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 i  ' 4  s,  
 M  M^  
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 ques  chiens  en  vouloient  approcher,  
 cela  leur  faifoit autant  de  peine  qu'a  
 nioi,&ils les chalToient d'autour de lui.  
 Le  Cinquième  & dernier  commandement  
 de  la Loi  des  Mahometans,  
 eft d'entreprendre  aumoins  une  fois  
 en  fa  vie  le  voiage  de  la  Mecque.  
 C'eft  celui  de  tous  qui  eft  le  plus  
 mal  obfervé.  Car  s'il  y  en  a  quelques  
 uns  qui  s'en acquittent,  & même  
 plus  d'une  fois  ,  il  eft  d'autre  
 côté  négligé  par  la plus  parc  des  au  
 très, foit parce qu'ils n'ont pas de quoi  
 fiiirc  les  frais  de  ce  voiage,  ou  que  
 lors  qu'ils  s'y  difpofent, ils  en  font  
 empêchez à chaque  fois  par  les affai- 
 ,  res  qui  leur  ferviennent.  Cependant  
 lis  tâchent  toujours  de  fc  mettre  
 en  état  de  le  pouvoir  entreprendre, 
   parce  qu'outre  que  cela leur eft  
 commandé,  ceux qui ont fait ce voyage  
 font  en  très  grande  eftime,  &  
 l'on  ajoute  bien  plus  de  foi  à  leur  
 parole  qu'a  celle  des  autres  ,  comme  
 fi  ce  voiage  conféroit  une  efpece  
 de  fainteté.  
 Avant  que  de  finir  ce  chapitre  ,  
 ou ^pITuc  '  P"'®  P^'"'^  
 desnX-''^'  Ri'madan  ou Jeûne des Turcs,  
 roetans.. que  nous  difions  aufli  quelque  cho- 
 Baïram  ou,  Pàque,  & qu'- 
 en  palTant  nous  touchions  un  mot  
 de  quelques  unes  de  leurs  autres  fêtes. 
   
 Aufll  tôt  qu'on  a  apperceu  la  Lu- 
 ,  ne  de  Cbeuual  qui  dut  immédiatement  
 celle  du  Ramadan  ,  on  fait  une  
 décharge  de  quelques  pieces  de.  
 Canon  qui  font  aux  environs  du!  
 Serrait  ,  afin  d'annoncer  le  Bairam  
 ou  la  Fête  de  Pâque,  ce qui  eft  auf-'  
 fi  tôt  répandu  par  toute  la  ville,  
 tant  par  ce  fignal  que  par  la  lueur  
 des  feux  de  joye  qu'on  allume  en  
 divers  endroits  ;  Cette  nuit  ne  diffère  
 gueres  de  celles  du  Ramadan  
 par  rapport  auxrejouiflàncesqu'ony  
 fait.  
 Un  peu  devant  que  cette  Fête  
 arrive  ,  on  fait  par  tout  de  grands  
 préparatifs  ,  car  chacun tâche dans  
 cette  occafion  de  furpaifer  les  autres. 
   On  pare  les  boutiques  des  
 plus belles étoffés que l'on ait, lefquelles  
 on laiiTe pendre toutes deploiées &  
 flotter  au  gré  du  vent ,  ce qui  fait  
 un  effet  fort  agreable.  Les  autres  
 ornent  leurs  maifons  avec  du  clinquant  
 dont  ils  fçavent  faire  de  fort  
 jolies  chofes;  Quelques  uns  y  mettent  
 des  fleurs  &  de  la  verdure  
 quand  la  faifon  le  permet,  car  comme  
 Pâque  avance  tous  les ans,  par  
 la  raifon  que  nous  avons  dite  ci-devant, 
   on  n'a  pas  toujours des  fleurs  
 en  ce  temps  là  ;  d'autres  enfin  y  
 mettent  de  belles Tapi/Teries.  11  y  
 en  a  même  plufieurs qui  drefTent  des  
 Sophas  hors  de  leurs maifons  ,  fur  
 Icfquels  ils  vont  s'aflbir  avec  leurs  
 amis  pour  fumer  du  Tabac  &  boire  
 du  Caffë  &  du  Sorbet,  &  faire  
 d'autres  petits  régals  ordinaires  entre  
 les  honnêtes  gens.  Pendant  les  
 trois  jours  que  dure  ce Baïram  ,les  
 rues  font  fi  pleines  de  monde  qu'a  
 peine  peut-on  percer  la  foule,  parce  
 que  dans  ce  temps  là  les  femmes  
 ont  la  liberté  de  fortir,  &  qu'on  en  
 voit  des  milliers  par  les  rués  ,  au  
 lieu  que  dans  tout  le  refte  de  l'année  
 elles  font  toujours  renfermées  à  
 la maifon.  
 Ceux  qui  aiment  à  fe  divertir  en  
 l'air  peuvent  fe  mettre  fur un  efcarpoulette. 
   On  en  trouve  prefque  
 dans  toutes  les  rues  ,  qui  font  ornées  
 de  verdure  &  de  rubans,  & attachées  
 au  haut des maifons,  de  forte  
 qu'en les faifant tirer par deux  hommes  
 ou par quatre fi l'on veut, on  peut  
 fauter  en  l'air  auffi haut  qu'on le fouhaitte, 
  & il n'en coûte qu'un Afpre ou  
 un afpre & demi.On y a auflî une efpece  
 de  moulins  à  fe  fkire  tourner  qui  
 vont  fort  habilement.  
 Mais  ce  que  j'ai  vù de plus agreable  
 c'eft  un  feu  d'artifice  qu'ils  ont  
 accoutumé  de  tirer  fur  l'eau  dans  
 cette  occafion  &  dans  les  autres  
 rejouiilànces  publiques.  Il  confifte  
 en quelques Pyramides,Chateaux  &c.  
 environnez  de  joueurs  d'inftrumens  
 qui  font  un  grand  bruit  à  leur  mamere  
 ,  avec  de  petits  tambours  
 de  petites  timbales,  &  une  efpece  
 de  haut  bois  &  quelques  autres  inftrumens  
 ,  parmi  lefquels  ils  font  
 aufll  entendre  leurs  voix  ,  &  donnent  
 des  marques  de  joie  d'une  
 maniéré  la  plus  emportée  que  l'on  
 puiflè  voir.  
 Ceci  
 en  E G Y P T E ,  SYRIE.  &c.  
 Ceci  fc  fait  au  milieu  du  Ca-  JaniiTaire  ,  à  
 jial  entre  Conftantinople  &  Calata  
 ,  &  l'on  y  voit  à  cette  occafion  
 une  infinité  de  Caïques  avec  
 lefquelles  on  fe. peut  promener  autour. 
   Toutes  ces  barques  doivent  
 avoir  chacune  leur  lanterne  allumée,  
 mais  la  plus  part  au  lieu  d'une  en  
 ont  trois  ou  quatre,  &  même  quelques  
 unes  en  ont  jufqu'acinq,  de  
 forte  que  ces  Lanternes  qu'on  voit  
 à  milliers  dans  l'obfcurité  de  la  
 nuit  ,  font  un  admirable  effet  à  
 la  vue.  Il  fiuit  aufll  que  tous  les  
 vaiflcaux  qui  font  dans  le  Port  autour  
 de  la  ville  allument  des  feux  
 de  joye,  même  on  voit  des  lumières  
 attachées  au  Mât  depuis  le  
 115  
 qui  je  fuis  peutêtre  
 redevable  de  ce  qu'il  ne  m'arriva  
 point  de  mal.  Car  il  n'y  a  
 point  de  meilleure  garde  en  Turquie  
 que  ces gens  là.  
 Ce  Baïram  eft  la  plus  grande  
 Fête  des  Turcs  ,  &  aufli  y  obfervent 
 i'.s  une  coutume  très  digne  
 de  louange  ,  c'eft  qu'ils  dépouillent  
 alors  tous  rciFeptiment  de  
 haine  ,  &  tout  défir  de  fe  vanger  
 ,  ils  fé reconcilient  avec  leurs  
 ennemis  ,  mais  bien  plus  fincerement  
 que  ne  font  fouvent  les  Chrétiens  
 ,  &  fiins  cela  ils  ne  croiroient  
 pas  être  en  état  de  bien  célébrer  
 leur  Pafque.  C'eft  auffi  la  
 coutume  que  ceux  qui  font  amis  
 haut  jufqu'au  bas  ,  &  les  cordages! s'entre  bailent  lors  qu'ils  fè  renentourez  
 de  cercles  garnis  de  pcti-; contrent  durant  ces  trois  jours,  
 tes  lampes  de  verre,  de  verdure&c.|  qu'ils  fe  fouhaittcnt  mutuellement  
 Il  y  a  aufÎ!  de  ces  mêmes  lampes ¡une  bonne  Pâque  ,  &  qu'ils  fafà  
 toutes  les Tours  &  à  tous  les Mi-  fent  bien  des  voeux  les  uns  pour  
 narets  de  Conftantinople.  
 Pour  ce  qui  cft  de  leurs  feux  
 d'artifice  ils  ne  confiftent  pour  la  
 plus  part  qu'en  des  fuiées  qu'ils  
 fçavent  fort  bien  faire,  ils  ont  auffi  
 quelques  rouës  qui  en  tournant  
 jettent  une  groffe  pUiye  d'etincelles  
 ;  ils  ont  encore  quelques  autres  
 petites  pièces  de  peu  de  confcquence  
 comme  de  petits  chateaux  
 les  autres.  
 Outre  ce  Baïram  ,  qui  s'appcl-  ^^^^^  
 le  le  Grand  ,  ou  le  te  Buir am Fefies des  
 du  Ramadan  ,  les  Turcs  ont  en-Turcs,  
 core  le  Tetic  ,  ou  le  Bairam  
 des  Adgis  ou  'Pelerms  de  la  Mecque  
 ,  qui  eft  foixante  dix  jours  
 après,  le  Grand  Bairam  ,  c'eft  à  
 dire  le  dixième  jour  de  la  Lune  
 Zoulhidge  qui  cft  la  derniere  de  
 remplis  de  matiere  combuftible: ! l'année.  Ils  ont  encore  quelques  
 mais  pour  ce  qui  eft de fçavoir  faite  autres  Fêtes  &  jours  de  dévotion  
 un  beau  feu  d'artifice  &  qui  brûleifolennellc  ,  dont  la  principale  eftdans  
 l'eau,  c'eft  à  quoi  ils  ne  s'en-:1a  nuit  d'entre  l'onzième  &  le  doutendent  
 point  du  tout.  
 Voila  une  courte  defcription  
 de  la  Pâque  des  Mahometans,  qui  
 eft  pour  eux  une  Fête  de  grand  
 divertifrement  ,  mais  très  dangereufe  
 pour  les  Chrétiens  -,  Car  
 comme  il  y  a  alors  quantité  de  
 ziéme  jour  de  la  Lune  Rebiut  
 Ewel,  parce  qu'ils  croyent  que  
 Mahomet  eft  né  cette  nuit  là.  
 La  nuit  d'entre  le  vingtfixiéme  
 &  le  vingtfeptiémc  de  la  Lune  
 Rebiul  ajjir  ,  eft  aufll  pour  eux  
 une  grande  Fête  ,  parce  qu'en  
 Turcs  ivres  qui  rôdent  par  les  ¡cette  nuit  Mahomet  eft  monté  au  
 tuës  ,  &  que  toutes  fortes  d'in-  jCiel  ÎAlborach  ,  comme  il  
 folences  femblent  alors  être  permi-|eft  écrit  dans  l'Alcoran.  
 fes  ,  il  n'arrive  que  trop  fouvent  |  On  trouve  encore  une  autre  
 que  lors  qu'ils  rencontrent  un  |Fête  entre  le  quatrième  &  le  cin- 
 Chrêtien  ils  ne  fefontp.asuneaffai-  quieme  de  la  Lune  Recheb  ,  au  
 re  de  le  percer  de  quelques  coups  quel  temps  on  fait  la  prière  juf^  
 de  Kangiar  ,  ou  de  lui  faire., qu'a  minuit  dans  les  Mofquécs,  à  
 quelqu'autre  outrage.  Néanmoins  caufe  du  Ramadan  qui  x^ent  deux  
 pour  fatisfaire  macuriofité,  j'allois, mois  après.  
 me  promener  tous  les  foirs  par  la  '  Mais  pour  avoir  quelque  idée^,  ^rs  ac  
 ville  ,  accompagné  pourtaht  d'un  de  la  maniéré  dont  les  Turcs  d^xurc"  
 P  2  coni^' 
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