva l'occafion. Au rcftc
les mêmes raifons qui avoient
o b l i g é Muftapha de fortir du Caire
fut arrivée à Venife la fournirent
de vivres & de tout ce que lui étoïc
neceifaire , & ainfi par leur moien j
après beaucoup de peines & de miferes,
elle revint avec fes enfans dans
fa patrie qui eft Anvers , où après
avoir donné ordre pour l'éducation
d e fes enfans, s'ennuyant de la vie
du monde dont elle avoit tant
éprouvé les amertumes , elle fe rel
' o b l i g c r e n t auiTi de quitter Jerufa-i tira dans un Couvent. Ceux qui
lem. Car comme il ne vouloir pas pendant le iejour qu'elle avoit fait
complaire à ceux de fa Rel igion qui 1 à Jerulàlem avoient fouvent parlé
le follicitoient toujours à contraindra
fa femme d'embrafier le Mahometifme
, il crut qu'il ne pourroit
jamais y vivre en repos ; il fc retira
donc à S'. J a n d'Acre, & depuis encore
à Sidon qu'on appelle aujour
d'hui Saide, où il s'addrcfla à quelques
Marchands François afin d'en
p o u v o i r obtenir quelque afliftance.
i l en arriva ici comme ailleurs, c'eft
à dire que le grand attachement
que fi femme faifoit paroitre à fa
R e l i g i o n leur ouvrit les coeurs & les
à elle , me dirent que c'étoit une
D e m o i f e l l e fort bien faite , & à la
fage conduite de la quelle il étoïc
aifé de juger qu'elle étoit fortie d'une
bonne famille.
N o u s avons décrit au Chapitre
dixneuviéme le grand dueil des
Femmes de Turquie au fujet de la
mort de leurs Maris & de leurs Parens.
Cette coutume ne leur eft pas
tellement particulière qu'on ne la
trouve aufti chez les autres Orientaux
, tant les Maronites &c les
bourfes desperfonnespieufes. Apres Cophtes, que les autres Chretiens,
qu'il y eut demeuré un jour ou deux Les femmes y vont à de certains
M u f t a p h a partit avec une barque qui i jour s en troupe hors de la ville vers
alloit à Beyroud, mais le vent ne ¡ les Tombeaux de leurs parens afin
voulant pas leur être favorable il fe j d e les pleurer, & quand elles s'y
fit mettre à terre pour s'en aller à trouvent elles y mene.nt un fore
T r i p o l i de Sourie.
C o m m e ils fe mettoient en devoir
grand dueil.
Pendant le temps que je fus à Doeilde»
d'executer ce deflein, & qu'en avan-1 R ama je vi une grande quantité deR™™' ^
çant leur chemin ils fe furent unices Pleureufes qui fortoient hors
ibir mis dans un champ pour fe re- de la ville , je les fuivis , & après
p o f e r , Muftapha fut attaqué la nuit ' q u e j'eus remarqué l'endroit où elles
par des Chrétiens Maronites qui ha- alloient fe placer auprès des fepulbitent
en cette contrée & qui letue- - '
rent, lors qu'il dormoit profondement
c r e s , afin d' y faire leur dueil accoutumé
, j'allai m'aflfoir dans un lieu
, on dit que c'eft parce qu'ils ! é levé d'où je les deffinai telles qu'on
avoient apris , par je ne fçai quelle les voit N°. 112. Elles alloientprev
o y c , que ce Tur c avoit epoui é une
femme Chrétienne.
E n fuite de cela ils emmenerent
fa femme & fes deux enfans dans
leur montagne , & la prefenterent
au Prince de cette contrée. Elle y
demeura environ un an , au bout
d u quel elle trouva une occafion
pour retourner en Europe par un
V a i l f e a u du Venife qui étoit venu
charger quelques marchandifes à
Beyroud. Les Marchans Flamans
aux quels elle s'addrefTa, dés qu'elle!
micrement fc mettre fur les fepulcres
& y pleurer, où après s'être tenues
environ une d emi -heur e , quelques
unes fe levoient & faifoienc
un rond en fe tenant toutes par la
m a i n , comme fi elles euflcnt voulu,
danfer un branle. Tôt après deux
d'entre elles quittoient les autres Scie
mettoient au milieu d u r ond, où elles
f a i f o i e n t tant de bruit en criant, ciï
faifant des contorfions & eu frap-,
3ant des mains, qu'on eût ditqii'cle
s étoient hors du fens. Aprcs'ccia
elles
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